Débroussailler les terres d'un éleveur à Allières, pour relancer l'écosystème. C'est tout l'enjeu de ce chantier école mis en place par le lycée agricole de Pamiers en partenariat avec le PNR.
Ils sont une vingtaine d'élèves du lycée agricole de Pamiers à nettoyer les 2 hectares de terrain de la ferme de Monteillas à Allières.
En terrain inconnu, dans le cadre d'un chantier école, ces lycéens ont pour but de reconquérir un territoire spécifique - les pelouses sèches calcaires - préservé au niveau européen.
Couper les arbres, descendre les tas de bois pour permettre au fermier Gilles Massat de mettre ses 80 vaches en pâtures et de favoriser les espèces protégées qui vivent sur les pelouses sèches.
Ce matin, j’ai débroussaillé pour dégager le secteur. Avec la pente c’est compliqué car je peux tomber et il y a beaucoup de ronces.
Marina Dupuy, élève de 1ère GMNF (Gestion des milieux naturels et de la faune) au lycée agricole de Pamiers.
"Ça va servir au fermier, Gilles Massat, pour faire brouter ses vaches. Elles ne pouvaient pas passer et restaient en bas alors que là, elles vont pouvoir monter car on a créé des chemins", explique-t-elle ensuite.
Reconquête paysagère
Maxime Joulot, enseignant en aménagement agronomie au lycée agricole de Pamiers, supervise le chantier. "On est sur une filière gestion des milieux naturels de la faune donc, à un moment donné, il faut qu’on passe de la théorie à la pratique", explique le professeur. Et dans ce cursus, des semaines de "chantier école" sont prévues pour mettre les jeunes en situation, face à un cas type qu’ils pourraient retrouver dans leur milieu professionnel.
Nous sommes en partenariat avec le Parc naturel régional depuis 2015 et chaque année, on a une semaine d’ouverture paysagère réalisée sur les sites du PNR.
Maxime Joulot
De la conception du chantier à la conception du programme pour la semaine et sa mise en œuvre, les lycéens ont essayé de comprendre les enjeux du milieu ainsi que les objectifs de l'agriculteur.
"C'est un contrôle continu pour le bac donc on est noté et tout compte : une partie théorique en amont, et une partie pratique sur le terrain et une partie écrite après pour constater les évolutions, les conséquences", précise Marina Dupuy.
Une aubaine pour Gilles Massat. Cet éleveur de vaches limousines a repris l’exploitation de ses parents en 2000 et s'est agrandit depuis. Avec 60 hectares de terrain en individuel, cela fait plusieurs années qu'il s'interroge sur la façon de nettoyer ses terrains.
"C'est vrai que j'ai un peu laissé tomber ce terrain, je n'avais pas le temps de m'en occuper. Et finalement, j’ai discuté avec le PNR et de fil en aiguille on a décidé que le lycée intervienne", raconte l'agriculteur.
Créer un lien entre les milieux
Dans ce milieu à haute valeur écologique, l'objectif est de désengorger l'environnement pour permettre à la faune et à la flore de revenir progressivement. Un enjeu central pour le parc naturel régional.
"Ouvrir le milieu, récupérer des terres agricoles pour que la faune et la flore ne soient pas condensées sur des endroits bien définis, c’est bon pour la biodiversité", explique Marie-Pierre Eychenne, élue au bureau du Parc naturel régional Pyrénées Ariègeoises.
Sur le haut de la parcelle se trouvent des orchidées. Les vaches, en empruntant les couloirs créés par les étudiants, vont les élargir et vont permettre à la faune et la flore de se développer. S’il n’y pas d’ouverture d’un territoire à l’autre, ça peut générer l’extinction d’une espèce.
Marie-Pierre Eychenne
Créer une ouverture partielle sur le haut du chantier permettrait à la faune de se déplacer, de ne pas avoir d'obstacles sur son parcours de vie et donc de se développer plus facilement.
"On cherche à concevoir un corridor écologique pour que plusieurs espèces puissent passer d’une réserve à l'autre", précise Antonin Geneste, 18 ans, lui aussi élève en première GMNF au lycée agricole de Pamiers.
Une première pour ce jeune homme qui juge le chantier primordial. "C'est important, ça nous met dans le bain pour les années à venir et ça nous montre la difficulté d’un chantier, de la préparation à la finition en passant par l’étape sur le terrain, ce n'est pas rien ! avance-t-il.
Une pelouse sèche, c'est quoi ?
Les pelouses sèches apparaissent sur des sols calcaires, peu épais, généralement pauvres en substances nutritives disponibles pour les espèces végétales, perméables et exposés à des conditions de sécheresse et de chaleur difficiles.
Elles sont constituées d'une végétation herbacée et rase.
La grande majorité des pelouses sont issues de la déforestation et de la mise en place de pâturages extensifs qui assuraient leur entretien.
Ces pelouses, peu productives, ont été peu à peu délaissées, - avec l'abandon du pastoralisme, au profit de l'agriculture intensive - et tendent naturellement à se reboiser. Elles sont aussi souvent grignotées par les surfaces agricoles et l’urbanisation.
En France, en 50 ans, environ 50 % de ces milieux ont disparu.
L’embroussaillement est dû à l’évolution des pratiques rurales. Ici, il y a 50 ans, il y avait des animaux qui broutaient l'herbe.
Maxime Joulot, enseignant en aménagement agronomie au lycée agricole de PamiersOn pourrait les prendre pour de simples friches mais en réalité ces milieux abritent une riche variété faunistique et floristique et possèdent un rôle paysager important.
"On est sur des zones très très pentues, très pauvres mais avec des enjeux intéressants car on retrouve tout un cortège d’insectes (papillons, criquets) et des orchidées", explique le professeur.
Des milieux exceptionnels et très bien représentés dans la région : Grands Causses (Aveyron), Causses du Quercy (du Lot jusqu’au nord-ouest du Tarn, en passant par les gorges de l’Aveyron), Causses de Labruguière-Caucalières (Tarn), coteaux marno-calcaires de Gascogne, du Tarn et du Tarn-et-Garonne, du Lauragais, du piémont pyrénéen (du massif du Pibeste au Plantaurel)…
Mais qu'il faut continuer à entretenir et préserver.