Un homme nous raconte les quelques jours d'attente pour avoir des nouvelles de son fils hospitalisé au centre hospitalier de Limoges. Récit.
Ces trois jours lui ont paru interminables. Albert Mathurin, quatre-vingt-deux ans, apprend que son fils est hospitalisé au CHU de Limoges le lundi 29 janvier en fin d'après-midi.
Ce dernier, Patrick, cinquante-deux ans, est polyhandicapé. Il est atteint, entre autres, de mutisme et rencontre des difficultés pour manger. Il vit dans un établissement spécialisé à Aixe-sur-Vienne.
Plusieurs heures dans l'angoisse
À 18 h 30, le père tente de joindre les urgences sans succès. Il finira par avoir une infirmière plus tard dans la soirée. Elle l'informe qu'elle prodigue les soins de son fils. Le père va devoir rappeler le lendemain. Le même scénario se déroule à nouveau.
"J'ai demandé à l'établissement d'Aixe-sur-Vienne de prendre la relève pour en savoir plus sur son état. C'est seulement mardi, après 20 heures, que j'ai su que mon fils était atteint d'une pneumopathie, et ce, depuis dimanche", se souvient Albert Mathurin. Son fils sort du CHU finalement le 1ᵉʳ février, dans l'après-midi.
Durant ces quelques jours, le père n'a pas pu se rendre directement à l'hôpital car " les visites étaient interdites". Il affirme que son fils a passé plusieurs heures dans les couloirs du CHU avec une soixantaine d'autres patients.
Ça n'a pas été facile à vivre, pendant trois jours, de ne pas avoir de nouvelles. Ça a été très difficile. J'ai eu énormément d'angoisses.
Albert MathurinPère d'un patient
"Je dis que cette situation est catastrophique, déplore-t-il, pour les malades et le personnel, que je soutiens. Ça n'a pas été facile à vivre, pendant trois jours, de ne pas avoir de nouvelles. Ça a été très difficile. J'ai eu énormément d'angoisse. Comment était-il nourri ? Je l'ignore. J'étais très content qu'il sorte du CHU", reconnaît l'octogénaire.
"Je suis sûr que les soignants ont fait une très bonne prise en charge puisqu'il est revenu dans son établissement. Ils ont certainement fait tout ce qu'ils ont pu", espère-t-il. Connaissant la santé de son fils, le père redoute toutefois le jour où son fils devra, de nouveau, être hospitalisé.
Maltraitance institutionnelle
La direction du CHU n’a pas été en mesure de nous donner des informations factuelles sur la saturation des urgences. Mais depuis des mois, les patients s’entassent dans les couloirs, aux urgences les soignants font ce qu’ils peuvent.
David Combeau, syndicaliste délégué CFDT au CHU de Limoges, regrette qu'une situation comme celle de Patrick ait pu se produire : "On sait que 48h dans le couloir des urgences, c'est une désorientation complète pour celui qui vit ça. Ça touche l'humain. On déshumanise les hôpitaux."
Selon le syndicaliste, ce cas spécifique n'est que le reflet d'un système de santé dysfonctionnel, une conséquence de plusieurs années de budget restreint. "Toutes les personnes, comme Patrick, qui nécessite une attention particulière, sont accompagnées. Cette situation n'est donc pas fréquente. Mais, il y a une surcharge du service qui est absolument régulière. Le personnel est tout le temps sous tension, les téléphones sonnent, les brancards sont dans les couloirs. Quand il faut se concentrer sur une dizaine de patients, l'attention diminue, ils ne peuvent pas être à 100%, c'est impossible", déplore le syndicaliste.
Cette maltraitance qui est institutionnalisée va avoir des impacts dramatiques. Ça va finir par craquer, c'est sûr.
David Combeausyndicaliste délégué CFDT au CHU de Limoges
Toujours selon David Combeau, le personnel de santé se retrouve dans une constante souffrance : "Les urgences, c'est un fonctionnement au bout du rouleau. Elles sont le miroir de l'état des autres établissements de santé comme les EHPAD. Cette maltraitance qui est institutionnalisée va avoir des impacts dramatiques. Ça va finir par craquer, c'est sûr", alerte-t-il.
Selon ce syndicaliste, environ 200 soignants auraient démissionné de leur poste au Chu de Limoges, car, ne supportant plus, selon lui, les conditions de travail et de soins très dégradées.