L'image est massivement partagée sur les réseaux sociaux : les Alpes photographiées depuis les Pyrénées. Un record du monde dont son auteur, le Catalan Mark Bret, nous raconte l'histoire.
La silhouette des Alpes se détache en arrière-plan dans une atmosphère vaporeuse de coucher de soleil. Au milieu de l'image, décalée un peu sur la gauche, la ligne si caractéristique de la barre des Écrins (4.102 mètres), située dans les Hautes-Alpes. 440 kilomètres séparent ce sommet de l'endroit où a été prise cette photo, en juillet 2016, sur le Pic de Finestrelles (2.820 m.), situé dans les Pyrénées. Un record réalisé par le Mark Bret et toujours inégalé. Auparavant, jamais deux endroits terrestres n'avaient pu être photographiés à une telle distance. Cette photo extraordinaire a été partagée des milliers de fois sur les réseaux sociaux.
Le Canigó vu de Marseille
Cet exploit est né d'un souvenir, il y a environ 12 ans. "Un jour, je me suis rappelé que ma grand-mère, qui était décédée quelques années auparavant, m'avait expliqué qu'on pouvait voir Majorque depuis la tour d'observation du Parc d'Attractions de Tibidabo à Barcelone, raconte Mark Bret. Soudainement, je suis devenu très motivé pour savoir si c'était vrai." Dès ce jour, le jardinier et vidéaste catalan de 49 ans se plonge dans un processus de recherche afin d'apercevoir l'île des Baléares.
Ce volubile amoureux de la montagne et de la nature découvre que certains facteurs météorologiques permettent de mieux voir au loin. Il y a aussi la courbure de la Terre. Elle est compensée par l’altitude élevée de l'endroit où a été prise la photo et de son sujet.
Mark Bret constate rapidement qu'il n'est pas le seul à s'intéresser au phénomène. "Je me suis rendu compte que les Français ont été pionniers en la matière. Dès la fin du XVIIIe siècle, le phénomène de la perception de la silhouette du Canigó depuis Notre-Dame de La Garde, à Marseille, a été documentée." Tombé dans l'oubli, des passionnés en refont la découverte, deux siècles plus tard. "Deux fois par an, avec le soleil qui couche, on aperçoit le Canigó depuis Marseille, rapporte le photographe catalan. Tout cela est aujourd'hui très bien connu et plusieurs photographes y consacrent une attention particulière, comme Alain Origné, Bruno Carrias ou Antoine Mangiavaca."
Des conditions météorologiques à préserver
Après s'être passionné pour Majorque, Mark Bret s'est interrogé : quel est le paysage le plus éloigné jamais représenté depuis la terre à l'échelle mondiale ? Le photographe reprend ses recherches et constate qu'une distance de 300 km avait pu être prise en photo depuis une montagne de l'Alaska. "Cela m'a un peu étonné parce que si c'était une distance très grande, reconnaît-il. Je ne trouvais pas non plus que cela soit exceptionnel et bien, maintenant connaissant les facteurs géographiques qui facilitent potentiellement les contemplations à distance, j'ai immédiatement pensé que cette distance pourrait très probablement être dépassée dans le contexte géographique entre les Pyrénées et les Alpes !"
Mais il y a une difficulté à résoudre : la météo. Les jours où les Alpes pouvaient être visibles des Pyrénées devaient être très rares. "Ce défi semblait presqu'une utopie" concède-t-il.
Il faut en effet des conditions météorologiques parfaites pour capturer ces images de paysages à couper le souffle. Les paysages les plus spectaculaires sont souvent capturés lorsque la pollution atmosphérique est presque inexistante. Cependant, l'été peut poser des problèmes, car la chaleur peut entraîner une évaporation plus facile de l'air, ce qui peut affecter la qualité de l'air. Il existe des moments de l'année où la visibilité est à son meilleur. C'est souvent après un orage violent, lorsque les particules polluantes sont soufflées et balayées au sol, ce qui rend l'air plus pur. Pendant ces périodes, la visibilité est à son maximum et il est possible de capturer des images de paysages avec une clarté incroyable.
L'aube par beau temps est également un moment idéal pour prendre des photos. Comme en témoignent les clichés de Mark Bret. D'ailleurs pour lui, ses photos sont un moyen de sensibiliser à la question environnementale. "Si nous continuons à polluer l'atmosphère de la planète avec des émissions de NO2, des particules, etc. Le petit nombre de jours où les montagnes éloignées sont visibles risque de devenir encore plus rare, voire qu'ils disparaissent complètement. C'est un cadeau que nous offre la biosphère que nous risquons de perdre."
A la recherche d'autres records
Mais un jour, en réfléchissant, Euréka ! Mark Bret se dit qu'une partie des Alpes, la plus au sud-ouest, celle des Alpes-Maritimes se trouvait certainement sur "un azimut qui pouvait intercepter le soleil à certaines dates proches du solstice d'été." Une possibilité s'offre à lui, surtout depuis le Canigó, la "montagne emblématique."
À plusieurs reprises, il réussit à photographier les Alpes. Mais il lui faut attendre juillet 2016 sur le Pic de Finestrelles pour que le Catalan obtienne ce qu'il cherche. "En arrivant sur la crête, je me suis aussitôt rendu compte que les silhouettes alpines des Écrins étaient parfaitement distinctes à l'horizon, et même certaines montagnes plus que je n'en avais prévu d'observer, grâce à une très bonne réfraction atmosphérique." C'est ce cliché qui est aujourd'hui partagé sur les réseaux sociaux, "surtout parce qu'il a été officialisé sur le site web du record du monde Guinness" pense-t-il.
Ce plaisir de la découverte, Mark Bert veut continuer à le vivre. D'autres sommets de part le monde lui ouvrent de nouveaux horizons et pourquoi pas de nouveaux records.