Factures d'énergie qui quadruplent, prix des matières premières qui flambe… Les boulangers corréziens ne sont pas sortis de la crise. Ils dénoncent des aides insuffisantes et une partie d'entre eux a déjà jeté l'éponge.
“Tu vois les œufs, ils étaient à quinze centimes pièce il y a six mois maintenant, ils sont à vingt centimes, c’est 33% d‘'augmentation", constate Laurent Joujon, copropriétaire d'une boulangerie à Brive-la-Gaillarde. Même en achetant en gros, le prix des matières premières a tellement augmenté ces dernières années que le rythme est devenu quasiment intenable pour ces petits commerçants.
De 30 000 euros à 60 000 euros de facture d'électricité
Bénédicte Joujon, l'autre copropriétaire de la boulangerie briviste, estime que l'augmentation moyenne du coût de leurs matières premières est d'environ 20%. Et c'est sans compter, la flambée des prix de l'énergie qui pèse dans les finances. Dans la boulangerie de Julien Blanché, à Argentat-sur-Dordogne, à quelque quarante kilomètres de là, la facture d'électricité a doublé, passant de 30 000 euros à 60 000 euros par an.
"Tout a augmenté, c'est fou. On subit des augmentations depuis plus de deux ans, et ça s'est aggravé depuis un an, décrit le boulanger, également président de la Fédération de la Boulangerie-Pâtisserie Corrèze. On est usés de tout ce qu’on subit depuis un an et demi. D'autant qu'on a des gros problèmes de personnel. Que ce soit apprenti ou employé, on n'en trouve plus."
Face à cette situation financière difficile, les petits commerçants disent avoir été frileux à augmenter le prix de leurs marchandises. "Au début, on n'avait pas répercuté cette hausse, on avait peur de faire fuir nos clients, explique Julien Blanché. Puis très vite, on s’est rendu compte que notre trésorerie baissait de façon trop importante, parce que notre marge a été nettement réduite."
Les boulangers sont unanimes sur ce point. La situation était intenable. Chez les Joujon à Brive, la répercussion sur les prix a été faite au fur et à mesure.
On a répercuté la hausse de manière parcimonieuse, mais ça n'était pas assez important pour que l’entreprise soit aussi viable qu’elle ne l’était auparavant. Ça reste très compliqué parce qu’on a une masse salariale importante, et les salaires doivent être augmentés, c’est tout à fait normal.
Bénédicte JoujonPropriétaire d'une boulangerie à Brive
Pour celles et ceux qui avaient de la trésorerie, les premiers mois de forte augmentation des prix ont pu être épongés. Pour les autres, le couperet est tombé sec. Selon le président de la Fédération de la Boulangerie-Pâtisserie Corrèze, dix boulangeries ont fermé leurs portes en 2023 en Corrèze, et il y a eu seulement deux reprises pour ouvertures.
Julien Blanché s'indigne des marges des grandes franchises et des grandes surfaces qu'il estime être une "concurrence déloyale". Le boulanger pointe également du doigt des aides de l'État inadaptées et inégales. "J'ai un dossier pour des aides sur les mois de janvier et février 2023 qui n'ont toujours pas été traités, déplore-t-il. En plus, les aides ont plus aidé les grandes entreprises. Ces aides sont plus adaptées aux grosses structures qu’aux petits artisans."
D'ici à trouver des solutions, les boulangers tentent de trouver des parades. À la boulangerie de Bénédicte Joujon, les emballages, dont le prix a beaucoup augmenté, ne sont désormais plus personnalisés. "Ce sont de petites économies, mais c'est déjà ça, juge Bénédicte Joujon. Cet été, on fera attention à la clim'."
Avec Eva Pressiat