Soupçon de match truqué entre Rodez et Lyon-La Duchère : "on parle du cancer du football !"

En raison de soupçons de triche concernant le match de football entre Rodez et Lyon-La Duchère (Nationale), le parquet de Paris a ouvert le 6 juin une enquête préliminaire pour, entre autres, "escroquerie en bande organisée". Entretien avec le journaliste ayant révélé cette affaire, Romain Molina.

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Ses vidéos sur youtube sont devenues des références pour les amoureux du ballon rond. C'est d'ailleurs dans l'une d'entre-elles que, le 23 mai dernier, maillot de l'équipe nationale de Colombie sur le dos, Romain Molina a révélé avoir été informé du résultats de deux matchs : celui de Rodez - Lyon La Duchère en National et celui de Sochaux - Grenoble en Ligue 2.

Suite à l'alerte donnée par l'auteur du livre "La Mano negra", dans lequel il livre une enquête sur des réseaux mafieux liés au football mondial, la justice a ouvert le 6 juin une enquête préliminaire pour "escroquerie en bande organisée", "corruption active et passive", "blanchiment aggravé" et "association de malfaiteurs délictuelle", confiée au Service central des courses et jeux (SCCJ) de la police judiciaire.
 


Quelle est votre réaction à l’ouverture de cette enquête préliminaire ?

Romain Molina : "Si la justice et le parquet de Paris ont ouvert une enquête c’est qu’ils avaient des raisons de le faire. Il n’y a pas que moi qui ait alerté. D’autres personnes l'ont aussi fait. S’ils jugent que c’est suffisant, c’est assez intéressant donc maintenant je laisse la justice travailler. Mon initiative n'était pas pas de dire « c’est lui ou lui ». C’est les réseaux qu'il faut remonter. Les réseaux de matchs truqués, c’est assez mafieux. Cela prendra donc beaucoup de temps. L’ouverture de cette enquête préliminaire est donc une excellente chose. "

Quels sont les réseaux qui auraient pu truquer ces matchs ?

Romain Molina : "C’est compliqué. Avant la plus grosse organisation de matchs truqués s’appelait « le syndicat » notamment avec des personnes basées à Singapour. Actuellement, il y existe un très important réseau appartenant à Eric Mao aka le « chinois sans visage ».  Je ne pourrais pas dire exactement quel est le réseau qui intervient dans cette histoire. Il faut regarder ce qui se passe en Espagne, en Belgique, en Irlande, au Liban, au Maghreb. Récemment, on a vu une affaire touchant la Tunisie. Il y en a dans tous les pays. En France aussi, cela ne s’arrête pas aux Alpes et aux Pyrénées.

Si j’ai parlé de cette affaire, c’est que je n’ai pas les moyens d’aller plus loin. Je ne suis pas enquêteur et ce n’est pas mon boulot. Je voulais tout simplement que tout cela ne reste pas sous le tapis.

En revanche, la réaction des clubs concernés me choque. Si je devais réagir à leur place je dirais « Moi je n’ai rien à voir avec ça mais si un de mes joueurs, un mec du club, a trempé dans cette affaire, je l’attaque en justice. » Là leur attitude, c’est de dire «les matchs truqués n’existent pas ! Il n’y a pas d’enjeux durant ces matchs !» Ils se moquent du monde. Je suis scandalisé par ces réponses. On parle de matchs truqués, le cancer du foot !"

La Fédération française de football reste silencieuse sur cette affaire et l’Autorité de régulation des jeux en ligne (l'Arjel) semble la minimiser. Comment l'expliquez-vous ?

"L’Arjel, je n’en sais rien. France Football a publié un article intéressant sur des paris suspects en Europe de l’Est. Concernant l’attitude de la FFF... Il y a eu des affaires de matchs truqués il y a quelques années. Les dirigeants de la fédération ont été prévenus : ils n’ont rien fait. Pourtant, les gens qui les ont alerté sont des personnes haut placées dans les affaires d’anti-corruption au niveau international.

Ça montre qu’en France, il ne faut pas parler de matchs truqués. C’est très politisé. Mais c’est quand même très surprenant car ce sont eux les garants de l’intégralité des championnats. Je ne sais si on se rend compte du fléau que cela représente. Il n’y a pas pire que les matchs truqués et il y a une certitude : cela se passe aussi en France." 

Pourquoi parlez vous de fléau ?

"Quoi de pire qu’un match truqué ? Truquer un match, c’est le vendre. Le spectateur, il achète sa place. Il s’attend à un match sportif où personne ne sait qui va gagner. Mais c’est pipé d’avance. Des gens ont truqué un match pour des raisons criminelles.

Pour truquer un match, on a pas besoin d’être très nombreux. Il suffit de deux personnes. Un arbitre parfois. Il faut bien comprendre qu’il n’y a pas besoin d’une équipe entière. Il y a plusieurs raisons pour arranger un match : cela peut-être un arrangement sportif entre deux équipes, cela peut être pour des histoires de paris. Tous cela c’est prouvé et c’est grave."
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