L'épineux dossier de la retenue d'eau de Caussade revient devant la justice ce mardi 26 janvier. Cette fois-ci, c'est la cour administrative d'appel de Bordeaux qui doit se prononcer sur le fond, en examinant le retrait de l'autorisation de construction délivré par l'ancienne préfète.
Le dossier de la retenue d'eau de Caussade, en Lot-et-Garonne, est de nouveau examiné par la justice ce mardi 26 janvier. Cette fois-ci, c'est la cour administrative de Bordeaux qui doit se pencher sur la légalité de la construction. La suite d'un feuilleton démarré il y a maintenant quatre ans.
Un lac artificiel illégal
À l'automne 2018, une retenue d'eau d'une capacité près d'un million de m3 est construite par la Chambre d'Agriculture du Lot-et-Garonne, à Pinel-Hauterive, au nord-ouest de Villeneuve-sur-Lot, pour irriguer les cultures alentours.
Si le projet a d'abord été autorisé par la préfecture, cette dernière a fait volte-face après la mobilisation des défenseurs de l'environnement et de deux ministres. Mais les travaux se poursuivent, désormais illégaux.
Le passage en force des constructeurs
La préfecture de région tente alors de faire cesser le chantier. En janvier 2019, des gendarmes sont mobilisés pour placer le site sous scellés. Ils font face à l'opposition de 300 agriculteurs et rebroussent chemin.
Deux mois plus tard, en mars 2019, le tribunal administratif valide l'annulation de l'autorisation de construction de l'ouvrage. Le lac artificiel est bien jugé illégal. Une décision de justice sur laquelle doit se prononcer la cour administrative d'appel de Bordeaux ce 26 janvier. La décision de la cour est annoncée pour le 23 février.
"Trouver une issue un peu réaliste"
Depuis le passage en force de la chambre d'Agriculture du Lot-et-Garonne, les associations environnementales (FNE et Sepanso) demandent la remise en état du site, et dénoncent le laisser-faire de l'Etat.
Il y a quelques jours, lors de sa conférence de presse de rentrée, la ministre de l'Environnement Barbara Pompili a été questionnée sur l'avenir de cette retenue de Caussade.
D'après nos confrères de Sud-Ouest, la ministre a dénoncé le projet comme "l’exemple emblématique de ce qu’il ne faut plus faire".
Mais elle ne s'est pas vraiment engagée vers une sortie de crise, en déclarant de façon floue qu'il faudrait "trouver une issue un peu réaliste".
Un dossier "emblématique"
Pour Lionel Feuillas, co-président de la Sepanlog 47, l'ouvrage doit être détruit, mais cette destruction ne sera pas suffisante. "Il faudra mettre un place un plan de gestion de l'eau pour le territoire", estime-t-il.
Le dossier du Lac de Caussade est emblématique, et a un caractère national, car si on légalise l'action de délinquance environnementale, cela fera jurisprudence
Le co-président de la Sepanlog 47 souligne aussi que cette retenue présente des risques, car toutes les études n'ont pas été réalisées avant sa construction "sauvage". "Il y a toujours un risque d'accident, et une soixantaine d'habitations se trouvent à proximité du lit en aval de la retenue" ajoute-t-il.
"Une péripétie", selon Serge Bousquet-Cassagne
Pour le président de la Chambre d'agriculture du Lot-et-Garonne, Serge Bousquet-Cassagne, ce procès en appel "n'est qu'une péripétie", dont il n'attend plus rien, d'autant que le rapporteur public s'est prononcé dans le même sens que la décision de première instance.
"Nous avons à peine déplacé nos avocats" réagit-il par téléphone ce mardi, indiquant que si l'issue lui est défavorable, il ne saisira pas le Conseil d'Etat.
"Ce qui m'intéresse, c'est la vraie vie", poursuit-il. "La retenue a été utilisée l'été dernier, elle fait vivre des familles". Le président de la chambre d'Agriculture ne craint pas les conséquences d'une éventuelle rupture de la retenue :"elle ne pètera pas", assène-t-il.
Que se passera-t-il si l'Etat décide effectivement de détruire le barrage ? "Croyez-vous vraiment que les agriculteurs de Lot-et-Garonne laisseront faire ?" prévient Serge Bousquet-Cassagne.
Quid du volet pénal ?
En juillet 2020, le président de la Chambre d'Agriculture du Lot-et-Garonne Serge Bousquet-Cassagne et le vice-président Patrick Franken ont été condamnés à neuf et huit mois de prison ferme, pour avoir réalisé sans autorisation un chantier "susceptible de nuire au libre écoulement des eaux, de réduire la ressource, d’accroître le risque d’inondation, de porter gravement atteinte à la qualité ou à la diversité du milieu aquatique".
Ils ont fait appel de cette condamnation, et la justice ne s'est pas encore prononcée.