Charlotte Lecarpentier vient de déposer plainte pour agression sexuelle aggravée. Son agresseur présumé : un masseur kinésithérapeute basé à Saint-Girons dans l'Ariège. Mis en examen par le parquet de Foix, il est visé par une interdiction d'exercer.
"Tout le monde me demande pourquoi ça m'est arrivé". Voilà ce que Charlotte Lecarpentier a pu entendre depuis qu'elle a décidé de porter plainte en janvier dernier à la suite de l'agression qu'elle dit avoir subi. "Et je ne sais jamais quoi répondre, parce que je n'en sais absolument rien".
Charlotte Lecarpentier, 31 ans, vit dans l'Ariège. La trentenaire vient de déposer plainte pour "agression sexuelle aggravée" et poursuit en justice son ancien masseur-kinésithérapeute. Elle l'accuse d'attouchements à caractère sexuels pendant une séance programmée au début de l'année.
Trouvé grâce au bouche-à-oreille
Tout commence il y a près d'un an et demi. Atteinte d'une maladie chronique, Charlotte Lecarpentier se voit prescrire plusieurs séances chez un kinésithérapeute pour tenter de soulager ses maux. Installée à Sainte-Croix-Volvestre, une petite commune des Pyrénées ariégeoises de 651 habitants, elle se met aussitôt en quête d'un masseur.
Mais dans ce village reculé, situé à une vingtaine de kilomètres de la commune de Saint-Girons, le centre de santé ouvert en juillet dernier récemment ne compte que deux médecins généralistes et un gynécologue obstétricien, selon les précisions apportées par l'équipe municipale. Charlotte Lecarpentier compte donc sur du bouche-à-oreille pour prendre attache avec un praticien.
"Ma grand-mère avait consulté un kinésithérapeute quelques temps auparavant. Mais ça ne s'était pas bien passé, elle ne l'aimait pas beaucoup", explique Charlotte Lecarpentier sans donner plus de détail. Cette première expérience peu heureuse laisse perplexe la trentenaire. Mais elle n'a pas d'autres pistes et décide de contacter ledit praticien en question.
Une relation "professionnelle voire courtoise"
Une fois qu'elle rejoint sa patientèle, Charlotte Lecarpentier se rend en moyenne une fois par semaine au cabinet auquel est rattaché le masseur-kinésithérapeute, qui est situé avenue Gallieni à Saint-Girons (Ariège). Et pendant près d'un an et demi, la jeune femme est suivie avec professionnalisme. "Tout se passait bien avec lui. Je n'ai rencontré aucun problème durant nos séances. On avait une relation professionnelle voire courtoise", raconte-t-elle aujourd'hui.
Elle précise même qu'ils avaient "un bon contact humain, comme on peut en avoir avec son boucher chez qui on va toutes les semaines". Ensemble, patient et praticien discutent "politique, actualité, mais jamais de choses personnelles. D'ailleurs, on n'a jamais arrêté de se vouvoyer", insiste la plaignante.
Au cours des différentes séances, les massages se concentrent sur les lombaires et les cervicales. Une attention médicale nécessaire puisque c'est précisément au niveau de ces deux zones que Charlotte Lecarpentier ressent les douleurs les plus vivaces en raison de sa maladie.
Il m'a dit que mon pantalon allait le gêner.
Charlotte Lecarpentier
Complètement dénudée contre son gré
Pourtant, le 2 janvier 2023, la plaignante se plaint de son dos et de ses jambes auprès de son kinésithérapeute. "J'avais fait beaucoup de sport, je le lui ai dit et il m'a proposé de me masser les jambes. Mais pour ça, il m'a dit que je devais enlever le bas. Il m'a dit que mon pantalon allait le gêner".
En confiance, Charlotte Lecarpentier s'exécute. Le masseur-kinésithérapeute quitte la pièce le temps qu'elle se mette en sous-vêtements. "Ensuite, il est revenu. Il a commencé à me masser en partant du bas des jambes et pendant qu’il me massait, il a retiré ma culotte. Je me suis retrouvée sans mes sous-vêtements et complètement nue sans mon consentement", déclare la plaignante.
J'ai compris qu’il y avait quelque chose qui n’allait pas
Charlotte Lecarpentier
Selon ses déclarations, les palpations se poursuivent sur ses zones intimes alors qu'elle est nue. "Il est remonté de mes cuisses jusqu'à ma vulve et mes fesses", détaille Charlotte Lecarpentier. Elle se trouve alors en état de sidération. "J'ai buggé, je me suis tendue, j'ai compris qu’il y avait quelque chose qui n’allait pas".
"Je ne voulais pas en parler"
Malgré le choc, la trentenaire parvient à mettre un terme à la séance et quitte le cabinet. Chez ses parents où elle trouve immédiatement refuge, elle craque et fait le récit de l'agression qu'elle vient de subir. “Même si je n'ai même pas vraiment réussi à parler sur le moment, ma mère a compris ce qu’il s'était passé.”
En colère, son père et sa mère se rendent au cabinet de l'agresseur présumé et tentent de le confronter. La rencontre tourne court et à leur retour au domicile familial, ils la convainc d'aller porter plainte le plus tôt possible. "Moi, au début, je ne voulais pas en parler", raconte la victime présumée. "Je connais trop bien les statistiques dans ce genre d’affaires pour savoir que ce sont des procédures longues et que c’est compliqué ”.
Le 3 janvier 2023, Charlotte Lecarpentier pousse la porte de la gendarmerie et porte plainte pour "agression sexuelle aggravée". Dans la foulée, elle saisit également l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes de l'Ariège pour dénoncer les agissements d'un de leurs membres.
Une interdiction d'exercer est prise par la justice mais ça ne veut pas dire qu'il va y avoir la moindre poursuite disciplinaire.
Me Aurélie Sagansan, avocate de la plaignante
Mis en examen et interdit d'exercer
Plus de deux mois et demi après les faits, le masseur kinésithérapeute soupçonné d'agression sexuelle a été entendu par la justice. Mis en examen, il est actuellement visé par une interdiction d'exercer prise par le parquet de Foix. Entendu par les gendarmes, le masseur-kinésithérapeute a indiqué "avoir dérapé” et explique que sa "main aurait glissé”. À ce stade, il nie toute agression à caractère sexuel mais reconnaît également avoir demandé à sa patiente de se dénuder "à des fins médicales".
Selon nos informations, le cabinet de santé pour lequel il officiait jusqu'au début du mois de janvier ne prend plus aucun nouveau rendez-vous avec lui. Une secrétaire médicale interrogée sous couvert de l'anonymat prétexte que "son planning est complet". Contactée, Evelyne Carlesso, présidente de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes de l'Ariège, déclare de son côté "ne pas être en mesure de communiquer à ce sujet".
Je n’étais pas d’accord pour retirer ma culotte et me retrouver complètement nue.
Charlotte Lecarpentier
"On attend toujours une position officielle de la part de l'ordre, puisque qu'une interdiction d'exercer est prise par la justice mais ça ne veut pas dire qu'il va y avoir la moindre poursuite disciplinaire", détaille Me Aurelia Sagansan, avocate au barreau de Toulouse, qui défend les intérêt de Charlotte Lecarpentier. En attendant la prochaine audience, sa cliente maintient : "Je n’étais pas d’accord pour retirer ma culotte et me retrouver complètement nue”.