Réchauffement climatique : quelles conséquences dans les zones rurales en Limousin ?

La COP 28 débute ce jeudi 30 novembre à Dubaï. Les Etats feront le bilan de santé de la planète pour la première fois depuis l'Accord de Paris de 2015. Le réchauffement climatique a déjà de nombreuses conséquences, mais quelles seront elles dans les années à venir dans nos campagnes limousines ? Et comment s'adapter pour les limiter ou les éviter ? Éléments de réponse.

La 28ème Conférence des Parties sur le Climat de l'ONU (COP 28), se déroule du 30 novembre au 12 décembre à Dubaï. Une conférence sur la lutte contre le changement climatique présidée cette année par le Sultan Ahmed al-Jaber, le président de la compagnie nationale de pétrole des Émirats Arabes Unis. Difficile donc, de s'attendre à des avancées majeures cette fois-ci, selon Michel Galliot, climatologue : "il n'y aura pas d'élan comme dans certains pays comme à Paris en 2015. Mais le principe des COP, c'est un pays, une voix. Il n'y a pas de raison que cela ne se passe pas une fois à Dubaï. De plus, le pays paye pour organiser, ce qui est une bonne chose"

Donc, il y a peu d'attente sur de vraies mesures pour préserver l'environnement, et pourtant, les Nations Unies devront dresser le bilan de santé de la planète, qui n'est déjà pas bon.

Les prévisions, elles, le sont encore moins. Plusieurs rapports ont été publiés cette année, notamment par l'association Transitions limousines, qui s'appuie sur les études du GIEC. Avec le réchauffement climatique, les températures vont grimper de 2% en 2050 et 4% en 2100. 

Conséquence : le climat sera plus sec, avec des épisodes de sécheresse plus longs, et plus fréquents. Il faudra également s'habituer à des nuits tropicales (à plus de 20°C). Les experts prévoient également une baisse de la pluviométrie en été, une légère hausse en hiver, et une baisse importante du nombre de jours de gel par an. D'ailleurs, ces gels tardifs ont déjà des répercussions selon Eric Boniface, coprésident de l'association Transitions Limousines : "les bourgeonnements sont déclenchés plus tôt qu'avant, et lorsqu'il y a du gel tardif, les végétaux sont déjà bien avancés dans leur cycle, et il y a donc une perte de récolte sur certaines cultures". 

Comme partout ailleurs, le Limousin ne sera pas épargné : "nous évoluons vers un été méditerranéen, avec toutes les conséquences que cela comporte", selon le climatologue Michel Galliot. 

Quelle sera la situation dans nos campagnes limousines ?

Ce qui inquiète d'abord, c'est le manque d'eau lié à ces périodes de sécheresse plus fréquentes. Des restrictions d'eau ont déjà été mises en place, notamment cet été en Creuse.

Les prévisions pour l'année 2100 sont pessimistes, comme l'explique Michel Galliot, climatologue : "nous sommes très inquiets sur l'alimentation en eau potable si nous ne prenons pas les mesures maintenant".

Car selon Stéphane Loriot, directeur de l'Établissement public du bassin de la Vienne, "depuis 30 ans, nous observons déjà une baisse généralisée des débits des cours d'eau de -25%, en particulier sur les têtes de bassin, en l'occurrence, en Limousin. Lorsque l'on étudie les différents scénarios du GIEC à l'horizon 2050, la baisse des débits pourrait aller jusqu'à -50% par rapport à aujourd'hui". 

Il faut donc agir dès maintenant : "Nous proposons des programmes d'aide aux des communes et intercommunalités volontaires pour économiser l'eau dans les établissements publics (écoles, cantines, gymnases). Certains ont déjà réalisé des économies d'eau de 30%, avec des investissements modérés, et seulement en changeant de pratiques, grâce à notre regard extérieur et nos solutions". 

Il y a également la problématique des plans d'eau, et ils sont nombreux sur le territoire  : "plus les températures augmentent, plus l'eau de ces étangs s'évapore, et elle n'est donc plus disponible à l'état liquide. De plus, l'évaporation cumulée sur le bassin de la Vienne est équivalente au prélèvement nécessaire à l'eau potable. Si ces plans d'eau sont évidemment des espaces de loisirs, c'est aussi un héritage qui pose problème. Nous avons déployé des efforts pour faire face à la crise énergétique, il faut aujourd'hui le faire avec l'eau". 

Quelles solutions face au manque d'eau ?

Cela passe par une batterie de solutions comme la limitation de notre usage de l'eau au quotidien mais aussi sur l'aménagement du territoire. Les parcelles agricoles par exemple, devront, selon Michel Galliot, être "réduites, et délimitées par des haies. Les haies sont bénéfiques parce qu'elles évitent que l'eau ruisselle, elle est stockée pour les périodes de sécheresse, et c'est un refuge pour la biodiversité, vitale pour le bon fonctionnement des cultures". 

Les cultures justement, sont aussi au cœur des inquiétudes liées au réchauffement climatique selon la porte-parole de la Confédération paysanne Laurence Marandola : "avec les aléas climatiques comme les inondations, les tempêtes, les coups de gels ou encore les températures extrêmes, les productions sont déjà en très grande difficulté. Aujourd'hui, des territoires doivent abandonner certaines cultures. À l’avenir, il faudra donc innover sur des cultures moins gourmandes en eau. Mais c'est parfois difficile pour certains agriculteurs de changer leurs pratiques, notamment car ils ne sont pas assez accompagnés par les pouvoirs publics qui ne mesurent pas l'ampleur des risques du réchauffement climatique. Les consommateurs aussi ont leur rôle à jouer".

Seulement 6% des légumes consommés en Limousin sont produits sur le territoire.

Eric Bonniface

Co-président de l'association Transitions Limousines

Éric Boniface, co-président de l’association Transitions Limousines, ajoute : "seulement 6% des légumes consommés en Limousin sont produits sur le territoire. Nous avons un faible niveau d'autonomie de production, nous sommes dépendants de productions extérieures et de chaînes logistiques soumises aux aléas climatiques". 

Michel Galliot prône un changement dans nos habitudes : "Les consommateurs devraient aller acheter directement leurs fruits et légumes chez les producteurs. Parfois, cela coûte plus cher à l'achat, mais c'est d'une meilleure qualité, et c'est donc meilleur pour la santé. Par effet boule de neige, les dépenses liées à la santé sont moindres. De plus, lorsque l'on paye un légume importé, on paye quand même le transport aérien par exemple, par le biais de la TVA et donc de nos impôts. Cela revient donc au même prix, et la qualité n'est pas la même". 

En outre, de nouvelles productions pourraient faire leur apparition : "le kiwi, les pêches... les besoins en eau des petits arbres fruitiers sont moindres. De plus, il vaut mieux irriguer des petits fruits que des grands champs de maïs, maïs qui n'est pas consommé localement". 

Une nature différente

Le paysage de nos campagnes va aussi changer. Avec des sols plus secs, moins fertiles, es espèces végétales ne vont pas pouvoir tenir (c'est déjà le cas pour certaines). Par exemple, dans plusieurs dizaines d'années, les hêtres pourraient avoir disparu, car un hêtre à l'âge adulte a besoin d'eau et de froid. Les hêtres jeunes sont plus robustes, mais ils ne peuvent pas arriver à maturité et donc se reproduire. 

De plus, les forêts sont également menacées par le dérèglement climatique, avec un ralentissement du puits de carbone et une mortalité accrue des arbres, bien que le Limousin soit moins touché. 

Encore une fois il faudra s'adapter, comme l'indique Michel Galliot : "notamment sur le plateau de Millevaches. Il faut mélanger les essences dans les forêts, avec des espèces plus résilientes à la sécheresse pour éviter les incendies". 

Le réchauffement climatique a donc des effets négatifs sur la flore, mais aussi sur la faune : "certaines espèces d'oiseaux migrateurs ont avancé leur migration de 17 jours. D'autres, hiberneront plus au nord. Il faut s'attendre à ne plus voir certains oiseaux dans nos ciels limousins. Mais il y a peu d'études sur ces espèces car peu de financement". 

Quid des élevages ? 

Le Limousin est indéniablement une terre d'élevage. Mais avec le manque d'eau dû au réchauffement climatique "les cartes vont être rebalayées, partout", indique Laurence Marandola. "Les légumineuses pour nourrir les bêtes sont affectées par le réchauffement climatique, et en plus elles viennent de loin. Donc les élevages industriels sont dépendants des importations en plus d'être hautement producteurs de gaz à effet de serreIl faut donc baisser le nombre d'animaux par hectares, ajuster la taille des troupeaux pour être le plus autonomes possibles. Les élevages en plein air (porc, bovins), traditionnels, seront à privilégier".

Selon une référente de l'association Transitions Limousines : "il est difficile de savoir ce que sera la ferme de demain. Nous avons des pistes, mais nous n'avons pas encore les solutions. Il faut réussir à écrire ensemble l'agriculture de demain, en concertation avec les agriculteurs, pour que ce soit le plus pertinent possible".

S'adapter et limiter les conséquences du réchauffement climatique

Comme dans les autres territoires, la population en milieu rural en Limousin devra s'adapter : "des changements qui ne veulent pas forcément dire que l'on va perdre en qualité de vie", rassure Michel Galliot. "Manger moins de viande limite les risques cardiovasculaires ; utiliser plus souvent son vélo permet de faire du sport et donc de mieux vieillir. En milieu rural, il faudra privilégier les petits trajets en voiture pour rejoindre les petites gares les plus proches, même si cela prend un peu plus de temps". 

En zone rurale, il faudra s'habituer à ce qu'il y ait plus d'éoliennes dans le paysage : "les experts sont clairs, nous avons besoin d'énergies renouvelables et donc d'éolienne, bien que certaines communes soient déjà saturées notamment en Haute-Vienne. Il faudra également installer davantage de panneaux photovoltaïques, sur les toits, les petites parcelles". 

Selon lui, tout n'est pas perdu : "On sait ce qu'il faut faire, on peut faire face au réchauffement climatique, il faut juste accepter de "prendre les médicaments", ajoute Michel Galliot. "Moins consommer, moins de voyages à l'étranger... La France, et le Limousin sont magnifiques, profitons-en !". 

Cédric Sous, animateur secteur territoire durable à ADEME (Agence de la transition écologique), lui aussi, préfère rester positif, dans une moindre mesure : "on est sur un territoire de ressources en Limousin. Oui, à la fin du siècle, nous aurons peut-être le même climat qu'à Madrid. Mais il y aura pire que nous ! Il faut simplement faire de meilleurs choix. Individuels d'abord, en évitant d'acheter une climatisation puisque cela chauffe l'extérieur (c'est aussi valable pour les collectivités). Fermer ses volets pour garder la fraîcheur, c'est faisable. Il est aussi important de participer aux décisions de la vie publique locale sur les sujets d'adaptation au climat. Nous sommes tous experts de notre vie individuelle". 

Mais certaines choses sont moins maîtrisables : "cela dépend des zones, mais nous sommes un territoire sans nappes phréatiques, donc on ne sait pas stocker l'eau dans les sous-sols. Par contre, on peut la garder dans les sols. Il faut donc maintenir les zones humides sans les artificialiser". De plus, faire progresser un massif forestier pour qu'il puisse faire face au réchauffement climatique prend du temps : "sur une partie du plateau de Millevaches, les industries exploitent le Douglas, ce qui pose la problématique des coupes rases. Des reconversions sont donc à prévoir. Transformer une zone rurale, comme une ville, cela prend du temps". 

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