"Village accueillant et dynamique, recherche médecin généraliste" : un département rural ne trouve (toujours) pas de solution aux déserts médicaux

"Nous recherchons un médecin généraliste". La banderole est apposée aux 3 entrées du village touristique de Najac (Aveyron) mais elle pourrait être ailleurs dans le département ou en France. Avec une population vieillissante, les communes rurales ont bien du mal à trouver leur médecin. La chambre régionale des comptes d'Occitanie prend l'Aveyron en exemple de ces déserts médicaux.

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Le médecin généraliste est devenu d'autant plus précieux qu'il se fait rare. Ses patients vieillissent de plus en plus, avec des pathologies multiples et tout départ à la retraite pose problème pour trouver un successeur. La Cour des comptes et les chambres régionales des comptes se sont intéressées à l’efficacité des mesures mises en œuvre depuis les dernières années. 

"Pour notre village accueillant et dynamique, nous recherchons un médecin généraliste" 

Trois banderoles se trouvent aux entrées de Najac, petit village touristique de l'Aveyron. En cette période, la population augmente beaucoup avec des touristes soucieux de visiter cette petite bastide médiévale du XIIIe. Et depuis le début du mois de juillet, il n'y a plus de médecin, le docteur Karoum étant parti à la retraite. Il y a 10 ans, c'était l'unique pharmacie qui s'en allait. Autant dire que l'accès au soin pour les Najacois et Najacoises est devenu compliqué.

Ces vacances, il y aura bien un loto d'été à Najac, des marchés nocturnes de producteurs, le Festival en Bastides du 5 au 10 août mais pas de médecin pour recevoir les habitants et les touristes de passage.

Le maire Gilbert Blanc est donc parti à la recherche du Graal : un médecin généraliste, comme beaucoup de ses consœurs et confrères. "Ça fait un an qu’on y travaille. On n'est pas les seuls à être dans ce cas. On fait tous le même constat. Quand on est élus, on veut donner des solutions à nos habitants et là, on n’en a pas". Le maire de ce village de 802 habitants est dépité. L'hôpital le plus proche est à une demi-heure (Villefranche-de-Rouergue) et pour trouver un médecin, c'est La Fouillade à une dizaine de minutes. "Il y a bien deux médecins à La Fouillade. Le plus jeune a 67 ans et l’autre 76 ans ! Il travaille dur, chaque jour. Son cabinet est plein de 7h à 20 h. Quand il va devoir arrêter, on va se retrouver en grande difficulté."

Les élus se démènent mais ils n'ont pas les clés. Certes, il y aura bientôt une Maison de santé justement à La Fouillade mais pas avant 2025. Pas sûr que ce soit suffisant sur des territoires en manque perpétuel de personnel de santé. 

La Cour des comptes et les chambres régionales comme celle d'Occitanie ont analysé l'impact des mesures prises sur les dernières décennies avec un focus sur l'Aveyron. 

Un département étendu, peu dense, à la population vieillissante

Le rapport pointe du doigt l'offre de soin. Malgré des efforts faits notamment pour les infirmiers, certains secteurs spécialisés manquent cruellement de médecins, sans parler des généralistes. Le vieillissement de la population et l’augmentation des pathologies chroniques se traduisent par une augmentation du besoin de soins dits programmés, au détriment parfois des soins non-programmés. Les délais pour obtenir des rendez-vous s'allongent et beaucoup de professionnels ne prennent plus de nouveaux patients.

Si l'Aveyron n'est hélas pas le seul département concerné, certaines caractéristiques expliquent ses difficultés. 

  • 13,8 % de la population aveyronnaise ont plus de 75 ans (10,7% en Occitanie et 9,3% en France)
  • la part de la population âgée de 60 à 74 ans a augmenté de 18,4 % à 20,5 %
  • la part des patients reconnus en affection de longue durée (ALD) était en 2019 de 25,2 % en Aveyron, contre 22,6 % au niveau régional et 21,3 % pour la France entière

De plus, le département est assez étendu mais peu dense au niveau de sa population.

  • 73 des 304 communes aveyronnaises présentent une densité inférieure à 10 habitants/km², la moyenne étant de 32 hab/km² (106 hab/km² en France)
  • 94 % de la superficie du département est classée en "zone de montagne" ce qui rend l'accès aux soins de premiers recours encore plus compliqué.

Selon le rapport, la densité est satisfaisante pour les infirmiers et les pharmacies, celle des médecins généralistes, des kinésithérapeutes, des chirurgiens-dentistes varie très fortement selon les territoires. Elle est ainsi de 109 pour la communauté de communes Aubrac, Carladez et Viadène mais de 36,3 pour la communauté de la Muse et des Raspes du Tarn.

De nombreuses mesures mais pas assez ciblées

Dès la fin des années 1990, les pouvoirs publics ont tenté d'enrayer le phénomène. Des mesures ont été déployées pour mieux organiser les soins de premier recours. Des réseaux de soins ont été mis en place pour faciliter la coopération entre les professionnels de santé. Au plan national mais aussi local, des mesures incitatives ont été votées pour inciter les professionnels de santé pour s'installer voire pour rester sur ces territoires défavorisés.

À partir de 2010, les maisons de santé pluriprofessionnelles ont vu le jour un peu partout. La réduction des inégalités sociales et territoriales en santé relève de la responsabilité de l’État. Depuis une loi de 2005, les collectivités territoriales sont autorisées à intervenir pour soutenir l’installation ou le maintien de professionnels de santé libéraux, dès lors que l’accès aux soins médicaux y est reconnu comme inférieur à la moyenne nationale. Ces mesures locales restent marginales par rapport au national. La Cour des comptes indique que "ces actions peuvent s’avérer utiles et efficaces si elles s’inscrivent en complémentarité des projets médicaux établis par les professionnels de santé et si elles s’insèrent dans un projet territorial cohérent."

Dans l'Aveyron, beaucoup de ces collectivités territoriales ont apporté un soutien à la construction de maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP), avec des fortunes diverses. Le rapport cite la communauté de communes Aubrac, Carladez et Viadène et la communauté d’agglomération de Rodez qui ont été efficaces en s'appuyant sur un projet médical solide.

Le département de l'Aveyron n'a pas été en reste. En 2011 il a créé cellule "Accueil médecin", destinée à permettre la réalisation de stages sur le territoire et à aider à l’installation ultérieure éventuelle des médecins. Le maire de Najac reconnaît qu'il y a aussi "des séjours sportifs pour des jeunes internes une fois par mois. Ils sont reçus à la base de loisirs de Najac. Nous les rencontrons régulièrement pour créer des liens et qu'ils viennent s'installer chez nous".

Le rapport pointe du doigt malgré tout le manque de connaissance de ces mesures et une concurrence parfois malsaine entre communes pour attirer SON médecin.

Des mesures préconisées

Des ateliers d’acteurs, ont été mis en place à Paris, à Nantes, à Périgueux et dans l’Aveyron à Rodez et à Espalion. Il s'agissait de réunir des professionnels de santé (médecins, infirmiers, pharmaciens…) et des institutionnels (associations, ARS, CPAM) pour analyser de manière concrète les soins programmés et ceux qui ne le sont pas pour établir des actions à mener.

  • les aides des collectivités pourraient être recentrées sur les investissements mobiliers et immobiliers, c’est-à-dire la construction, le réaménagement, l’équipement, de maisons de santé
  • il faudrait établir des diagnostics territoriaux concrets, rassemblant l’ensemble des acteurs, sur des indicateurs précis

Sur ce dernier point, ouvrir des MSP ne suffit pas. Il faudrait proposer à tous une solution pour accéder aux soins de premier recours le plus facilement possible. Avec des résultats à atteindre comme diminuer le nombre de patients sans médecins traitants. Tout doit reposer sur un projet médical précis, adapté aux caractéristiques et aux besoins d'un territoire sinon les MSP ne sont que coquilles vides. 

À chaque département de trouver des projets territoriaux d’organisation des soins de premier recours en identifiant les solutions sur-mesure à apporter à chaque bassin de vie.

Des actions ont été engagées par l’ARS d’Occitanie ou la Cpam de l’Aveyron.

  • 31 Maisons de Santé Pluriprofessionneles ont été labellisées fin 2023 dans l'Aveyron par le comité départemental chargé d’approuver les projets de MSP
  • de nouvelles formes de coopération entre professionnels de santé ont été mobilisées, de même que le recours à des assistants médicaux, qui permettent de développer les patientèles

Avec des réussites mises en avant par le rapport comme c'est le cas sur le plateau de l'Aubrac où, malgré des difficultés inhérentes au territoire, la densité en médecins généralistes est restée satisfaisante. Il n'y a pas de solutions clés en main valables partout. La Cour des comptes insiste sur un point ; "les outils qui permettraient à l’ARS, à la Cpam, à la région et au département d’établir un diagnostic précis des territoires ne sont pas disponibles..."

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