Suite à la contamination de lait en poudre aux salmonelles, le groupe Lactalis a été mis en examen pour tromperie aggravée et blessures involontaires. Des dizaines de nourrissons avaient été malades fin 2017. La mère de l'un d'eux qui souffre encore 5 ans après, réclame justice.
Plus de quatre ans après l’ouverture d’une information judiciaire, le groupe Lactalis a été mis en examen ce jeudi 16 février 2023 pour tromperie aggravée et blessures involontaires, mais aussi inexécution de mesures de retrait et rappel. Deux de ses sociétés ont été placées sous contrôle judiciaire.
Un soulagement pour Ségolène Noviant, une mère de famille dont le bébé a été contaminé aux salmonelles. "Mon fils a été hospitalisé sur deux ans et demi. Il a failli mourir. Noan est résistant aux antibiotiques donc on a eu énormément de mal à soigner sa salmonellose. Et il a toujours des problèmes de santé, des fièvres inexpliquées. Il n'est pas vacciné, par exemple, parce qu'il faut qu'il passe au moins deux mois sans fièvre. Or cinq ans après, on n'y est toujours pas".
Reconnus comme victimes
Cette habitante de Carcassonne (Aude) explique que Lactalis lui a proposé de l'argent en dédommagement. Elle a décliné. Ce qu'elle veut c'est un procès qui permette de comprendre pourquoi et comment cette contamination a pu avoir lieu. Elle souhaite qu'aucun autre parent ne traverse ce qu'elle a enduré. "J'ai vécu l'enfer, mon fils a failli mourir" confie-t-elle.
C'est mon premier enfant. Je suis toujours très traumatisée par cette histoire. Je ne veux pas retomber enceinte parce que je sais que je ne pourrai pas l'allaiter. Et je ne veux pas donner de lait en poudre parce que ce n'est toujours pas sûr. Le but pour moi, c'est que personne d'autre ne vive ça !
Ségolène Noviant, mère de Noan
Pour Ségolène Noviant, l'Etat doit faire en sorte que cela ne se reproduise pas. Constitués en association, l'APSLDE (association pour la santé des enfants), les parents des bébés contaminés veulent que leurs enfants soient reconnus comme des victimes.
"Il faut que l'entreprise soit placée face à ses responsabilités, poursuit la mère de Noan, qu'il n'y ait plus d'auto-contrôles. Il faut une surveillance effective assurée par l'Etat et des sanctions exemplaires en cas de manquements, des sanctions qui soient réellement appliquées".
36 enfants contaminés
De son côté, le groupe agro-alimentaire a fait savoir que "cette étape marque le début de l’instruction judiciaire dans laquelle Lactalis s’engagera pleinement et en toute transparence. L'enjeu de cette procédure est de permettre la manifestation de la vérité scientifique dans ce dossier industriel complexe".
Au total, 36 nourrissons ont été identifiés comme ayant été atteints de salmonellose en France à la fin de l'année 2017 après avoir consommé un produit pour enfant, essentiellement de marque Milumel ou Picot. Des produits fabriqués par l’usine de Craon en Mayenne.
Les salmonelloses sont des intoxications alimentaires, qui vont de la gastro-entérite bénigne à des infections plus graves, notamment pour les jeunes enfants, les personnes âgées ou à la santé fragile. Le processus de retrait avait été chaotique et de nombreux dysfonctionnements avaient été révélés.
Après plusieurs semaines de crise, le groupe adepte du secret, avait retiré mi-janvier 2018 la totalité de ses laits infantiles produits dans l’usine incriminée. La production y avait été suspendue pendant plus de six mois.
Les familles espèrent que le délai pour arriver au procès ne sera pas aussi long que celui qui a conduit à la mise en examen de Lactalis.