Le grand rabbin de France, Haïm Korsia, s'inquiète d'une volonté de l'ordre des vétérinaires de changer les règles de l'abattage rituel juif ou musulman. Une volonté qui fait suite à la diffusion d'une vidéo montrant des mauvais traitements infligés aux animaux à l'abattoir d'Alès, dans le Gard.
L'ordre des vétérinaires a dit son souhait que toute bête soit étourdie avant d'être égorgée, au nom du bien-être animal. Une volonté qui inquiète le grand rabbin de France, Haïm Korsia, car l'abattage rituel juif ne prévoit pas l'étourdissement de la bête.
"Indignation"
Dans une lettre au président du conseil de l'ordre des vétérinaires Michel Baussier, le leader religieux de la première communauté juive d'Europe lui exprime "l'indignation" suscitée par une de ses prises de position.
Lors d'un colloque au Sénat le 24 novembre, le représentant des vétérinaires avait souligné que, selon les élus de son ordre, "tout animal abattu doit être privé de conscience d'une manière efficace, préalablement à la saignée et jusqu'à la fin de celle-ci".
"Conséquences fâcheuses"
Or les juifs orthodoxes, attachés à une stricte observance de la Torah, jugent qu'une viande n'est pas casher si l'animal a été étourdi préalablement à la saignée. Ce principe vaut pour la viande halal aux yeux de nombreux musulmans, même si des grandes mosquées autorisent l'électronarcose, l'étourdissement au moyen de l'électricité.
Si la position de l'ordre des vétérinaires est entérinée, elle aura "des conséquences fâcheuses puisque les personnes de stricte observance, plus nombreuses qu'on ne le croit, se verront contraintes à recourir à l'importation ou à renoncer à la consommation de viande", prévient Haïm Korsia dans son courrier, dont il a adressé copie au ministre de l'Agriculture Stéphane Le Foll et à son collègue de l'Intérieur (chargé des cultes) Bernard Cazeneuve.
Les images de l'abattoir d'Alès relancent le débat
Le grand rabbin souligne en outre que "la notion de douleur animale au moment de l'abattage fait l'objet de débats scientifiques contradictoires" et juge le positionnement de l'ordre des vétérinaires dans le "contexte politique" du moment "pour le moins imprudent, si ce n'est inconscient".
Le retour de ce débat intervient alors que les députés Jacques Lamblin (Les Républicains) et Geneviève Gaillard (PS), tous deux vétérinaires, préparent une proposition de loi sur les conditions d'abattage des animaux, après la fermeture d'un abattoir à Alès, dans le Gard, en octobre en raison d'accusations de mauvais traitements.
Mais "nous n'allons pas jouer les boutefeux sur un sujet dont il faudrait qu'il fasse consensus", a-t-il assuré, espérant déposer son texte sur le bureau de l'Assemblée "au printemps 2016".C'est la question de l'abattage rituel qui est la plus difficile à résoudre", a indiqué Jacques Lamblin.