Témoignage. Disparition de Mehdi Narjissi. "ll faut que les responsables soient jugés et punis", la famille du jeune rugbyman attend la justice

Publié le Écrit par Julie Chapman et Vivien Roussel

Le 7 août, Medhi Narjissi, joueur au Stade Toulousain, disparaît dans les eaux de Dias Beach, en Afrique du Sud, alors qu’il était encadré par l’équipe de France de rugby. Après le rapport de la FFR, les parents du jeune joueur attendent désormais une décision de justice “lourde”.

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Au cabinet agenais de leur avocat, Me Edouard Martial, les yeux de Jalil Narjissi restent vides. Ils le sont depuis le 7 août, le jour où Medhi, son fils, a disparu dans l’océan au large de Dias Beach, une plage d’Afrique du Sud. Ce dimanche 15 septembre, un hommage s’est tenu, en préambule de la rencontre entre le Stade Toulousain et La Rochelle.

Après une enquête menée à la fois au sein de la fédération française de rugby et sur place, notamment par les parents de Medhi Narjissi, la FFR a rendu son rapport le 12 septembre. Insuffisant pour les parents, qui attendent aujourd’hui une réponse de la justice. “On était sur place en Afrique du Sud. Maintenant, il faut que les responsables lèvent la main, soient jugés et punis. C'est ça qu'on attend. On se prépare à se battre pour que la vérité soit faite et pour que les personnes soient punies”, affirme Jalil Narjissi. 

Ces gens-là, ils continuent leur vie, avec leur famille. Nous, il nous manque quelqu'un.

Jalil Narjissi

Père de Medhi Narjissi

Pour la famille du joueur du Stade Toulousain, le rapport de la FFR ne change rien. “J'ai aidé la fédération à avoir du contenu clair et précis dans son rapport. Ils peuvent se renvoyer la balle. Les choses sont claires. On sait les fautes qu'ils ont commises”, souligne Jalil Narjissi.

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Le 7 août, Medhi Narjissi, joueur U18 au Stade Toulousain, disparaît au large de Dias Beach, en Afrique du Sud, alors qu’il était encadré par l’équipe de France de rugby. ©France 3 Aquitaine

"Des panneaux partout"

Au cœur de l’enquête de la FFR, les circonstances de cette récupération dans l’eau, sur cette plage dangereuse de Dias Beach, réputée pour ses “courants d’arrachements”. “Il y a des panneaux partout sur le cheminement jusqu'à la plage. Les conditions étaient en plus extrêmes. Il y a eu pluie, la tempête, c'était l'hiver en Afrique du Sud. Si là, il n'y a pas tous les signaux… Ils ne sont pas aveugles”, fulmine de son côté Jalil Narjissi, assurant que “le préparateur physique avait déjà eu l’idée l’année dernière”, avant d’en être dissuadé.

Des panneaux sur lesquels s’appuie aussi la FFR dans son rapport. “Les panneaux d’avertissement sur la dangerosité du site n’auraient pas été pris en compte, ce qui apparaît particulièrement critiquable au vu des conséquences dramatiques qui en ont résulté”, ajoute la FFR, indiquant que “l’encadrement et la séance semblent avoir été mal maîtrisés”.

Autour des 24 jeunes joueurs, sept membres du staff sont en effet présents, sur le sable. Une situation ubuesque pour la famille. “C’est de l'incompétence, de l'inconscience. Le préparateur physique qui vous dit d'y aller, mais aussi les encadrants autour de lui. Personne ne s'est opposé. Ils étaient plusieurs sur la plage. Il y en avait 24 enfants de 17 ans dans l'eau. Il y a des règles de sécurité, d'encadrement qui n'ont pas été respectées”, martèle le père de Medhi Narjissi.

Dans son rapport, la FFR s’interroge d’ailleurs sur “le processus décisionnel ayant conduit à la tenue de cette séance, alors que les risques liés à la plage de Dias Beach ont pu être perçus par au moins un conseiller technique sportif en amont de la séance, sans pour autant l’avoir annulée”.  

"Je le dis fort, c'est de la lâcheté"

L’autre moment clé de l’enquête concerne le sauvetage de Medhi Narjissi, par Oscar Boutez, un de ses coéquipiers. "Aucun homme adulte n’a été aider Medhi. Je le dis fort, c'est de la lâcheté. La plupart sont des pères de famille, si ça avait été leur enfant, ils y auraient été dans l'eau”, regrette Jalil Narjissi

Seul dans l’eau à tenter de sauver son ami, c’est la version également livrée par la FFR dans ses conclusions. “La FFR s’interroge sur le fait de savoir si une tentative de porter secours à Medhi Narjissi à l’aide de la bouée de sauvetage à disposition aurait pu être envisagée, ou si les membres de l’encadrement auraient pu entreprendre directement une quelconque action de secours. Dans la négative, cette circonstance semble confirmer que les conditions en mer étaient particulièrement dangereuses”.

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L’autre moment clé de l’enquête concerne le sauvetage de Medhi Narjissi, par Oscar Boutez, un de ses coéquipiers. ©France 3 Aquitaine

Pour l’avocat de la famille, ce discours pour justifier leur décision est inaudible. “Ce sont eux qui le disent, je n'invente rien : “On a décidé de ne pas y aller parce qu'on était conscients du danger”. C'est-à-dire que de l'un à l'autre, ils sont 12, ces adultes se sont passé la consigne “N'y va pas, c'est trop dangereux”. Mais le danger, il n'est pas apparu à l’instant où Medhi disparait”, avance Me Edouard Martial.

Combat judiciaire

Dans son rapport, la FFR précise avoir sollicité le ministère des Sports pour qu’il “mette fin, sans préavis, aux affectations auprès de lui, des conseillers techniques sportifs en responsabilité lors de ce déplacement, en raison de la rupture de confiance qui résulte, à ce stade, des faits relatés dans ce rapport”. La fédération n’exclut pas non plus “l’opportunité de prendre des mesures à l’encontre des autres personnes ayant encadré l’équipe de France, quel que soit leur statut”. Insuffisant pour la famille de Medhi Narjissi. Sur le plateau de C l'hebdo, ils regrettent que "seulement deux personnes soient visées".

Ce combat judiciaire, la famille de Medhi Narjissi l’attend désormais. “J'attends qu'ils soient jugés, punis, démis de leur fonction, à vie. Pour certains, ils doivent aller en prison.  Ce n'est pas un accident, ils ont provoqué la chose”, assure son père.

"Il faut qu'ils sachent qu'ils sortiront de là meurtris"

Accompagné par leur avocat, Maître Edouard Martial, la famille de Medhi Narjissi ont décidé de signaler officiellement sa disparition, fin août. “La justice a été très réactive. Immédiatement après le dépôt de notre requête-plainte, le procureur de la République a fait ce qu'il avait à faire. Ill a décidé des auditions de Valérie et de Jalil. À partir de cet instant-là, le procureur a saisi un juge d'instruction qui est maintenant en charge d'auditionner qui il voudra et qui on voudra lui signaler”, reconnaît Me Edouard Martial.

L'unité de la grande famille du rugby, elle vole dès qu'il y a des difficultés.

Me Edouard Martial,

Avocat de la famille Narjissi


Si l’avocat est confiant dans un procès “qui aura très certainement lieu”, il met en garde la famille sur sa dimension libératrice. “Le procès fera sans doute du bien, mais je le dis souvent, l'audience n'est pas le lieu du deuil. Ce n'est pas le lieu où, tout à coup, tout s'efface. Il faut qu'ils sachent qu’ils sortiront de là meurtris, parce qu'ils entendront les gens se défendre”, rappelle Me Edouard Martial.

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