Joindre l’utile à l’agréable. La traditionnelle vente aux enchères de grands vins de Bordeaux a rapporté cette année, 130 510 euros à la Banque alimentaire de Gironde. C’est moins que l’an passé, mais cela reste un complément important pour l’association, en ces temps difficiles
C’est l'un des rendez-vous de l’automne. Depuis 22 ans, les "châteaux solidaires", les propriétaires, négociants et courtiers de la place de Bordeaux, apportent leur aide à la Banque alimentaire de Gironde en offrant de belles bouteilles. Avec un record cette année : 190 lots du millésime 2021, ont été émis mis aux enchères, à la Maison Briscadieu, à Bordeaux.
"Nous participons à cette vente depuis des années. C’est mon père qui a commencé. Souvent on donnait des vins de la propriété viticole. Et puis, de temps en temps, on donnait d’autres vins en tant que négociant. C’est important aujourd’hui. C’est une très belle association", explique Hortense de Barbeyrac de la société de négoce Millésima.
Même détermination dans la famille Bernard. Adrien représente le domaine Chevalier, la propriété de son père. Impossible pour lui aussi, de ne pas répondre présent. "On a débuté assez tôt. Nous sommes une propriété familiale depuis 40 ans. C’est une fierté pour nous !"
Une manière pour chacun d’accompagner l’investissement au quotidien des bénévoles qui animent l’association. " On a tous nos obligations, mais on peut trouver un petit peu de temps parce qu’il y a des bénévoles qui effectuent un travail remarquable à la sortie des magasins. Donner un petit peu de vin, c’est un effort supplémentaire, qu’on est content de faire, dans un monde bordelais qui a été construit grâce à ça " ajoute Adrien Bernard.
18 500 euros la caisse de six bouteilles
Cette année, le commissaire-priseur a encore de jolis flacons à partager. Dans la salle de l’Hôtel des ventes Sainte-Croix, les amateurs sont venus flairer les bonnes affaires. Certaines étiquettes sont rares et très convoitées.
Patrice Letellier est installé avec son "antisèche" dans la main. Il s'agit du catalogue des vins avec les côtes. "Moi je suis un amateur de vin. Même si on vient pour la bonne cause, c’est une manière de joindre l’utile à l’agréable. J’ai mon épouse qui est bénévole à la banque alimentaire et moi, je suis passionné. Donc on vient donner un petit coup de pouce et se faire plaisir à travers de superbes millésimes. Parce qu’il y a effectivement de très, très, belles bouteilles ! Avec de très belles étiquettes!"
Parmi elles, un Pétrus, dont le prix de l'hectare de vigne est le plus élevé au monde. Un vin prestigieux remporté par un acheteur anonyme. Il a pu obtenir la caisse de six bouteilles pour 18 500 euros. Un autre est reparti avec six bouteilles de Château d’Yquem pour 2 100 euros. Un magnum, Château Le Pin, faisant partie des grands noms de Pomerol a trouvé preneur à 3 000 euros.
Des prix qui ont de quoi donner le tournis à une grande majorité de Français ne pouvant s’offrir de tels lots. Pourtant, cette année, les enchères ne sont pas montées très haut.
Des enchères en baisse
La vente a rapporté 130 510 euros à la Banque alimentaire de Gironde. Une somme en baisse de près de 47 000 euros rapport à l’édition précédente. La faute, peut-être, à une année 2021 qui n’est pas réputée pour être un millésime d’exception, mais pas seulement. Le contexte économique a sûrement influencé les acheteurs. De quoi réjouir tout de même la présidente Valérie Bolze. "On est très content. C’est quand même une très bonne nouvelle. Mais c’est le reflet d’une crise économique qui est difficile pour tout le monde. Personne n’y échappe."
Aujourd’hui, on se bat tous les jours pour aller chercher un maximum de denrées gratuites. C’est notre mode de fonctionnement, c’est notre base et c’est nouveau!
Valérie Bolze, Pdte Banque alimentaire Gironde
Le produit de la vente va permettre à l’association de réaliser des investissements et de renouveler son matériel ainsi que sa flotte de véhicules. "Nous sommes une base logistique, donc nous avons besoin tous les ans d’investir dans de nouveaux matériels de levage et de manutention et dans de nouveaux camions", indique Valérie Bolze
"On ne nous donne plus de viande"
Comme d’autres associations du secteur, l’organisme caritatif subit lui aussi les effets de la crise économique. Fait nouveau depuis deux ans, l’institution doit désormais acheter des denrées alimentaires qui lui font défaut. Les besoins sont toujours plus importants et les dons en baisse.
"On achète de la viande par exemple, cela coûte cher et on ne nous en donne plus. Nous sommes, nous aussi, soumis à l’inflation, et nous n’arrivons pas à acheter davantage de quantités. La conjoncture est compliquée". Face à cette situation, la banque alimentaire de Gironde a dû se restructurer et s’organiser en faisant appel à des équipes dédiées, chargées de prospecter auprès des entreprises de l’agroalimentaire." Avant les dons arrivaient presque tout seul, on avait suffisamment. Aujourd’hui, on a dû se réorganiser avec davantage de bénévoles, davantage de compétences".
Avenir incertain
Dans ce contexte, la vente aux enchères est une manne financière importante d’autant plus que l’avenir est incertain. Si la Banque alimentaire de Gironde parvient à maintenir un budget annuel de deux millions d’euros, la pérennité des fonds, dont une grande partie provient de l’Etat et des collectivités est source d’inquiétude.
"Ça n’est pas acquis, alerte Valérie Bolze. Avec le budget 2025 et l’examen du projet de loi de finance discuté à l’Assemblée, nous n’avons aucune garantie, vu ce qui se passe en ce moment. Nous sommes le premier réseau d’aide alimentaire. Nous sommes sur un domaine malheureusement indispensable".
En Gironde, la banque alimentaire permet à 22 800 bénéficiaires du département de pouvoir se nourrir chaque semaine. Un chiffre en augmentation depuis quatre ans. Près de 5 000 personnes supplémentaires ont besoin d'aide depuis la crise sanitaire du Covid.