La campagne 2012-2013 de la truffe noire chérie par les gourmets s'annonce très inégale selon les régions et les conditions climatiques, prévoit la Fédération française des trufficulteurs (FFT).
La récolte qui s'étalera de décembre à février devrait produire entre 30 et 50 tonnes de la tuber mélanosporum, ce champignon qui se développe en symbiose avec les racines d'un arbre et qui atteint sa maturité à la fin de l'année.
"Certains endroits, comme l'Aude, le nord de la Drôme ont été très bien arrosés, les pluies sont arrivées comme il fallait quand il fallait et il y aura de la truffe en abondance", dit à l'AFP Jean-Charles Savignac, président de la FFT.
En revanche, le Sud-Ouest et la façade méditerranéenne ont été touchés par la sécheresse et la production pourrait s'en ressentir, ajoute-t-il en marge d'une conférence sur l'état d'avancement de travaux scientifiques, engagés avec l'aide de l'Etat en particulier, sur les truffes et la trufficulture.
"On a été bien servi en eau avec des orages en juillet et en août. On a repéré beaucoup de truffes", confirme ainsi André Giniès, patron des trufficulteurs de l'Aude. Au contraire, en Aquitaine, les conditions ont été plus défavorables. "On est inquiets", dit Michel Queyroi. Les effets de la sécheresse sont toutefois à tempérer. "Il y a des gens qui arrosent, il n'y a pas que les conditions climatiques qui jouent", souligne Jean-Charles Savignac. En 2011-2012, la récolte avait été meilleure que prévu en dépit de "conditions climatiques bizarres", rappelle-t-il.
Quarante-quatre tonnes de tuber melanosporum avaient été ramassées: 30 dans le Sud-Est et 14 dans le grand Sud-Ouest, auxquelles se sont ajoutées cinq tonnes de truffes dites de Bourgogne, récoltées de la Bourgogne à la Lorraine. Les meilleures années, jusqu'à 60 tonnes peuvent être récoltées, dit-il.
Sur les marchés de gros, la truffe noire s'est vendue entre 600 et 700 euros le kilo et entre 800 et 1.000 euros le kg au détail, des prix qui ne devraient pas
varier cette année, juge-t-il. En 2011-2012, la truffe avait généré un chiffre d'affaires de 110 millions d'euros.
La science au service du diamant noir à Villeneuve-Minervois dans l'Aude
Il y a beau temps que la trufficulture n'est plus ce qu'elle était: l'amateur qui ramassait le diamant noir dans ses petits coins secrets a cédé la place au professionnel s'alliant au scientifique pour accroître une production dépendante des aléas climatiques.
A l'aube d'une nouvelle saison de récolte qui s'annonce inégale selon les régions, environ 500 professionnels de toute la France trufficole se sont réunis à Villeneuve-Minervois pour écouter des chercheurs expliquer les travaux qu'ils mènent en science appliquée et en recherche fondamentale afin de les aider à satisfaire une demande qui ne faiblit pas pour un produit toujours trop rare.
"La trufficulture de pépé, et même de papa, c'est terminé", a lancé Alain Giniès, maire PS de ce village proche de Carcassonne et président de l'Association des trufficulteurs audois, en ouvrant la conférence vendredi.
Désormais, au lieu de se baisser dans les pré-bois pour y cueillir les truffes qui jadis y apparaissaient spontanément, les trufficulteurs plantent des arbres développés en pépinière, utilisent l'irrigation, expérimentent des techniques qui s'améliorent.
Au début du XXè siècle, la France produisait plus de 1.000 tonnes annuelles de tuber melanosporum, dite truffe du Périgord, un champignon qui grandit en symbiose avec les racines des arbres. La production a chuté dans les années 1990 à à peine 10-15 tonnes, explique Jean-Charles Savignac, président de la Fédération française des trufficulteurs (FFT).
En cause: la désertification des campagnes et la déprise agricole, qui s'est accélérée après la Seconde Guerre mondiale et qui a fermé le milieu. La canicule de 2003 a achevé de porter le coup de grâce aux truffières naturelles, rares aujourd'hui, selon les spécialistes.
L'expérimentation et la recherche sont venues au secours de la profession, qui plante chaque année plus de 300.000 arbres truffiers. Grâce à quoi, "même quand les conditions météorologiques ne sont pas optimales - et malheureusement c'est assez fréquent avec le réchauffement climatique - le plancher de production en France augmente" régulièrement, dit Jean-Charles Savignac.
Quarante-quatre tonnes ont été récoltées en 2011-2012.
"La science nous a apporté une chose essentielle, des arbres mycorhizés", c'est-à-dire dont les racines contiennent le précieux champignon, explique Michel Queyroi, président de l'Union régionale des trufficulteurs d'Aquitaine. "Les plants sont bien plus performants qu'il y a 10 ans", renchérit Jean-Pierre Audibert, patron de la Fédération départementale du Périgord. Il explique aussi que la recherche a permis d'affiner les périodes où l'arrosage est absolument nécessaire.
La recherche a ainsi deux axes: "valider des pratiques empiriques" mais aussi "produire des outils complètement nouveaux" comme ces plants inoculés et certifiés, explique Marc-André Selosse, chercheur à l'université de Montpellier.
Les chercheurs ont découvert par exemple qu'en perturbant le milieu (par des coupes notamment), il y avait "explosion de truffes", ce qui "valide l'idée que la truffe est l'un des premiers pionners à recoloniser" le milieu après une perturbation, dit le scientifique chargé du programme Systruf qui étudie la biodiversité, l'écosystème et les ressources génétiques de la truffe.
Si la finalité de ces travaux est de permettre à la profession d'augmenter la production et la qualité d'un tubercule qui peut atteindre les 1.000 euros le kilo,
certains, tels Alain Giniès, se méfient. "Il ne faut pas banaliser le produit" et lui enlever son mystère, dit-il.
D'autres voudraient au contraire que la consommation se démocratise. "Il faut
faire tout ce qu'on peut pour augmenter la production afin que les gens puissent
manger de la truffe", répond Michel Queyroi.