Depuis lundi 22 janvier, le Lot-et-Garonne est au cœur de la mobilisation des agriculteurs en colère. En fin d'après-midi mercredi, mécontents d'une rencontre à la préfecture à Agen, ils ont mis le feu devant les grilles du bâtiment. Plus tôt dans la journée, ils avaient versé du fumier dans un McDonald's et mis le feu à un drapeau européen.
Des pneus et du foin en feu, devant la préfecture du Lot-et-Garonne. La scène se veut marquante, elle accompagne la sortie de José Pérez et Karine Duc de l'édifice. Les deux présidents de la Coordination rurale du Lot-et-Garonne étaient reçus mercredi après midi en préfecture, ils en sont ressortis sans aucune garantie "On s'attendait vraiment à avoir des signaux, quelque chose. Pour qu'on s'apaise. Malheureusement, on est rentrés, et on ressort comme on est rentrés", a déclaré José Pérez.
Laissant libre cours à leur colère, les agriculteurs ont également recouvert la place, les façades et la grille de lisier, avant de jeter des pétards et d'incendier les pneus disposés devant le bâtiment. Ils ont déjà fait savoir leur intention de rester devant la préfecture.
En milieu d'après-midi ce mercredi, les tracteurs se sont rangés sur les côtés de la place Verdun, et les agriculteurs ont été rejoints par des sympathisants, venus en soutien. Ce sont près de 400 personnes qui ont patienté devant le bâtiment, le temps que José Pérez et Karine Duc, soient reçus par les représentants de l'État, pour un échange en visio-conférence avec le directeur de cabinet de Marc Fesneau, le ministre de l'Agriculture.
Un rendez-vous préparé
Dès le mardi 23 janvier, un premier mot d'ordre, "d'arracher les grilles de la préfecture" avait circulé. Les CRS étaient donc également au rendez-vous, casqués et équipés de boucliers. Ils ne sont pourtant pas intervenus lors de la mise à feu.
"Appelez du monde, appelez vos voisins ! Cet après-midi, on part tous à la préfecture". Casquette jaune de la coordination rurale vissée sur la tête, porte-voix à la main, José Pérez, le président du puissant syndicat d'agriculteurs du Lot-et-Garonne avait rabattu ses troupes dès ce mercredi matin.
Objectif : organiser des blocages en matinée, avant de revenir manger sur l'A62, puis de se retrouver devant la préfecture d'Agen en début d'après-midi. Sur la route, la consigne était donnée : "Quand vous arrivez sur les ronds-points, le premier tracteur bloque, les autres passent".
Les feux rouges, les stops, les bordels, vous en avez rien à branler.
José PerezPrésident de la Coordination rurale 47
Du lisier au McDonald's
Une nouvelle fois, la démonstration est claire, la Coordination rurale a du poids dans le Lot-et-Garonne. Les agriculteurs du département ont été parmi les premiers à se mobiliser, après l'Occitanie. Dès lundi 22 janvier, ils ont établi leur camp de base sur l'A 62, qui reste bloquée dans les deux sens de circulation. C'est ici qu'ils dorment, se restaurent entre deux actions ciblées. Blocages de ronds-points, opération escargot ou encore, déversement de fumier.
A l'image de ce mercredi matin, lorsque les agriculteurs sont allés quémander des cafés au McDonald's d'Agen. Les employés du géant américain de la restauration rapide expliquent alors ne pouvoir les servir gratuitement. En réponse, les manifestants ont déversé du lisier devant l'enseigne. "On voulait juste des cafés. Ils nous ont mis dehors comme des malpropres. Donc, on a leur a apporté une boule de foin, et eux ont appelé la gendarmerie ", s'est indigné José Pérez, au micro de l'Agence de presse CLPresse
Le syndicaliste dénonce "un manque de respect du monde agricole". "Parce qu'on leur bloque le rond-point, parce que ça gêne leur chiffre d'affaires, ils portent plainte", a-t-il poursuivi devant le tas de foin déversé. De la paille a également été introduite à l'intérieur du restaurant.
Viser les institutions
Quelques instants plus tard, les manifestants tentent d'incendier un drapeau européen, situé sur le rond-point tout proche. "L'Europe, c'est un outil de distorsion de la concurrence, a commenté Patrick Franken, ancien patron de la Coordination rurale, tout en cherchant du feu. Soit, on aboutit à une Europe égalitaire, soit on la détruit, on l'abolit, et on remet les frontières". Le tissu, ignifugé, ne flambe que péniblement, le drapeau finira déchiré.
Déjà la veille, de nombreuses institutions étaient frappées par la colère des agriculteurs. Des viscères ont été déversés devant la préfecture du Lot-et-Garonne. Dans la soirée et la nuit de mardi à mercredi, certaines banques ont aussi été les cibles de déversement de purin et de déchets divers. La MSA, mutuelle des agriculteurs, a aussi été visée. “MSA, on vous prête nos bottes pour marcher dans votre merde”, ironisent les agriculteurs. Des mouvements initiés par la Coordination rurale, la FDSEA et les Jeunes agriculteurs.
Coups de pression
En Lot-et-Garonne, la colère des agriculteurs ne date pas de cette semaine. Dans ce territoire agricole par essence, le monde paysan est en grande partie représenté par la Coordination rurale, majoritaire à la Chambre d'Agriculture du Lot-et-Garonne. Le syndicat n'hésite pas à infliger des coups de pression à ceux qu'il considère comme des ennemis politiques. En mars 2023, la secrétaire générale d’EELV, Marine Tondelier avait été menacée avant un déplacement dans le département. “Vous incarnez la racine du mal dont souffrent les agriculteurs, avait alors indiqué la Coordination rurale. Le mal-être agricole, c'est vous ! La guerre de l'eau, c'est vous ! Les règles abracadabrantesques, c'est vous ! Ne venez pas chez nous, ça va mal se passer".
Le puissant syndicat a également fait parler de lui lors de la création du lac de Caussade, une réserve d’eau créée illégalement pour permettre aux agriculteurs d'irriguer l’été avec les pluies de l’hiver. En janvier 2019, lorsque les gendarmes étaient intervenus pour mettre les engins de chantier sous scellés, ils se sont retrouvés face à 300 agriculteurs, et avaient dû rebrousser chemin.
Circulation bloquée
Ce 24 janvier, l’autoroute A62 reste bloquée dans les deux sens de la circulation au niveau de l’échangeur 7. La préfecture oblige ainsi les automobilistes à prendre la sortie 6.1 et 9 pour contourner le blocage.
D’autres mobilisations sont également en cours dans le département. C’est le cas notamment au rond-point de Castelculier, face à la zone Jean Malèze, ou au rond-point de Boé, et celui situé à l’intersection de la D813 et D933. Enfin, la rue Etienne Dolet, à Agen, est aussi fermée à la circulation.