Des milliards de dollars blanchis, un banquier sous les verrous : le scandale entourant la BPA, quatrième banque d'Andorre, sape les efforts déployés depuis des années par la coprincipauté pour se départir d'une réputation sulfureuse de paradis fiscal.
"C'est loin d'être fini !" : à Andorre-la-Vieille, les rares habitants qui osent commenter "l'affaire BPA" ont bien conscience de l'ampleur du scandale. "Ca va avoir plus de retombées que ce qu'on croit", ajoute un passant anonyme sur les artères commerçantes de la capitale, où seules les banques rompent l'alignement des boutiques vendant tabacs, alcools et vêtements bon marché.
Le 10 mars, le FinCEN, organisme américain chargé de lutter contre la délinquance financière, accusait publiquement Banca Privada d'Andorra (BPA), quatrième banque de la principauté, d'avoir blanchi des milliards de dollars des mafias russe et chinoise, ainsi que de la compagnie pétrolière publique vénézuélienne PDVSA.
C'est comme si le ciel tombait sur la tête de ce micro-Etat lové au coeur des Pyrénées : "Ca nous dépassait complètement", résume Marc Pantebre, président de la Chambre de commerce, d'industrie et de services. Les clients se ruent vers les guichets de la BPA, les agences internationales rétrogradent la note financière du pays et les rumeurs de contagion à l'ensemble de la petite économie enflent.
Pour faire amende honorable, les autorités financières andorranes prennent le contrôle de BPA. Son conseiller délégué, Joan Pau Miquel Prats, est incarcéré. Et une structure de défaisance est créée pour purger la BPA des fonds illicites. Une décision sur l'avenir de la banque - liquidation ou rachat - devrait intervenir avant l'été, selon le gouvernement.
L'hémorragie est donc stoppée mais les dégâts en terme d'image, eux, sont plus délicats à réparer. "Il est plus facile de déconstruire que de construire", rappelle M. Pantebre. L'ancien paradis fiscal s'était en effet largement racheté une conduite. En 2010, l'Andorre quittait la liste "grise" de l'OCDE des paradis fiscaux non coopératifs : la principauté a levé son secret bancaire et s'est engagée à échanger les informations financières avec l'OCDE au plus tard en 2018. De plus, tandis que le pays ne prélevait jadis aucun impôt, Andorre taxe dorénavant les sociétés et les particuliers (à 10% chacun) et a mis en place une TVA (4,5% maximum).
"En quatre ans, Andorre avait réussi à faire passer un message de crédibilité", souligne Gilbert Saboya Suñé, ministre des Affaires étrangères.
Regagner la crédibilité
Le scandale BPA "vient un peu saboter ce travail" mais sans sonner le glas du miracle andorran, estime-t-il. Confetti enclavé entre France et Espagne, jadis dominé par l'agriculture et l'élevage, Andorre s'est en quarante ans muée en un des Etats les plus riches au monde, grâce à ses 8 millions de visiteurs annuels, attirés par les pistes de ski, tout comme par l'alcool et le tabac bon marché."C'est une épreuve mais elle doit conforter le processus de réformes. Il faut renforcer la lutte contre le blanchiment pour regagner notre crédibilité", juge
M. Saboya. "L'Andorre ne peut pas vivre en marge. Elle doit être compétitive mais en poursuivant son homologation".
Le ministre ne voit pas non plus dans l'affaire BPA une raison de freiner le développement du secteur bancaire en Andorre, qui représente aujourd'hui 19,6% de l'économie. "Le secteur bancaire andorran est très important", souligne avec inquiétude l'agence de notation Standard and Poor's. "L'incertitude actuelle peut entraver la capacité du secteur financier à soutenir la reprise économique de l'Andorre", qui sort à peine de la crise financière de 2008, avertit l'agence.
La croissance du secteur bancaire est "durable et rationalisée", répond Esther Puigcercós Font, directrice de l'Association des banques andorranes (Aba) et elle s'effectue "en maintenant des ratios de solvabilité et liquidité des banques au-dessus de la moyenne européenne", avec respectivement 22% et 67% en 2013. "Nous sommes confiants de ressortir renforcés de cette affaire", assure la responsable.