Le livre "Quand le diable a revêtu l'habit" sort ce jeudi 23 mai 2024. Ce dernier recueille des témoignages de victimes de l'Église, notamment à l'abbaye Saint-Wandrille en Seine-Maritime. Un aboutissement pour Yannick, qui se fait un devoir de témoigner, lui que ses parents n'ont pas écouté ou cru, pendant des années.
C'est un aboutissement pour Yannick. Le livre dans lequel il témoigne ainsi que huit autres victimes de l'Église sort ce jeudi 23 mai 2024.
Dans l'ouvrage "Quand le diable a revêtu l'habit", Michèle Fay, critique littéraire et Claire Horeau, magistrat honoraire ont recueilli les mots de ceux qui sont restés dans le silence, dont ceux de Yannick, aujourd'hui âgé de 52 ans. "Le livre peut permettre d'alerter les parents", assure celui qui veut que son histoire serve à dénoncer des schémas toxiques, qu'il a subis pendant 5 ans.
C'était dans les années 80, Yannick a une quinzaine d'années. Il habite près de l'abbaye de Saint- Wandrille en Seine-Maritime. Son père y livre régulièrement les fruits de la ferme familiale. Adolescent, Yannick y fait ses premiers "petits boulots" d'été, jardiner, cirer les livres...
Des revues à caractère sexuel
Il connaît l'abbaye comme sa poche. Lui, qui n'a pas de livres dans sa famille, est approché par un moine qui lui en prête. Les revues ont de plus en plus un caractère sexuel. "Ça ne m'intéressait pas. C'est lui que ça excitait , se souvient Yannick. Il y a d'abord eu des accolades marquées avec des attouchements et des baisers..."
Un autre moine lui utilise le goût de Yannick pour la musique classique, pour le mettre progressivement sous emprise. "Ça ira jusqu'à des fellations. À l’époque, je n'en parle qu'à un seul moine, qui couvre ses frères et me dit 'Dieu te pardonnera'... Comme si c’était moi qui devais avoir honte !..."
Quand il en a parlé à ses parents en 2004, son père ne le croit pas et le renvoie une fois de plus la honte. "Élu de la commune, négociant avec les moines, mes mots dérangent mon père."
Yannick se rapproche alors de l'association "La parole libérée" qui soutient les victimes de Monseigneur Barbarin à Lyon.
Pas la seule victime
Sur leur conseil, il va porter plainte, même s'il y a prescription. Il témoigne dans la cadre du rapport Sauvé en 2021 et est entendu par la CRR - Commission Reconnaissance et Réparation - créée pour écouter et aider les victimes de violences sexuelles dans l'Église. Mais c'est une interview à la radio, qui va le sortir de son isolement et lui permettre de rencontrer une autre victime.
Nous l'appellerons Jacques. L'interview de Yannick à la radio, Jacques, 70 ans, va l'entendre et entrer en contact avec lui. Yannick découvre alors qu'il n'est pas seul... Jacques lui décrit des faits similaires, dans les années 70. Un des moines est le même que celui que rencontre Yannick plus de 10 ans plus tard.
Yannick et Jacques pensent qu'ils ne sont pas seuls. "Pour le savoir, il faudrait lancer un appel à témoin." Yannick a été indemnisé à hauteur de 23 000 euros. Lui comme Jacques ont été reconnus en tant que victime. "Il n'y a pas eu de procès. Un des moines est décédé et l'autre est encore à l'abbaye ", précise Yannick.
Sollicitée, l'abbaye de Saint-Wandrille n'avait pas encore répondu à nos questions à l'heure de notre publication.