Avec la fermeture des marchés fermiers, les éleveurs et maraichers ne peuvent plus écouler leurs productions. Rencontre à Saint-Laurent-d’Aigouze dans le Gard, avec Pierre Boze, un petit exploitant agricole au bord de la rupture.
Il y a six ans, lorsqu’il s’est installé à Saint-Laurent d’Aigouze pour élever poules et cochons, Pierre Boze était bien loin de s’imaginer que le coronavirus allait bouleverser sa vie.
Je vends 95 % de ma production sur les marchés dans le coin. Le reste aux restaurateurs. Les restaurants sont fermés, et voilà que les marchés sont interdits. C’est une catastrophe.
Six employés travaillent régulièrement sur son exploitation pour s’occuper des 40 cochons, des 1000 poules et pour aller les vendre sur les étals de la région. "Avec cette interdiction des marchés, couverts ou ouverts, je vais être obligé de mettre quatre de mes employés en chômage technique."
Depuis le début de la semaine, Pierre Boze a mis en place une nouvelle organisation pour écouler ses produits. Avec un maraicher qui vit à côté de son exploitation, et un éleveur de brebis, il a décidé de venir à la rencontre de ses clients. Trois fois par semaine, il compose des paniers complets avec en général une volaille, des légumes, des fruits de saison et des yaourts au lait de brebis, quelquefois du pain, quand il en trouve.
Livrer les clients qui commandent par sms
"Lorsqu’on va à la rencontre de nos clients pour les livrer, on se sent utile. Et puis, consommer local, c’est faire prendre conscience que nous existons, nous les petits paysans. C'est un élan de solidarité et une nouvelle clientèle." Pierre Boze refuse de baisser les bras mais avec seulement une trentaine de paniers par tournée, il ne tiendra pas longtemps financièrement.
Il espère aujourd'hui pouvoir rapidement renforcer ces livraisons, s’associer à d’autres agriculteurs pour élargir la gamme des produits qui trouveront leur place dans les paniers. Et surtout, une fois la crise passé, Pierre espère que ces nouveaux clients ne l’oublieront pas.
Le maire à la rescousse
Laurent Pelissier est le Président de l’intercommunalité qui regroupe les communes de Saint-Laurent d’Aigouze, Aigues-Mortes et le Grau du Roi. Il assure que les agents de la collectivité sont près à distribuer des paniers de première nécessité si besoin.
Dès mardi dernier, il a recensé les personnes isolées et vulnérables sur sa commune, afin de s’assurer de leur bien-être et surtout connaître leurs besoins. Pour lui, cette fermeture des marchés est une aberration.
A Saint-Laurent d’Aigouze, la suppression du marché paysan suscite l’incompréhension du maire de la ville, Laurent Pelissier.
Mercredi matin, le maire de la ville a reçu la confirmation de la préfecture du Gard : Interdiction de tenir le marché, Saint-Laurent d’Augouze n’entre pas dans les critères. Dans le Gard, seules les villes de moins de 1200 habitants, et n’ayant aucun commerce alimentaire sur son territoire peuvent maintenir les marchés. Avec ses 3500 habitants, et son petit supermarché à environ 1 km du centre-ville, Saint-Laurent d’Aigouze n’est pas éligible.
- "Je ne comprends pas cette décision. J’ai dans ma commune, en centreville, des personnes âgées qui ne peuvent pas se rendre au supermarché. C’est trop loin. Depuis le confinement, les étaliers ont pris toutes les mesures de précaution : barrières, gants et surtout, les clients sont servis en toute sécurité."
- "Ce n’est pas tant que le marché soit fermé.... Même si je ne comprends pas bien, je respecte les consignes. Mais surtout je m’interroge sur les conséquences : loin de l'effet escompté, cela ne va-t-il pas tout simplement envoyer plus de monde dans le supermarché de la commune ?"