Livre. "J’ai toujours aimé l’effet que me font les flammes" : "La maison Dieu", roman inflammable de Céline Laurens

Dans le jeu de tarot, la carte de « la maison Dieu » met en scène une haute tour carrée en feu dont chutent les occupants. Dans le roman du même nom, Céline Laurens, fait partir en fumée une maison de maître ariégeoise dont les propriétaires meurent dans les flammes. Alors plus dure sera la chute mais pour qui ?

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Comme dans un Cluedo, chaque personnage va raconter sa vie, avant ou même après le drame : le fils, la fille, la bonne, la mère, le père, sa maîtresse, Justin, le voisin et amoureux éconduit, le pyromane lui-même, le curé, le gendarme… Alors la vérité éclatera-t-elle au grand jour sur une terre propice aux « on dit » ?

 

Le bruit, ça court vite de par nos rues. Ça dévale, des persiennes aux étals, des perrons jusque dans les couches. C’est peut-être parce qu’on est encore dans le plat de l’Ariège que ça s’étend autant par chez nous la rumeur.

 

Un malheur n’arrive jamais seul parait-il. Le premier véritable pour Esther sera de tomber enceinte. Elle ne veut pas grossir, souffrir ou même éviter le soleil qui lui est désormais déconseillé. « Rester dedans », « se garder de la vie », ça n’est pas pour elle qui « se meurt » et l’amour qu’elle porte à Armand avec.

 

Leur maison deviendra aussi froide que leurs cœurs. Esther est dure. Est-elle seulement capable d’aimer ? En atteste cette saillie cinglante à l’égard de celui qu’elle éconduira après avoir rencontré Armand (un homme plus en rapport avec son rang) : « Justin respectait mes départs, mes sautes d’humeur, mes absences. Fier pourtant, il me passait tout. A quoi bon alors. On ne bat pas un animal s’il ne se défend pas. »

 

Cœurs brûlés

 

Elle aura autant de brutalité pour Adélaïde, la bonne, en qui elle voit, avec prémonition, une concurrente sérieuse. « Elle me regardait et un sourire de haine contenue faisait déjà trembler sa bouche. Elle peinait à garder son air modeste. Pas de chance, c’est moi qui tenais les cordons de la bourse. Sainte Adélaïde allait souffrir. »

 Dans ce cadre, les enfants, Mallora et Abel, grandissent comme ils peuvent, choyés par la gouvernante suivante, Élise, mi-sorcière, mi-vieille fille. Mallora aura, elle aussi, le cœur brisé. Abel, lui, s’en fiche. Il ne veut pas grandir et nourrit de curieuses (et coupables ?) passions.

 

J’ai toujours aimé l’effet que me font les flammes. Elles m’apaisent et me bercent. Quand un feu se déclare quelque part, Élise achète le journal, puis elle me le donne et je l’ajoute à la collection (…) Je mettrais le feu moi, tiens ! Ils sauraient de quel bois j’étais fait.

 

Mais au-delà, de l’intrigue en elle-même, c’est le style de ce roman qui mérite d’être souligné. Le feu y couve aussi dans certaines phrases ou situations. Comme quand Armand évoque son amour perdu avec sa femme : « Tu me manques. Je vais aller regarder nos photos. Nous y sommes ce que nous sommes vraiment et non ces ombres actuelles. Dessus, tu me regardes, Esther. »

 

Armand qui ne vieillit plus. « Est-ce l’arrêt brusque de certaines espérances qui le conserve ainsi ? ». Il y a aussi ce magnifique chapitre où Nicolas, le fossoyeur, raconte le rapport (amour ?) le liant à la mort qui l’accompagne au quotidien : « Nous avons vieilli ensemble, dans la mémoire des gens qu’Elle allait chercher et moi dans celle de ceux que j’enterrais ».

 

On voudrait que les meurtriers ressemblent à des meurtriers. Ce serait plus simple si le vice se voyait… 

 Et ne vous fiez pas aux doux yeux bleus de Céline Laurens, en quatrième de couverture. L’autrice ne recule pas devant la cruauté à l’état pur. Comme quand elle fait parler le meurtrier : « Il faut savoir prendre son temps. Mettre en valeur, raconter une histoire autour. S’intéresser à des personnages, à ceux qui vont brûler, c’est fondamental. Sinon on se fiche de les perdre. A quoi bon ouvrir le chapitre ? »

 

N’attendez donc pas de fin heureuse. Comment peut-il y en avoir quand il n’y a plus d’amour. Alors à quoi bon ouvrir « La Maison Dieu » ? Parce que comme le dit très justement Mallora à son frère : « Abel, les livres c’est la vie en pire ou en mieux. Mais au moins, cela ne laisse pas de place à l’ennui »

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