Ce mardi 27 octobre le Sénat a voté un projet de loi controversé permettant la réintroduction temporaire des néonicotinoïdes (pesticides tueurs d'abeilles) pour sauver la filière betteravière. Rencontre avec des apiculteurs en Aveyron.
"Moi j'veux du miel" peut-on lire sur la pancarte d'un enfant. "Préservons le vivant tant qu'il est encore temps" affiche un autre carton. A Millau, une soixantaine de personnes s'est rassemblée vendredi 23 octobre devant la permanence d'un député aveyronnais qui a voté "oui" à la réintroduction des néonicotinoïdes. Le Sénat, à majorité à droite, a statué sur ce projet de loi ce mardi 27 octobre 2020. L'occasion de dresser des portraits d'apiculteurs de la région, et de donner la parole à l'un des députés favorable à ce projet.
Betteraviers versus apiculteurs
"La filière de la betterave va mal, mais ça n'a rien à voir avec le pauvre puceron, qui n'est responsable que de 10% des pertes !" affirme un apiculteur au micro. "De toute façon, vous feriez mieux de manger du miel, plutôt que du sucre !" reprend un membre de la confédération paysanne. En effet, si la réintroduction des néonicotinoïdes est de nouveau sur la table des discussions après avoir été interdits une première fois en 2018, c'est parce que les betteraviers en font la demande. Pour eux, ces pesticides sont la seule manière de lutter contre le puceron vert qui transmet la jaunisse aux betteraves, une maladie qui affaiblit la plante, conduisant à une perte de rendement. Mais pour les apiculteurs, ces insecticides sont avant tout tueurs d'abeilles. Ils ne comprennent pas qu'une réintroduction soit possible. C'est le cas de Joël, aveyronnais et apiculteur.
Pour la confédération paysanne, la réintroduction de ce pesticide est dangereux. "Jusqu'où va-t-on aller? se demande Christian, le jour où il n'y aura plus d'insectes les humains ne survivront pas, surtout s'il n'y a plus d'abeilles!"
"Bonjour les abeilles"
Elian, Alice et Tristan, eux, assistent à leur toute première manifestation. Ces enfants sont accompagnés de leur mamie et ont dessiné des pancartes à leur image. "Adieu les néonicotinoïdes, bonjour les abeilles" peut-on lire sur l'une d'entre elle. "C'est les abeilles les bonnes choses" indique une autre. Enfin, le plus petit de la fratrie affiche fièrement : "Adieu les tueurs d'abeilles".
Actes symboliques
Pendant toute la manifestation, de l'enfumage pour abeilles est symboliquement propagé dans l'air. "Cette fumée permet à l'origine, de couper le système de communication des abeilles à savoir leur phéromones, leur odorat qui leur sert d'alarme. C'est une manière pour les apiculteurs de se protéger en cas d'attaque" explique la femme d'un apiculteur. Et d'ajouter : "on passe en fait plus de temps à protéger nos abeilles qu'à produire du miel. Sans oublier que la France a déjà perdu plus de 80% de sa masse d'insecte ! Il est temps d'agir."
Symboliquement aussi, la plaque du député aveyronnais Arnaud Viala est décroché par la confédération paysanne pendant cette manifestation.
Réponse du député concerné
Arnaud Viala a reçu trois représentants du collectif de manifestants pour leur expliquer son vote pour la réintroduction de ce pesticide qui permet "de lutter contre les parasites sur un certain nombre de productions" explique-t-il.
Nos confrères de l'AFP confirment que le Sénat "va privilégier l'efficacité". Et d'ajouter que "les écologistes vont notamment pouvoir demander un scrutin public sur ce texte examiné en première lecture, qui divise jusqu'aux marcheurs". Si les sénateurs ont apporté des précisions rédactionnelles en commission "les grands équilibres du texte ont été préservés" détaille l'Agence France Presse, "dans l'objectif d'une adoption définitive rapide". Les dérogations permettant d'utiliser de nouveau des néonicotinoïdes devraient en effet être effectives au plus tard en décembre.Cette substance a été interdite par un vote à l'assemblée nationale il y a quelques années et à ce moment-là cette interdiction était trop abrupte parce qu'elle ne permettait pas aux producteurs utilisateurs de néonicotinoïdes de s'adapter et surtout c'était particulièrement injuste car en face nos voisins européens n'appliquaient pas cette interdiction et donc rien ne garantissait que le consommateur, au bout de la chaîne, ait des produits exempts de ce traitement.