Malgré leur fermeture dans les années 1970, les anciennes mines des Cévennes laissent encore des traces. Dans les sols et les cours d'eau, des taux anormalement élevés de zinc, de plomb et d'arsenic ont été relevés. Une pollution qui touche plusieurs communes dans un secteur de plusieurs hectares.
Dans les Cévennes, malgré leur cadre idyllique, certaines communes souffrent d'une contamination à plusieurs métaux lourds. Depuis la fermeture des dernières mines entre les communes de Tornac, Saint-Félix-de-Pallières et Toiras, les sols sont pollués au plomb, au zinc et à l'arsenic.
En 2011, Karin Leclercq et son mari ont construit leur maison à Saint-Félix-de-Pallière. Un havre de paix entouré de ruisseaux et de forêts. Mais le couple est loin de se douter que leur terrain est chargé de métaux lourds. Quelques mois plus tard, ils apprennent que leur maison est à quelques mètres d'une ancienne mine de plomb et de zinc, fermée en 1971.
C'était toutes nos économies, c'était notre premier achat. On a été catastrophé. Le premier réflexe c'est celui de vouloir partir.
Karin LeclercqHabitante de Saint-Félix-les-Pallières
Le dernier exploitant de ces mines a reçu l'obligation par la justice de nettoyer les zones les plus polluées en avril 2024. Car après la fermeture des mines, plusieurs tonnes de déchets ont été laissées sur des hectares d'espaces naturels.
Sur certaines zones, les métaux remontent même à la surface et créent des mares d'eau toxiques. "Avec ce milieu minier et acide, on a des flaques qui ont un PH compris entre deux et trois. Donc si vous trempez votre main ou que quelqu'un tombe dedans, il y a un risque de brûlures graves", prévient François Simon, médecin et ex-président de l'association pour la dépollution.
Dans le secteur, de nombreux cours d'eau sont chargés en plomb, en zinc et en arsenic. Certains de ces composants sont reconnus cancérogènes. François Simon est l'un des premiers médecins à alerter sur la dangerosité de ces déchets. Dans certains endroits le niveau d'arsenic et de plomb dépasse de 600 fois les normes autorisées.
Laisser ça où les enfants viennent se promener, jouer avec le sable, c'est quelque chose de criminel.
François SimonEx-président de l'association pour la dépollution
"Les problèmes pour la santé peuvent être considérables. Maintenant, c'est tout le problème du lien de causalité à démontrer entre la pollution des déchets et les pathologies rencontrées chez les gens. Et ça, malheureusement, c'est très difficile à prouver."
À lire : Pollution d'anciennes mines : le géant belge Umicore va devoir dépolluer des sites dans le Gard
Des conséquences sur la santé ?
Michel Bourgeade s'installe à Tornac en 1980. Mais très vite, sa santé se dégrade et ses cancers l'affaiblissent. Mais jusque-là, aucun lien n'a été établi entre ses pathologies et la pollution minière. Seule certitude, une étude de l'ARS de 2016 révèle que 23% des habitants dépistés présentent des taux anormalement élevés de métaux lourds dans le corps.
Les résultats disent 81,6 microgrammes d'arsenic alors que le taux devrait être à 10. C'est huit fois plus élevé !
Michel BourgeatHabitant de Tornac
Les autorités de santé ont mis en place une série de restrictions pour les habitants concernés. "Ici, c'est invivable, regrette Michel. Je n'ai pas le droit de faire de tranchées, pas le droit de faire de jardin, pas le droit de manipuler la terre, pas le droit d'avoir un locataire. Et si on est malade, c'est de notre faute, parce qu'on n’a pas respecté ces trucs-là."
Certaines zones nettoyées
Afin de nettoyer cette pollution presque invisible, le dernier exploitant a commencé à réaliser des travaux pour contenir la pollution. Sur le site, 3000 tonnes de déchets ont été enfouies sous des bâches et une digue a été construite pour que l'eau de pluie ne s'infiltre plus dans les sols pollués.
"Lorsqu'il pleut, l'eau ne traverse plus les métaux lourds", explique Bruno Weitz, le maire de Saint-Félix-les-Pallières. Une méthode qui permet d'éviter une propagation supplémentaire de ces substances dans le sol. "Il y avait trop de déchets à déplacer. Il valait mieux les laisser sur place."
Une première en France
Un exemple qui fait jurisprudence dans la France entière. "Dans toutes les mines où il y a un exploitant, l'exploitant devra nettoyer et enlever ces déchets", affirme le maire.
Mais cette zone de trois hectares est encore trop restreinte pour les communes touchées par la pollution. Le 18 avril 2024, le Conseil d'Etat a ordonné à l'exploitant belge UMICOR de nettoyer la totalité des zones. Près de 45 000 tonnes de déchets devraient être retirées par camions.
Contactée, l'entreprise UMICOR assure que les travaux devraient commencer d'ici quelques mois. Une première en France qui pourrait permettre à d'autres sites miniers d'être nettoyés.