La ville de Périgueux, en Dordogne, a été libérée du joug nazi le 19 octobre 1944. Si la joie a immédiatement gagné les rues, un climat de tension a persisté chez les maquisards et les civils. Histoire d'une journée de soulagement et de tensions.
Elle revoit encore sa mère confectionner de multiples cocardes tricolores, un signe victorieux qu'elle portera sur tout son corps. Ce 19 août 1944, jour de la libération de Périgueux, Anne-Marie n'a que six ans. Dur pour cette petite fille, dont le père est encore fait prisonnier dans le nord-est de l'Allemagne, de suivre ces évènements historiques en Dordogne. "Ce jour-là, à Périgueux, on ne sait rien. On sait juste que la ville est sur le point de se libérer."
S'il y a bien un souvenir qu'elle garde encore intact, quatre-vingts ans plus tard, c'est celui de taches de sang sur les pavés. "Ma mère et ma grand-mère m'ont amenée voir le lieu où ont été exécutés des maquisards. Je m'en souviens parfaitement", rapporte Anne-Marie Cocula, témoin de la Libération. Entre le mois de juin et celui d'août, quarante-cinq résistants ont été tués par les occupants allemands, avant leur départ officiel dans la soirée du 19 août 1944. Une victoire accélérée par le débarquement de Provence.
Pas une, "des libérations"
Quelques jours après, les Périgourdins célébraient la victoire et la défaite des Allemands, sur le départ. "Je me souviens d’un grand repas, d'une sorte de banquet, rapporte Anne-Marie. Avec d'autres enfants, je jouais sur la place de la gare dans un tank abandonné. Puis, on est tous passés à table, nous avons mangé des haricots." Cette soirée sonnait comme "une délivrance" pour la petite fille qu'elle était.
Puis, les jeunes maquisards ont organisé un défilé improvisé, en compagnie des Forces françaises de l'intérieur et des Francs-tireurs et partisans. "J'ai le souvenir de cris et d'applaudissements". Mais malgré cette effervescence, cette joie dans les rues, elle retient : "Nous, on était libérés, mais ce n'était pas le cas de tous les villages, la Libération s'est faite par étapes. Il y a eu des libérations."
Dordogne, terre de résistance
Cette victoire des Périgourdins a été marquée par la volonté de Roger Ranoux, grand résistant que beaucoup surnommaient "Hercule" sur le front. Co-chef départemental des Forces françaises de l'intérieur, au titre des Francs-tireurs et partisans, il était au cœur de l'organisation du maquis et a permis de repousser l'ennemi vers l'ouest. Grâce à des archives qu'il a transmises à sa fille Sylviane Ranoux, les circonstances de la libération de Périgueux apparaissent plus claires.
"Au début du mois d'août, le rapport de force est en faveur de la résistance, rapporte Sylviane Ranoux. Toutefois, les Allemands s’accrochent au terrain et redoublent d’agressivité. C'est intense, parce que les occupants utilisent une violence sans merci au détriment des règles de la guerre." Un document transmis par son père, de huit à neuf pages, vient éclairer la victoire progressive des Périgourdins : "Grâce à la pression exercée par les maquis, les Allemands se sont finalement effacés du terrain".
L'aide civile
"La présence des Résistants a été particulièrement intense en Dordogne, avec un engagement sur tous les fronts", explique Sylviane Ranoux. D'après les propos de son père, cela n'aurait pas été possible sans l'aide des civils. "Les populations ont été un soutien important pour les maquis. Elles les ont alertés, sécurisés, nourris. C’est cette combinaison qui a permis aux combattants de s'engager dans la lutte armée."
Ce que retient aussi Sylviane des témoignages de son père, c'est la "tension" présente au moment de la libération de Périgueux. "Certes, il y avait du soulagement, mais il y avait tant à faire. Le travail n'était pas terminé ce 19 août 1944." Trois jours plus tard, la Dordogne entière sera libérée, parce que comme lui rappelait souvent sa mère : "Rien ne peut arrêter un peuple qui lutte pour sa liberté."
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Quatre-vingts ans plus tard, plusieurs commémorations se tiennent ce lundi 19 août sur la place Montaigne de Périgueux. Plus tard dans la soirée, et pour la première fois, un bal populaire est organisé sur les quais de l'Isle à partir de 20 heures, avec un feu d’artifice aux couleurs de la France : bleu, blanc et rouge.