Plan loup. “Je suis inquiet", "ils se trompent de combat" : éleveurs et associations peu convaincus par le nouveau projet

Le Plan National d’Actions 2024-2029 a été révélé par le ministère de l’Agriculture le 23 février dernier, en amont du Salon de l’agriculture. Trois nouveaux textes viennent finaliser ce cinquième et définitif “plan loup” pour les cinq prochaines années. Plusieurs nouveautés, censées apporter un “meilleur équilibre entre protection des troupeaux et conservation de l'espèce menacée", sont critiquées en Limousin.

C’était il y a à peine un an. Un loup solitaire était abattu à Tarnac en Corrèze aux abords d'un troupeau protégé. Il était apparu en Limousin en 2021, et avait attaqué des troupeaux de brebis à plusieurs reprises entre 2021 et 2023.

Depuis, les attaques se font rares. La dernière avérée remonte au 10 juin 2023, sur la commune de Val-d’Oire-et-Gartempe, avec le décès d’une brebis. Mais ce lundi 18 mars, une nouvelle attaque sur un troupeau de brebis a eu lieu à Gentioux-Pigerolles, en Creuse. Sur son lot de 82 bêtes, l’éleveur ovin a retrouvé six animaux morts et plusieurs blessés. Des analyses sont en cours et la piste du loup n’est, pour l’heure, pas écartée par l’Office français de la biodiversité. 

Un évènement qui vient relancer le débat sur la présence du canis lupus, le loup gris européen de souche italienne, dans la région. “On reçoit des appels tous les jours pour nous signaler la présence de loups”, explique Philippe Goursaud, chef du service départemental de l’Office Français de Biodiversité (OFB). “Le dernier loup recensé par l’OFB remonte à il y a un mois, aux limites de la Charente”, affirme-t-il. 

Un plan pour détruire notre biodiversité

Attendu de pied ferme en raison du mécontentement des éleveurs et des associations de défense de l’environnement lors de sa précédente version, le nouveau Plan National d’Actions (PNA) 2024-2029 sur le loup et les activités d’élevage reçoit un accueil en demi-teinte. 

Présenté par le ministère de l’Agriculture, ce plan revient pourtant sur certains points cruciaux qui avaient été établis par le passé. À commencer par un nouveau protocole de tir. L’abattage des prédateurs est désormais facilité pour les éleveurs et louvetiers. Les éleveurs seront autorisés à se doter de matériel de vision nocturne, avec un éclairage imposé avant d’ouvrir le feu. Les louvetiers, eux, seront dispensés de cette obligation d’éclairage et pourront utiliser des armes dotées de visés nocturnes.

Est également prévue l'accélération des procédures de délivrance des autorisations de tir (maximum 48 heures après attaque) ainsi que le déploiement des louvetiers (sous 48 heures également si une autorisation est déjà accordée, 72 heures si une nouvelle autorisation est nécessaire).

Les dégâts causés par les loups dans les troupeaux d’ovins représentent 0,13% des morts.

Muriele Arnal

Présidente de l’association One Voice

Une hérésie selon Muriele Arnal, présidente de l’association One Voice. “Ce plan est fait pour détruire notre biodiversité locale et servir la nature sur un plateau à certains éleveurs”, affirme-t-elle. “Les dégâts causés par les loups dans les troupeaux d’ovins représentent 0,13% des morts. Chaque jour, 1 000 brebis et agneaux sont tués en France par la maladie, ils se trompent de combat”, conclut la présidente.

Selon l’Office Français de Biodiversité, cette mesure de non-éclairage est l'un des points majeurs de ce nouveau plan. “Avant, le loup pouvait voir un faisceau lumineux et rebrousser chemin”, constate Philippe Goursaud, chef de service départemental de l’Office Français de Biodiversité. 

Pour les éleveurs, ce nouveau protocole de tir est une avancée trop légère. “On dénonce un manque de clarté du plan”, explique Bertrand Venteau, président de la chambre d'agriculture de Haute-Vienne. “Avec cette mesure, cela signifie que chaque éleveur doit se défendre individuellement contre le loup ? Il faut que des moyens clairs soient définis et qu’on ne risque rien pénalement”, conclut-il. 

Les indemnisations au cœur du débat

Autre point capital de ce nouveau “plan loup”, l’augmentation des indemnisations des dommages subis par les élevages victimes des prédations. (+ 33% pour les ovins et + 25% pour les caprins).

Une mesure qui a le mérite d’exister selon Bertrand Venteau, président de la chambre d'agriculture de Haute-Vienne, mais pas en accord avec les revendications des éleveurs. “La meilleure indemnisation, c'est qu’il n’y ait pas de morts, or ce n’est pas le cas ces dernières années”, indique-t-il. La présence du loup avec l’élevage pastoral n’est pas tolérable. Il faut à tout prix empêcher la colonisation du loup sur notre territoire”, constate-t-il.

Depuis fin 2021, dans le seul département de la Creuse, 53 animaux ont été tués par le loup et 31 blessés, selon les données de l'OFB. 

La meilleure indemnisation, c'est qu’il n’y ait pas de morts, or ce n’est pas le cas ces dernières années.

Bertrand Venteau

Président de la chambre d'agriculture de Haute-Vienne

Mais pour les défenseurs de l’animal, le monde de l’élevage est le seul qui ait été entendu dans ce nouveau plan. “Les moyens pour tuer les loups sont multipliés, tout est facilité pour les faire disparaître”, exprime Muriel Arnal, présidente de l’association One Voice. “Il faut arrêter de tuer les loups, car cela provoque la dispersion des meutes et crée davantage de dommages”, explique-t-elle. 

Une protection des troupeaux renforcée

Alors que le quota d'abattage reste inchangé (19% de la population recensée chaque année, soit 209 en 2023 pour une population lupine évaluée à environ 1 100 loups), la protection des troupeaux représente un des principaux leviers du “plan loup”.

Un budget de 2,5 millions d'euros a été débloqué pour 2024-2029, pour développer de nouveaux moyens de protection, comme l'utilisation de drones ou de l'effarouchement avec les phéromones. Des moyens décriés face aux techniques déjà en place. “Pour protéger les troupeaux, il faut un berger, des chiens, des clôtures”, affirme Muriel Arnal.

Quant aux éleveurs, difficile de les rassurer tant que la politique du “zéro loup” ne sera pas implantée. “Je suis inquiet, si en plus de la difficulté du métier, il faut qu’on ait encore une nuisance de plus, je crains que ça dégoûte les nouveaux”, conclut Bertrand Venteau, président de la chambre d'agriculture de Haute-Vienne. 

Une nouvelle méthode de comptage

En 2023, le nombre de loups était estimé à 1 107 individus sur tout le territoire français, une population qui a plus que doublé depuis 2018. Mais de nombreux éleveurs contestent ces chiffres. Pour cette raison, le PNA mise sur une nouvelle méthode de comptage grâce à la technique « capture-marquage-recapture » pour une publication annuelle permettant d’établir le nombre maximal de loups pouvant être abattus.

Mis en avant comme un plan destiné à apporter un meilleur équilibre entre “protection des troupeaux et conservation de l'espèce menacée", le PNA se conclut par une ouverture sur la possibilité, dans le futur, d'un reclassement du loup d'espèce "strictement protégée" à espèce "protégée". Un premier soutien apporté par le gouvernement, dans la procédure engagée par la Commission européenne. 

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