Schizophrène, selon certains experts, "borderline" selon d'autres, l'état de santé mentale d'Amaury Maillebouis, jugé depuis lundi à Nîmes pour le meurtre de son bébé en 2012, est au coeur des débats devant la cour d'assises du Gard. Est-il malade mentalement ou est-il responsable de ces actes ?
Pour son avocat Laurent Pasquet-Marinacce, Amaury Maillebouis, 25 ans, souffre bien d'une "maladie mentale", dont ses proches, et particulièrement son père, qui appartient à un courant libertaire et antipsychiatrie, ont ignoré "les signes avant-coureurs" pendant des années.
L'avocat énumère une "consommation massive de shit" dès l'adolescence, un "épisode de décompensation" en 2006 qui le conduit une première fois en hôpital psychiatrique, sa "déscolarisation", une "forme d'errance" lorsqu'il part seul en 2008 pour deux ans en Inde, des "crises répétées" et un "discours aujourd'hui totalement déconnecté de la réalité".
Souvent hagard ou débitant à très grande vitesse des paroles incohérentes avec force grimaces, l'état de l'accusé au teint blafard a mis la salle mal à l'aise lundi à Nîmes.
Le jeune homme est né d'un couple "baba cool" dont la séparation a été très conflictuelle.
Même quand il était enfant, c'était lui le seul adulte", résume une amie à la barre.
Anne, la mère du jeune homme, éditrice indépendante à Paris, reconnaît qu'il avait depuis de longues années "des comportements inquiétants, déroutants". Elle le "met à l'écart" dès l'adolescence, dans un studio situé dans l'immeuble où elle vit elle aussi. En décrochage scolaire, Amaury y consomme du cannabis et écrit un roman de science-fiction pendant un an.
Son père, Gilles, qui a eu cinq enfants avec quatre femmes différentes, vit "dans la forêt" à Bessèges, dans le Gard. Il admet être "passé à côté" de son fils et ne pas lui avoir "permis d'exprimer ses difficultés".
"Je le tue ou je me tue"
Un enseignant au lycée français de Pondichéry en Inde, où Amaury Maillebouis a obtenu un bac ES avec mention, parle avec émotion d'un jeune "très intelligent, très seul et profondément tourmenté". Il se rappelle notamment d'une crise de son ex-élève, parti brutalement du lycée vers le nord de l'Inde dans une intention suicidaire.
Après avoir été arrêté pour avoir fracassé le crâne de son fils de huit mois à deux reprises contre le sol le 7 août 2012, Amaury Maillebouis a été interné pendant deux ans à Uzès, dans le Gard.
Deux collèges de trois psychiatres ont diagnostiqué une "schizophrénie paranoïde"
Cette maladie mentale abolit le discernement et ne lui permettrait pas d'être jugé aux assises.
Sur cette base, le jeune homme a été remis en liberté conditionnelle pendant six semaines à l'été 2014, avant que le parquet ne fasse appel, obtenant son incarcération.
Le jeune homme est ensuite renvoyé devant les assises du Gard sur la base des conclusions d'un troisième collège d'experts parlant cette fois d'un état "borderline" ayant seulement "altéré" son discernement.
Marine, 25 ans, tombée amoureuse du jeune étudiant en Deug d'histoire sur les bancs de la Sorbonne-Tolbiac en 2011 ne "croit pas une seule minute" à la maladie mentale de son ex-compagnon, a-t-elle dit à la barre.
La jeune femme, aujourd'hui étudiante en management, dit pourtant avoir quitté avec son fils Ambroise en mai 2012 le studio qu'elle partageait avec Amaury parce qu'elle avait "peur de ses crises d'une violence inimaginable". Son ex-compagnon, "plantait des tournevis dans des dictionnaires, cassait des objets" et disait à propos du bébé dont il avait mordu la joue: "Je le tue ou je me tue".
Le 7 août 2012, Marine avait accepté de venir à Bessèges pour qu'Amaury puisse voir son enfant. Mais quatre heures après son arrivée, après une dispute, "il l'avait tué et s'était enfui dans la forêt", raconte-t-elle.
Si son ex-compagnon ne souffre pas de maladie mentale, comment la jeune femme explique-t-elle son geste meurtrier? Il était, a-t-elle dit aux enquêteurs, comme "un enfant jaloux cassant le jouet d'un autre".
Le verdict est attendu mercredi. Amaury Maillebouis encourt la réclusion criminelle à perpétuité.