Témoignage. "J'ai eu l'impression d'être un colis égaré". Le voyage en train d'un homme handicapé tourne au fiasco

Publié le Écrit par Thomas Milon
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Alex, jeune handicapé de 30 ans en fauteuil roulant a voulu prendre, un train TER de Montpon-Ménestérol , en Dordogne, jusqu’à Bordeaux samedi 28 janvier. Il a dû faire marche arrière à Libourne, faute de moyen de transport adapté.

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Samedi 28 janvier, Alex Ribeiro, décide avec son fils de 6 ans, de prendre le train à 10h30 à Montpon-Ménesterol où il réside pour aller à Bordeaux. Il est handicapé physique depuis la naissance et se déplace en fauteuil roulant. Pour autant, il estime que le trajet ne devait pas poser de soucis.

L’accès aux quais de la petite gare périgourdine rénovée est facile pour les "personnes à mobilité réduite" (PMR). Reste à monter dans le train. C'est là que les difficultés auraient pu commencer : le décalage entre le quai et la voiture du TER est assez important et ne permet au jeune homme de hisser seul son fauteuil à bord. 

Mais le trentenaire est habitué, il a prévu une petite rampe qui l'accompagne dans certains de ses déplacements. Il peut ainsi monter dans le TER avec l'aide de la mère de son fils. Et ne s'inquiète pas pour l'arrivée à Bordeaux Saint-Jean. "J'avais prévu de descendre sans aide et sans rampe à Bordeaux, car les quais sont au niveau des TER récents". 

Un "vieux car", inaccessible en fauteuil roulant

Mais le voyage prend une toute autre tournure. Trente minutes après le départ, arrêt à Libourne. "Et là, on nous annonce le terminus du train !  Mais aucun voyageur ne s'est levé parce que ce n'était pas prévu !" explique-t-il dans un long post sur Facebook. La SNCF indique alors aux voyageurs que des cars de substitution sont prévus pour rallier la gare Saint-Jean de Bordeaux, à cause de travaux sur la voie. 

"Je découvre un vieux car, à bord duquel je ne peux pas accéder en fauteuil", raconte Alex. Le personnel de la gare essaye alors de trouver un taxi, mais, selon lui, au bout d'une heure, aucun véhicule n'est localisé.

Retour en Dordogne

C'est alors que la SNCF fait une suggestion  à laquelle Alex ne s'attendait pas.  "Les agents me proposent alors de reprendre le train, en sens inverse sans même me demander si j'avais une solution. Et d'attendre 50 minutes sur le quai, avec mon fils, dans le froid", poursuit-il.

J'ai eu l'impression d'être un colis égaré et non conforme. Je pense qu'il y a quand même un problème.

Alex Ribeiro

France 3 Aquitaine rédaction web

Selon lui, des solutions alternatives existaient. "Le pire dans l'histoire, c'est qu'en postant un message sur un réseau social, j'avais réussi à trouver un taxi en 20 minutes. Je vais peut-être demander à travailler à la SNCF puisque je suis capable de faire leur travail ! ", ironise-t-il. 
Pour autant, le prix du taxi - 180 euros-, l'a rapidement dissuadé d'opter pour cette solution. "Je pense que j'aurais galéré pour me faire rembourser. Donc j'ai préféré rentrer à Montpon", résume-t-il. 

Un service uniquement sur réservation

Alex reconnaît que la SNCF aurait facilité son trajet Libourne-Bordeaux et la prise en charge du taxi s'il avait réservé le service "accès TER" pour aider des personnes handicapés.  Contactée, la SNCF de Nouvelle-Aquitaine dit la même chose. 

"Nous sommes navrés pour ce voyageur. S'il avait réservé le service, nous aurions trouvé un car plus adapté ou un taxi. Nous aurions précisé que ce trajet Montpon-Bordeaux devait bien se faire en deux fois. Les travaux sont prévus et durent depuis plusieurs semaines" assure la cellule de communication qui rappelle que le service "accès TER" est gratuit et réservable au moins 48 heures avant. Un "accès +" pour les TGV et intercités est réservable jusqu'à 24 heures avant.

Alex connaît ces services qu'il a déjà testés. Mais pour ce militant, ancien candidat aux municipales à Cenon, impliqué dans le mouvement des Gilets jaunes, le problème est ailleurs.  "Je trouve qu'il y a encore des progrès à faire pour l'accessibilité. Je ne comprends pas qu'il n'y ait pas un car de substitution, accessible en fauteuil. C'est du bon sens et ça coûte moins cher que de payer un taxi", estime-t-il, dénonçant une forme de validisme, soit une oppression sociale subie en tant que personne handicapée. 

J'achète mon billet comme n'importe quel voyageur. Et lors de l'achat, on me demande déjà si je suis handicapé... Est ce normal qu'une personne, du fait de sa différence, n'ait pas sa liberté de se déplacer ?

Alex Ribeiro

Rédaction web France 3 Aquitaine  

Un retard considérable dans l'application de la loi handicap

En effet, en 2023, se déplacer par soi-même sur des distances longues, en fauteuil roulant semble rester un parcours du combattant. La loi handicap de 2005 prévoyait que les lieux et transports publics soient accessibles à tous avant 2015.   Mais la rénovation des gares par exemple et des trains est un chantier titanesque. Si de nouveaux délais ont été fixés (trois ans pour les transports urbains, six ans pour les liaisons interurbaines et neuf ans pour le réseau ferroviaire), le compte n'y est pas. 
Selon la SNCF, 17 gares, sur plus de 300, sont actuellement accessibles en toute autonomie en Nouvelle-Aquitaine. Le chantier continue. 

Monique Dinand, administratrice du GiHP (groupement pour l'insertion des personnes handicapées physiques) et elle-même en fauteuil, reconnait que les déplacements en train restent difficiles. "La mésaventure -d'Alex Ribeiro"- montre bien qu'il faut être très prévoyant" ,indique la présidente du GEPH (groupement pour l'emploi des personnes handicapées) Limousin-Poitou Charentes.

La situation s'est quand même améliorée, mais quand on est handicapé, c'est une vie de contraintes. Si on essaie de les oublier, elles vous rattrapent très vite.

Monique Dinand, administratrice du GiHP

à France 3 Aquitaine rédaction web

Et même sur les lignes plus adaptées, des efforts restent à faire.  Usagère de la ligne TGV Bordeaux Paris, Monique Dinand estime que si "le service est "plutôt bon", des améliorations sont à prévoir. "C'est encore compliqué d'accéder aux toilettes par exemple. Il faudrait aussi pouvoir joindre plus facilement par téléphone la SNCF pour le service accès+", conclut-elle. 

   

 

 

 

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