A trois mois de l'été, alors que l'approvisionnement en eau potable s'annonce encore plus compliqué qu'en 2022 en raison d'une sécheresse hivernale exceptionnelle, les maires tentent d'éviter les pénuries et de prévenir les conflits d'usage, dont Sainte-Soline (Deux-Sèvres) a révélé le potentiel explosif.

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Avec 117 communes privées d'eau potable en août dernier, 24 départements en vigilance ou faisant l'objet de restrictions fin mars, et 80% des nappes phréatiques sous les normales, l'heure est à la mobilisation.

Dans le Massif central, région pourtant considérée comme le château d'eau de la France, l'image de communes ravitaillées par camions-citernes a aussi particulièrement marqué les esprits cet hiver. Compétence historique des communes, la distribution d'eau potable doit être cédée aux intercommunalités d'ici 2026.

Jusqu'à l'été dernier, le changement climatique était une abstraction. Là, il tape à la porte et les maires sont un peu désemparés.

Jean-Claude Pons

Maire de Luc-sur-Aude

Ceux qui consommeront plus paieront plus cher

Plutôt que de vouloir à tout prix mobiliser "une ressource qui n'existe pas", cet agriculteur à la retraite préconise un "changement de paradigme" et travaille à une tarification de l'eau qui pénaliserait les usages au-delà de 150 litres par jour et par personne. Montpellier est pionnière en matière de tarification progressive, comme l'a proposé le président de la République Emmanuel Macron.

"L'idée est d'inciter à une consommation responsable, notamment pour les loisirs", précise l'élu, par ailleurs opposé à la délivrance de permis de construire pour des piscines privées "qui consomment 70% à 80% de leur volume en évaporation", ajoute le maire de cette commune audoise de 244 habitants.

Retenir l'eau

A horizon lointain, M. Pons réfléchit à la meilleure façon de "ralentir l'écoulement de l'eau" lors de précipitations torrentielles pour qu'elle "réimbibe les nappes phréatiques". Mini-barrages, couverture des sols "pour qu'ils se comportent comme des éponges", revêtements des voiries plus perméables... Les solutions ne manquent pas, selon lui.

Stades jaunis


Face à la sécheresse, beaucoup de maires n'hésitent plus à laisser jaunir leurs stades et sont très demandeurs d'espèces végétales résistantes à la chaleur. Mais d'autres mesures font davantage grincer des dents, comme le gel des autorisations de permis de construire dans certaines communes du Var ou de l'Ardèche, de peur de ne pouvoir fournir les nouveaux arrivants.

Partage 

Dans les zones rurales, où l'eau consommée par l'agriculture pèse fortement sur les réseaux publics, le partage de la ressource est au cœur des préoccupations, certains maires appelant de leurs vœux "une révolution des pratiques", notamment pour améliorer l'utilisation des eaux usées traitées.

Interrogée sur l'accompagnement des collectivités, la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR) explique travailler sur des plans d'action à court, moyen et long terme. "Avant les crises, il faut recenser les ressources les plus vulnérables, prévoir des seuils d'alerte, identifier les usagers susceptibles de réduire fortement leur consommation et dresser une liste de transporteurs disposant de camions-citernes alimentaires", résume Régis Taisne, chef du département "cycle de l'eau" à la FNCCR. 

Traquer les fuites

La chasse aux fuites, qui touche environ 20% des canalisations, et l'incitation à une plus grande sobriété des usages sont des actions préconisées "en permanence".
"A moyen terme, les maires doivent absolument connaître l'état actuel et futur de leurs ressources et de leurs besoins pour pouvoir agir", souligne M. Taisne.
Parmi les solutions souvent recherchées par les élus, l'installation de canalisations d'une commune à l'autre pour permettre aux plus riches en eau d'approvisionner leurs voisines plus démunies.

Il y a de plus en plus de tensions qui viennent de ce qu'on a cumulé les prélèvements de chacun sans s'inquiéter de la ressource disponible.

Thomas Pelte

Chef de service à l'agence de l'eau Rhône-Méditerranée-Corse.


"On peut s'équiper pour trouver plus de ressources mais si on n'est pas plus sobres dans nos usages, on restera très exposés au changement climatique", poursuit-il, en prenant l'exemple de retenues d'eau "qui ne se remplissent plus".

 La sécheresse au salon des maires

Signe des temps, le thème de la sécheresse s'est invité au salon des maires des Pyrénées-Orientales et a occupé toutes les conversations. S'il ne pleut pas dans les prochaines semaines, là-bas aussi les maires devront faire face à des restrictions bien plus drastiques. Un scénario préoccupant pour Nicolas Garcia, maire d'Elne : "Si le préfet nous passe au niveau "crise", plus personne y compris les agriculteurs, n'aura le droit d'arroser".

L'agriculture et le tourisme touchés

L'agriculture risque d'être touchée. Le tourisme aussi. Cet été, pas sûr que les vacanciers puissent profiter des jeux d'eaux habituels du lac de Matemale. Il n'est rempli qu'à 40% de ses capacités.

"Cela va impacter les activités d'été et de loisirs. Chaque été 100 000 personnes environ fréquentent ce lac", ajoute Michel Garcia, maire de Matemale à nos confrères de France 3 Pays Catalan.

Réutiliser les eaux usées

Parmi les annonces d'Emmanuel Macron, il y a cet objectif de réutiliser 10% des eaux usées d'ici 2030. Une mesure saluée par le maire de Claira "Il est aberrant d'utiliser de l'eau potable pour nettoyer les rues ou arroser les stades", s'indigne Marc Petit.

Avec seulement 1 % de ses eaux usées réutilisées, la France fait partie des plus mauvais élèves en Europe.

 D'après AFP et avec Henry Villetarddelaguerie

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