Après l'évacuation d'Alain, 300 kg, de son domicile à Perpignan mardi 1er décembre, la Ligue contre l'obésité demande que cette maladie soit véritablement reconnue par les pouvoirs publics. D'autres alertent sur l'urgence de prendre en charge ces personnes fragiles en temps de Covid-19.
Alain P., un habitant de Perpignan de près de 300 kg, a été pris en charge au centre hospitalier de Montpellier suite à son évacuation spectaculaire, mardi 1er décembre. Cela faisait un an que cet homme n'était pas sorti de chez lui, immobilisé.
La Ligue contre l'obésité a fait pression depuis plusieurs semaines pour que cette opération ait lieu. Pour l'association, le cas d'Alain "jette une lumière crue sur le drame qu'est l'obésité". Une maladie qui est, selon la LCO, pas suffisamment considérée comme telle, et donc pas suffisamment dépistée, et diagnostiquée.
"Cette situation dégradante, inhumaine et impensable au XXIe siècle relève non pas d’une culpabilité personnelle ou d’un manque de volonté individuelle, mais bien d’une maladie grave méconnue et non reconnue en France : l’obésité", déclare la Ligue dans un communiqué incendiaire. En France, une personne sur trois est en surpoids, et 17% des Français souffrent d’obésité, soit 8 millions de personnes, selon les derniers chiffres du ministère de la Santé.
Une prise de conscience nécessaire
L’obésité est reconnue comme une maladie chronique par l'OMS (organisation Mondiale de la Santé) depuis 1997. Mais, pour Agnès Maurin, la directrice de la LCO, le sujet est trop souvent pris à la légère : "Ce problème de santé publique est traité comme un problème nutritionnel. Mais on ne soigne pas l'obésité avec des fruits et légumes. Il y a un besoin d’une véritable reconnaissance de la part des pouvoirs publics", déclare-t-elle.Aujourd'hui, Alain va bien, selon le professeur David Nocca, du service chirurgie digestive du CHU de Montpellier. Son patient souffre tout de même de sérieuses blessures aux membres inférieurs et se trouvait "dans un état lamentable" à son arrivée à l'hôpital.
Le professeur Nocca rappelle que chaque année en France, 50 000 personnes obèses sont opérées. Avant la chirurgie, ces personnes passent par différents stades, dont des régimes pas forcément suivis par un médecin, qui ont pour conséquence un effet "yoyo" de perte puis de reprise de poids, explique le spécialiste.
On a encore un gros problème avec l'obésité en France, dans le sens où beaucoup se disent encore "les gros n'ont qu’à pas manger autant", mais on n'est pas tous égaux devant la prise de poids.
L'obésité ne s'explique pas uniquement par un seul facteur. De multiples causes génétiques ou psychologiques peuvent être à l'origine de la formation excessive de graisses corporelles. "J'ai vu passer 5 000 patients en état d'obésité morbide, et leur discours témoigne souvent des mêmes problèmes psychologiques qui font qu'ils vont se réfugier dans la nourriture. Ca peut être un choc provoqué par une agression sexuelle, le décès d'un proche, un licenciement ou des difficultés économiques, ou un accident qui empêche la personne de bouger et de faire du sport."
Le professeur évoque de nombreux échecs de prises en charge en amont de l'ultime solution chirurgicale. "Des patients de 300 kg, j'en ai opéré quatre ou cinq dans ma carrière. Tout le monde se demande comment on fait pour en arriver à un tel poids. Les raisons sont multiples, mais il y a quelque part un abandon. Il faudrait communiquer beaucoup plus tôt et adresser les patients vers des services spécialisés."
Réconcilier les personnes obèses avec les services de santé
Alors que la crise sanitaire du Covid-19 a mis l’accent sur la fragilité des personnes obèses, l'urgence est d'accompagner celles-ci sur le terrain, selon Annick Contiero, de l'association de patients "Le poids du partage". Selon des études nationales et internationales, l’obésité double la mortalité des personnes atteintes du Covid-19. Les hôpitaux surchargés ont repoussé les suivis médicaux de nombreux patients, qui ont des difficultés à continuer leur activité physique et sont confrontés à beaucoup d'anxiété, explique cette femme qui se bat elle-même contre l'obésité depuis plus de dix ans.La priorité pour les associations aujourd'hui est de limiter la casse, parce que cette pathologie est accentuée par un manque de prise en charge. Il faut redonner confiance aux gens, les rassurer, et les convaincre de retourner voir leur médecin malgré la peur, de prendre en charge leur santé.
Selon Annick Contiero, qui pesait autrefois 300kg, beaucoup de progrès ont été faits dans la reconnaissance de l'obésité comme la maladie, petit à petit. Elle estime que les professionnels de la santé sont mieux formés, que son association est plus épaulée et écoutée par les municipalités et par le gouvernement depuis quelques années. Elle souligne que le président Emmanuel Macron a même eu un petit mot pour les personnes souffrant d'obésité et les associations qui les accompagnent dans ses discours. Pour elle, la grossophobie de la société est le vrai fléau : "La stigmatisation des obèses par la société, parce qu'ils sont différents, chacun en est responsable", conclu-t-elle.