Sept fabricants du fameux couteau de Laguiole dans l'Aveyron demandent à bénéficier de l'Indication Géographique (IG). Les couteliers de Thiers, dans le Puy-de-Dôme, s'insurgent contre cette démarche : ils disent craindre des pertes de débouchés pour leurs couteaux et des suppressions d'emplois.
Il a fallu des années de combat judiciaire, de 2008 à 2019, pour qu'ils récupèrent l'usage du nom de "Laguiole" : sept fabricants du fameux couteau né dans ce village de l'Aubrac, dans le nord du département de l'Aveyron, veulent maintenant bénéficier d'une Indication Géographique (IG).
Une démarche que désapprouvent certains fabricants de la ville de Thiers dans le Puy-de-Dôme, l'autre grande capitale du couteau en France : ils craignent de perdre des débouchés et donc des emplois ; du coup ils réclament que cette IG soit étendue à leur commune.
La semaine dernière, de nombreux acteurs politiques de notre département sont venus soutenir notre demande d'#IndicationGéographique "#CouteaudeLaguiole".
— IG Couteau de Laguiole (@iglaguiole) March 8, 2021
Aux côtés des couteliers, ils ont souhaité sensibiliser les aveyronnais sur l'importance de leur avis dans ce dossier ! (1/2) pic.twitter.com/cDWygvEOpI
Depuis la loi sur la consommation du 17 mars 2014 les produits non-agricoles peuvent bénéficier d'une IG, pour la différencier de l'IGP (indication géographique protégée) réservée aux vins, aux fromages, à certains fruits ou légumes et quelques autres produits agricoles.
Du manche à la pointe
Pour pouvoir s'inscrire dans cette IG, les candidats doivent se conformer à un cahier des charges très précis : à Laguiole désormais, du manche à la pointe, tout est fabriqué sur place.
C'est ainsi que les sept coutelleries, qui ont entrepris cette démarche en décembre 2020, se sont regroupées pour créer le syndicat des fabricants de couteaux aveyronnais : IG couteau de Laguiole.
Mais à 200 de kilomètres de là, d'autres couteliers s'inquiètent. En effet dans un certain nombre d'entreprises basées à Thiers dans le Puy de Dôme, on fabrique aussi des couteaux de Laguiole. Si l'Indication voit le jour, elles seront exclues de la zone de production officielle.
Reconnaissance historique
Il est vrai que, jusqu'à encore récemment, certains fabricants aveyronnais faisaient venir de Thiers des lames en acier, qu'ils travaillaient ensuite pour les intégrer dans leurs couteaux Laguiole : les Thiernois demandent donc que l'Indication Géographique soit commune avec Laguiole.
Sans le bassin de Thiers nous n'aurions plus aujourd'hui de couteaux Laguiole : donc c'est une raison de reconnaissance véritablement historique du couteau Laguiole sur le bassin de Thiers.
Nicolas Chevalerias, Coutelier à Palladuc près de Thiers, va même plus loin. Selon lui "qu'on ne puisse plus fabriquer de couteaux Laguiole, ferait que l'on perdrait énormément. On serait obligé de se séparer d'une grande partie du personnel". Entretemps le cahier des charges pour l'obtention d'une IG est passé par là.
Question de géographie
A la tête d'une des principales coutelleries de Laguiole, Honoré Durand fait partie de ceux qui militent depuis longtemps pour l'obtention de l'indication geographique. A l'argument social de la menace de suppressions d'emplois, il répond qu'à peine 5% des coutelleries aveyronnaise sous-traitent encore une partie de leurs Laguiole à Thiers.
Lui préfère s'appuyer sur l'argument de la transparence.
On est sur une IG, on parle de géographie. Nous on est à Laguiole et pas à Thiers et inversement. Ce n'est pas le même département ni la même région. Le consommateur a besoin de savoir d'où viennent ces produits, comment ils sont fabriqués. Aujourd'hui, on apporte de la clarté et on voudrait nous empêcher d'apporter de la clarté.
Vous pouvez visionner le reportage sur ce sujet de Clément Alet et Luc Tazelmati :
?Aveyron : #Laguiole et Thiers à couteaux tirés autour de la future "Indication Géographique" ?> https://t.co/fOe8rHwlvI @F3Occitanie @F3Auvergne @iglaguiole
— France 3 Quercy-Rouergue (@France3QR) April 28, 2021
Thiers et Laguiole sont donc "à couteaux tirés" sur ce dossier. C'est l'INPI (institut national de la propiété intellectuelle) qui est chargé de les départager : en effet c'est cet établissement public qui décide de l'attribution ou non d'une IG. Sa réponse est attendue d'ici au 19 mai prochain.