Potentiellement dangereuses, réputées éternelles, les molécules PFAS ont été relevées à de fortes concentrations en Aquitaine. Le député écologiste de Bordeaux Nicolas Thierry, milite pour leur interdiction, Cette semaine à l'Assemblée nationale, il a fait adopter un amendement destiné à prévenir les risques associés à ces particules.
Nombreux sont ceux qui ignorent leur existence. Elles sont pourtant présentes dans tous les recoins de notre quotidien. Inventées par l'homme, les "per and polyfluoroalkyl substances", dites PFAS, rentrent dans le processus de fabrication de nombreux produits depuis 83 ans : revêtement antiadhésif des poêles, imperméabilisant textile, tapis, cordes de guitare, emballages alimentaires, cosmétique, fil dentaire...
Un rempart contre l'eau et le gras, capable de faire face au chaud comme au froid. Sauf que cette résistance à toute épreuve pose problème. Les PFAS persistent des siècles, voire des millénaires dans l'environnement. Avec des conséquences sur la santé humaine.
VOIR le magazine Enquêtes de région - Polluants éternels : un poison en héritage, présenté par Julien Le Coq, diffusé sur France 3 Auvergne-Rhône-Alpes
Une variété de cette famille de molécules est classée comme cancérogène probable par le Centre international de recherche sur le cancer. Les recherches suspectent également un lien avec plusieurs maladies : cancer du sein, infertilité, diabète, inflammation des intestins, risque de fausses couches, abaissement du poids à la naissance...
Des concentrations jugées dangereuses en Aquitaine
Une enquête de 17 médias internationaux, dont Le Monde, a dévoilé l'ampleur de la contamination aux PFAS en Europe. Elle est basée sur des prélèvements effectués dans l’eau, les sols ou les organismes vivants, entre 2003 et 2023. Résultat : l'Aquitaine n'est pas épargnée par le phénomène.
En Gironde, des concentrations plus ou moins élevées ont été enregistrées : 27,2 ng/l, sur un forage à Bordeaux. 73 ng/l à Saint-Médard-en-Jalles, au niveau d'un ruisseau.
Ailleurs dans la région, certains relevés dépassent la barre des 100 ng/l, jugée dangereuse pour la santé. C'est le cas dans les villages de Maillères et de Sarraziet dans les Landes. La plus forte concentration est située à Mont, dans les Pyrénées-Atlantiques, où la substance est présente à hauteur de 1433 ng/l.
"Le sujet n'est plus sous les radars"
Dans le budget de l'Etat 2024, le Gouvernement retient mon amendement pour lutter contre les polluants éternels!
— Nicolas THIERRY (@nthierry) November 8, 2023
💶 10 millions € alloués à la prévention des risques liés à la pollution aux #PFAS
✊ On continue de se battre pour plus de justice sociale et climatique! #STOPPFAS pic.twitter.com/i0lN94K82T
La sphère politique s'est emparée du sujet depuis plusieurs mois. En janvier, le gouvernement a présenté un "plan d'action" destiné à renforcer la surveillance des polluants éternels. Cette semaine, à l'occasion de l'examen en première lecture du budget 2024 à l'Assemblée nationale, les députés ont voté une hausse de 10 millions d'euros du budget alloué à la prévention des risques liés aux PFAS.
"C'est une victoire symbolique"', se félicite le député EELV de Bordeaux Nicolas Thierry, auteur de l'amendement à l'origine de la mesure. "Ça démontre que le sujet n’est plus sous les radars", estime celui qui tente de l'imposer sur le devant de la scène depuis le début de sa mandature.
📣𝗣𝗙𝗔𝗦 : 𝗹𝗲𝘀 𝗰𝗵𝗲𝘃𝗲𝘂𝘅 𝗱𝗲𝘀 𝗱𝗲́𝗽𝘂𝘁𝗲́𝘀 𝗼𝗻𝘁 𝗽𝗮𝗿𝗹𝗲́ !
— Nicolas THIERRY (@nthierry) June 28, 2023
Nous avons testé les cheveux de 14 députés @EcologistesAN.
La démonstration est implacable, la pollution aux #PFAS est grave et généralisée.
Chaque mois perdu se comptera en vie humaine. pic.twitter.com/9KGFyeM5oK
L'été dernier, le député et 13 autres parlementaires de son groupe à l'Assemblée décident de faire analyser leurs cheveux par un laboratoire. Des PFAS sont détectées dans chaque échantillon, à des taux parfois alarmants.
Un tour de France avant une proposition de loi
L'élu répète l'opération lors de ses pérégrinations à travers la France. Il est en lien avec les députés d'une quinzaine de villes, dans lesquelles il compte organiser un dépistage de citoyens sur la base du volontariat.
Objectif : sensibiliser l'opinion publique et pousser l'hémicycle à voter la proposition de loi qu'il compte déposer au mois d'avril. Elle vise l'interdiction des polluants éternels, en janvier 2025 ou en janvier 2027, en fonction des alternatives à disposition sur le marché.
“Beaucoup de marques s’en passent aujourd’hui. Le Danemark les a exclus des emballages alimentaires en 2020, et il n’y a pas eu de problème”, assure Nicolas Thierry, confiant dans sa capacité à surmonter les obstacles et rallier une majorité de voix.
L'ARS étudie l'eau potable de 15 sites
La future proposition de loi s'attachera également à mettre en place une contribution sur le principe du pollueur-payeur. "Il va falloir que les industriels répondent de leurs actes. Qu’ils financent la dépollution", explique Nicolas Thierry, qui souhaite rendre obligatoire le contrôle du niveau de PFAS dans les réseaux d'eau potable
De son côté, l'Agence régionale de Santé Nouvelle-Aquitaine mène une étude sur l'eau potable de 15 sites proches d'aéroports, de bases aériennes militaires et de sites industriels. Elle vise à identifier les situations les plus à risques. "Les résultats encore préliminaires ne permettent pas aujourd’hui d’établir de conclusion. Des analyses de confirmation sont nécessaires", précise l'ARS. La publication de cette étude est attendue en 2024.