Après 28 jours de fermeture, les huîtres du bassin d’Arcachon sont de nouveau en vente. Un soulagement pour les ostréiculteurs malgré les réticences encore vives des clients.
Sur les étals du marché d'Arcachon en Gironde, les huîtres font timidement leur retour. Si les bancs des ostréiculteurs sont bien garnis, les poissonniers gardent encore certains casiers vides, ce vendredi 19 janvier. “Elles ne sont autorisées que depuis aujourd'hui, on n'a pas encore eu le temps d’en avoir ce matin”, confie une poissonnière.
"J’attends un peu avant de redémarrer"
Le manque de temps se combine rapidement avec la frilosité encore palpable des clients. “J’ai été très malade, donc j’attends un peu avant de redémarrer les dégustations. Je ne sais pas qui va tester avant les autres”, confie l’un d’entre eux.
Malgré les doutes, les habitués étaient pourtant au rendez-vous, en “solidarité”. “Dès que ça a rouvert, on est tout de suite venus. Il faut les faire travailler”, confie un client de Gujan-Mestras. “C’est très bien qu’elles reviennent. Ça fait 75 ans que je mange des huîtres, je suis très content de les retrouver”, se réjouit un autre.
C’est l’instant propice pour déguster des huîtres. C’est là qu’elles font leur gras, la température de l’eau est idéale, toutes les conditions sont réunies”
Benjamin PouliquenOstréiculteur sur le bassin d'Arcachon
Ce 19 janvier, les ostréiculteurs l’ont noté en rouge dans leurs calendriers. Même si ce redémarrage, forcément plus difficile, demande beaucoup de pédagogie. “Beaucoup n’ont pas compris ce qu’il s’était passé. Il faut leur expliquer que la contamination était humaine et qu’aujourd'hui, il n’y a plus aucun risque”, explique Benjamin Pouliquen, heureux de retrouver sa clientèle.
Moral fragile
Pour autant, ce matin, les sourires dissimulent à peine les visages tirés des ostréiculteurs. “On a tous des cernes. On a eu aucune rentrée d’argent, mais l’activité ne s’est pas arrêtée par ce que sont des animaux”, explique Alain Pouydebasque, son associé.
C’est tombé au dernier trimestre de l’année, on devait payer les salaires, les charges, les crédits et l’essence.
Alain PouydebasqueOstréiculteur sur le bassin d'Arcachon
Dans les cabanes ostréicoles, le moral reste encore fragile. Si les ventes recommencent, elles ne compenseront pas les pertes accumulées depuis Noël. “Le combat est loin d’être terminé. Il faut désormais savoir qui va payer l’addition. Nous n’avons pour l’instant aucune garantie”, indique Olivier Laban, le président du CRCAA (comité conchylicole)
Selon le président du comité conchylicole, 1 300 tonnes d’huîtres ne seront pas vendues. “Avec le principe de l’offre et de la demande, celles qui devaient être vendues vont arriver en même temps que les nouvelles. Il va forcément y avoir un impact sur les prix”, illustre Olivier Laban.
Deux chantiers
L’épilogue de ce drame enclenché, les ostréiculteurs craignent désormais un nouvel épisode. “Il y a deux gros chantiers : comprendre ce qui a dysfonctionné et s’assurer que les systèmes d’assainissements sont opérationnels, et améliorer le principe de détection”, indique Olivier Laban.
Pour le premier, l'État a annoncé une dotation aux communes pour accélérer les projets de réfection du réseau des eaux usées, déjà débuté. Concernant les analyses, les ostréiculteurs appellent la communauté scientifique “à accélérer les procédés de détection en expérimentation”. “On ne peut plus attendre des retours clients négatifs pour voir qu’il y a un dysfonctionnement. Ce n’est pas acceptable”, martèle Olivier Laban.
Les indemnisations en ligne de mire, les ostréiculteurs attendent à présent de connaître leur sort. “Les négociations sont en cours, on espère ne perdre personne dans cette bataille”, souffle Olivier Laban. Après la tempête de novembre et cette fermeture en pleine période de fêtes, une épée de Damoclès est, depuis plusieurs semaines, au-dessus de certaines exploitations.