Néo Terra, la politique régionale agricole de la Nouvelle-Aquitaine entend accompagner la transition écologique auprès des agriculteurs, mais au sein même du Conseil régional, "Neo Terra" ne fait pas l'unanimité. Certains agriculteurs dénoncent une écoconditionnalité trop stricte.
Du fumier, des pneus et des tracteurs... Ce lundi 11 mars, deux cents agriculteurs de la Coordination rurale se sont réunis devant le Conseil régional de Nouvelle-Aquitaine à Bordeaux pour manifester leur opposition à la politique agricole régionale, Neo Terra.
Certaines aides conditionnées à des certifications environnementales
Cette action coup de poing avait pour but de mettre la pression aux élus, réunis en séance plénière à l'intérieur du bâtiment. Avant que les bonnets jaunes ne s'introduisent dans l'hémicycle pour prendre la parole, c'est sous les applaudissements de la droite de l'hémicycle que Pascal Coste, président (LR) du conseil départemental de Corrèze, également conseiller régional et agriculteur corrézien, a pris la parole pour dénoncer les "deux boulets" qui nuiraient aux agriculteurs de la région selon lui : la politique agricole européenne, mais également régionale. "Aujourd'hui, la politique du conseil régional, c'est la surtransposition des règles françaises qui elle-même surtranspose les règles européennes, a estimé Pascal Coste auprès de France 3. Le ras-le-bol, c’est de rajouter des couches. On est la seule région à avoir des écoconditionnalités de deuxième niveau qui excluent de nombreux agriculteurs des aides."
Une vision que partage Jean-Pierre Brousse, éleveur et en charge de la filière laitière pour la FDSEA de la Corrèze.
On entend la philosophie d'être plus respectueux de l'environnement, on est les premiers touchés par le changement climatique. Ce qui n'est pas acceptable de la part du Conseil régional, c'est de dire 'si vous ne changez pas vos pratiques, on ne vous aide plus du tout sur vos exploitations'.
Jean-Pierre BrousseResponsable filière laitière FDSEA 19
Installé au sud de la Corrèze, à deux km de l’Occitanie, Jean-Pierre Brousse dénonce une distorsion de concurrence entre les régions et leurs agriculteurs à cause de la politique régionale de Nouvelle-Aquitaine. "Aujourd'hui, si vous avez un projet en Corrèze à 200 000 euros, vous serez aidé à hauteur de 30 000 euros, si vous étiez en Occitanie, ce serait 100 000 euros d'aides de la Région, et ça, avec tout un tas de contraintes en moins."
S'il reconnaît que la concurrence est majoritairement internationale, il estime qu'il y a désormais une concurrence interne à la France liée aux politiques régionales.
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Une mission d'évaluation pour diagnostiquer le monde agricole de la Région
Cette "distorsion de la concurrence" à l'échelle régionale est aussi dénoncée par Pascal Coste. Le président du conseil départemental de la Corrèze et conseiller régional a obtenu qu'une mission d'évaluation et d'information soit faite de Néo Terra.
"On n'a pas la transparence sur les chiffres. Le président dit, 'je mets 240 millions d'euros sur la table de crédits régionaux', nous, on voit 70 millions, donc c'est important qu'on ait cette mission d'évaluation et d'expertise sur ces politiques agricoles hydrauliques (...) pour savoir la réalité de ce qui se passe au Conseil régional, et ainsi avoir un débat serein où tous les groupes auront la même base et les mêmes éléments chiffrés."
Seul élément de balance apporté notamment par Jean-Philippe Plez, pour le Parti Radical (de gauche) : « que cela ne débouche pas sur un moratoire anti Néo Terra ».#NéoTerra #Agriculture #AgriculteursEnColere https://t.co/9gKFkd5qF7 pic.twitter.com/dzGBFFaaM7
— PRG-Le centre gauche Nouvelle-Aquitaine (@PRG_NA) March 13, 2024
Mais aussi l'installation de 1000 agriculteurs
Si elle est critiquée par certains, la politique agricole régionale fait également des adeptes. En trois ans, Neo Terra a permis l’installation de 1000 agriculteurs et accompagné des projets de développement. Marie-Noëlle Delbos a investi 24 000 euros sur son exploitation à Vars-sur-Roseix (Corrèze), la région lui en remboursé 9 500. "On était obligés d'investir dedans, estime Marie-Noëlle Delbos. Jusqu'à présent, on n'avait pas la clim' dans la partie découpe, alors que les étés deviennent de plus en plus chauds."
Un groupe froid a été installé et le circuit frigorifique de sa vitrine d'exposition a été refaite. Cette dernière permet à l'exploitante agricole de continuer à faire les marchés parisiens de temps en temps et ainsi maintenir sa clientèle à Paris qui représente, selon elle, 30 à 40% de son chiffre de vente directe. Si elle a pu obtenir cette aide de Neo Terra, c'est grâce à la certification Haute Valeur Environnementale de son exploitation.
Au Conseil régional, la majorité défend ce projet comme un outil de transition nécessaire. "Tout le monde est conscient qu'il faut changer, qu'il faut faire de l'agroécologie, explique Pascal Cavitte, conseiller régional PS. Neo Terra, c'est pour aider le monde agricole à vivre sa transition, le but n'est certainement pas de les asphyxier derrière des normes. La volonté du conseil régional est de développer, d'installer et d'aider les gens qui produisent à bien fonctionner."
La politique agricole régionale divise chez les agriculteurs et le président du Conseil Régional, Alain Rousset, est attendu en Corrèze le 11 avril prochain pour rencontrer le monde agricole qui devrait lui faire part de ses doléances et de parler, une nouvelle fois, de Neo Terra.