Coronavirus : les éleveurs locaux engagent à consommer des agneaux limousins pour Pâques

Deux problématiques se posent pour les éleveurs ovins du territoire limousin : la situation sanitaire actuelle impactant les habitudes de consommation habituelles et la concurrence du marché néo-zélandais et européen. En pleine période de Pâques, la filière ovine témoigne.

A la veille de Pâques, la filière ovine doit faire face à deux problématiques majeures : les conséquences du coronavirus et la concurrence du marché ovin néo-zélandais.


Les éleveurs et le coronavirus

Suzy et Yves Carlier sont agriculteurs à Jabreilles-les-Bordes. En 1995, ils se sont lancés dans la vente d'agneaux sur les foires bio des quatre coins de la France : Paris, Colmar, Pau, Grenoble, etc. En raison du confinement, ces foires ont été temporairement supprimées et le couple s'est retrouvé avec 200 agneaux à vendre à l'approche de Pâques.Pour maintenir leur activité, Suzy et Yves ont fait appel à un ami producteur : une annonce postée sur les réseaux sociaux et des commandes ont finalement afflué. C'est à bord d'un camion frigorifique que ces agriculteurs livrent leurs clients dans le bon respect des règles d'hygiène. Entre mises sous vide, pesées et emballages, leur emploi du temps est bien chargé. Cette vente de proximité n'est pas envisageable en temps normal en raison de leurs multiples voyages dans l'hexagone. Mais Suzy Carlier semble séduite par l'idée de pérenniser les livraisons à l'issue du confinement au détriment de certaines foires.

Nous avons eu énormément de commandes, je suis heureuse de pouvoir vendre localement. J'aimerais développer le local si les gens sont toujours aussi intéressés notamment lors des foires de printemps. Je n'abandonnerai pas la foire de Colmar qui est une de nos très belles foires.

Si Suzy et Yves Carlier sont poussés par l'élan de solidarité au sein de la filière ovine dans la mise en place d'un système de livraisons à domicile, ce n'est pas le cas de tout le monde. En effet, certains éleveurs bien qu'ayant envie d'adapter leur production ne le peuvent pas. Pour Emilie Pons-de-Launay, présidente de la Coordination Rurale 87 et vice-président de la chambre d'agriculture de la Haute-Vienne "Quand on est agriculteur, la vente directe est un deuxième métier et tous les exploitants ne peuvent malheureusement pas s'inscrire dans cette démarche".

Alors, des alternatives ont été trouvées à l'échelle nationale et locale pour permettre aux producteurs de maintenir leur activité à une période ou le pic de consommation est le plus important : Pâques.

Un mode de production différent

Face à l'annulation des fêtes de famille et à la fermeture des restaurants qui représente une majeure partie des commandes habituelle, la présidente de la Coordination Rurale 87 mentionne la "réactivité des filières pour distribuer des pièces plus petites, du gigot tranché" ou encore des "caissettes". La production a dû être adaptée en raison d'un mode de consommation différent en période de confinement, comme l'explique Frédéric Lascaud, porte-parole de la Confédération Paysanne :

Toutes les solutions sont bonnes : les drives, les marchés encore ouverts. Mais cuisiner à la maison nécessite des démarches personnelles supplémentaires : aller chercher de la viande, la faire cuire, beaucoup de personnes préfèrent des plats pré-cuisinés comme des pâtes ou du riz.

"Les producteurs et éleveurs ovins ont connu un mouvement de panique près de quinze jours avant Pâques" explique Emilie Pons-de-Launay, elle-même éleveuse à Eymoutiers (87).


La concurrence du marché néo-zélandais et des Îles Britanniques

Autre problématique à laquelle doivent faire face les éleveurs locaux : les prix de produits néo-zélandais et d'autres pays européens défiant toute concurrence comme le mentionne Frédéric Lascaud, porte-parole de la Confédération Paysanne.

Les agneaux que Nouvelle-Zélande exportés en France mettent de beaucoup de temps à arriver sur notre territoire. Ils sont placés en quinconce dans de gros cargots, sous atmosphère raréfié et azote liquide. Ces commandes sont passées plusieurs mois à l'avance par les grandes centrales d'achat.

Ainsi, les grandes surfaces ont été réapprovisionnées en début de crise. Le traitement des produits en provenance de Nouvelle-Zélande est bien différent des produits proposés par les éleveurs locaux. "Les supermarchés peuvent stocker ces gigots néo-zélandais dans des frigos, ils sont vendu à un prix moitié moins cher que ceux de nos producteurs."

Le gigot de Nouvelle-Zélande va être importé à 5€ et on va le retrouver à Bellac, à 8€40 le kilo. Alors que le gigot des îles britanniques va être touché à hauteur de 7€ et revendu 13€, le notre va être touché à 10€ et ils sera revendu parfois à 23 euros le kilo. Jean-Pierre Dincq, GAEC du Montroy

Pour le porte-parole de la Confédération Paysanne, la concurrence vient également des Lacaunes, des brebis laitières du sud de la France.

Leur lait est récupéré et leurs agneaux sont sevrés dès la naissance. Ils partent dans des ateliers d'engraissement à la poudre de lait en France et en Espagne. Ils ne sont pas poussés comme nos agneaux, ce sont des gigots plus petits.

Pourtant les agneaux des Lacaunes portent eux aussi l'appellation "viande française" étant nés sur le territoire et leur prix est une fois encore, bien inférieur au prix moyen de la filière ovine, "la communication des supermarchés est basée là-dessus."


Les revendeurs "ne jouent pas le jeu"

D'après Frédéric Lascaud, la concurrence est due au fait que "la grande distribution ne joue pas le jeu de renier sur sa marge, malgré les objectifs de bonne répartition de la marge demandée aux EGA l'année dernière."

Pour pallier ce problème, le président de la Chambre d'agriculture de Corrèze et la FDSEA ont interpellé les grandes surfaces pour "les inciter, pendant la période de confinement, à penser 'français' avant de penser aux produits d'importation", explique Daniel Couderc, vice-président de la Chambre d'agriculture de la Corrèze (19).

Chaque année des contrôles sont faits dans les supermarchés, cette année, c'est compromis en raison du confinement, mais nous leur avons envoyé un mail pour les alerter.

Pour garantir la présence d'agneaux locaux dans les rayons, des groupements de producteurs comme celui auquel appartient Daniel Couderc conseillent à leurs éleveurs de "rationner les animaux, de façon à étaler l'engraissement sur plusieurs jours" en raison du caractère périssable de ce produit.

Les abattoirs avaient très peu de commandes, les agneaux ne sont pas partis dans les fermes. Les cours des agneaux français se sont effondrés entre un ou deux euros au kilo de moins chez les producteurs. Emilie Pons-de-Launay

Aujourd'hui, la plupart des éleveurs sont rassurés. Les agneaux ont été remis en vente grâce notamment à une grande campagne de communication. Mais problème : "les agneaux ont été vendus au prix de la crise d'il y a deux semaines et la marge de ces ventes ne reviendra pas aux producteurs."

Pour garantir la marge de ses adhérents, la coopérative Limovin, basée à Bellac, a refusé de baisser les cours les semaines précédentes. Jean-Pierre Dincq, gérant de la GAEC de Montroy fait partie de ce regroupement. Aujourd'hui, les conséquences de la baisse des cours n'a que peu affecté le regroupement Limovin, en raison de la stratégie adoptée il y a plusieurs semaines.

Visiblement, il n'y a pas de catastrophe au niveau du marché et des clients de Limovin. Nous avons pu maintenir ces cours, c'est d'ailleurs le seul regroupement qui l'a fait.


Des aides pour le monde agricole à l'issue du confinement ?

A l'heure actuelle, les éleveurs n'ont aucune visibilité sur les conséquences du covid-19 à l'issue de la crise sanitaire. Si Jean-Pierre Dincq se veut rassuré pour le moment, il se pose tout de même des questions des possibles impacts, "les craintes sont là, pour l'avenir, c'est encore un gros point d'interrogation."

Daniel Couderc, vice-président de la chambre d'agriculture de la Corrèze évoque les demandes faites aux instances nationales et européennes pour aider les producteurs et éleveurs à l'issue de la crise sanitaire et qui pourraient garantir une situation économique stable aux acteurs agricoles locaux. 

Sur les filières générales, plusieurs demandes ont été faites à propos de la baisse de production. Des mécanismes européens nous permettraient de financer ces baisses pour que les agriculteurs ne se retrouvent pas lésés. Nous attendons une validation de l'Europe, les demandes ont été faites au niveau national. 

Le 25 mars dernier, la région Nouvelle-Aquitaine a annoncé la mise en place d'une plateforme solidaire pour les producteurs et éleveurs locaux et engage les consommateurs à se tourner vers la production locale.

 
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