Le principal prévenu dans le procès des fusillades dans le quartier sensible de Pissevin, à Nîmes, est passé aux aveux. Huit hommes sont jugés jusqu'à vendredi à Marseille. C'est dans ce même quartier que le jeune Fayed, 10 ans, avait perdu la vie l'été dernier, victime collatérale de la guerre entre narcotrafiquants.
"J'ai joué un rôle d'acteur, celui du patron qui veut récupérer son terrain": le principal prévenu au procès de trois fusillades à la cité Pissevin à Nîmes, autour d'un +plan stups+ disputé par deux gangs, est passé aux aveux mercredi 13 décembre, niant cependant avoir voulu tuer.
Pierre Guest, alias "Pierrus", avait toujours contesté le moindre rôle dans ces coups de force conduits par des commandos armés en janvier et février 2020, dans cette même cité Pissevin où Fayed, 10 ans, a perdu la vie cet été, victime collatérale sur fond de guerre de territoire entre narcotrafiquants.
Devant le tribunal correctionnel de Marseille, où huit hommes de 24 à 38 ans sont jugés jusqu'à vendredi, ce Nîmois de 36 ans a reconnu sa participation "aux préparatifs de la deuxième fusillade", depuis sa cellule de la prison de Béziers. Ce jour-là, au moins 44 tirs avaient terrorisé les clients de la galerie commerciale au pied des tours.
Reprendre en main le point de vente
Vêtu d'un t-shirt sérigraphié "Boss" en doré, "Pierrus" a expliqué qu'après la première fusillade il avait joint "le collègue du quartier qui avait commandité ces faits". Ce dernier lui aurait alors expliqué que les nouveaux gérants du réseau de Pissevin avaient "une mauvaise mentalité, ne respectaient pas les gens du quartier", d'où son souhait de reprendre en main ce point de vente.
Confronté par la présidente, Patricia Krummenacker, aux nombreux messages explicites trouvés dans son téléphone, Pierre Guest a reconnu le recrutement de deux hommes venus des Hauts-de-France pour renforcer le commando, ainsi que l'achat de véhicules volés auprès de Farès Saadi, un autre prévenu, également fournisseur d'armes. "Je suis quelqu'un d'organisé et de minutieux", s'est justifié le prévenu, expliquant s'être "senti quelqu'un" en se donnant ce "rôle de préparateur": mais "je suis dégun (NDLR: pour rien) dans cette histoire", "en voyant Gomorra et des films de voyous, je me suis identifié à eux, je me suis monté la tête en me donnant un rôle de caïd".
Questionné sur les messages évoquant clairement l'assassinat des deux gérants de Pissevin, Pierre Guest s'est par contre défendu d'avoir commandité des règlements de comptes: "Quand je parle de les +fumer+, je savais très bien que mon collègue du quartier ne voulait pas les tuer. D'ailleurs ces personnes n'ont pas été blessées ni tuées".
"Un coup de force pour faire peur"
Projet de kidnapping du gérant, consignes d'"en mettre un, direct, dans la tête du charbonneur", ou "deux dans les genoux des guetteurs, pour qu'ils restent handicapés à vie": "Je suis allé trop loin dans mes propos", se justifie-t-il, évoquant seulement "un coup de force pour faire peur". "Vous savez, Madame la juge, c'est comme un acteur qui commence une série, qui prend le rôle, j'ai continué à le faire", insiste "Pierrus", reconnaissant désormais être "impliqué à 100 % dans la deuxième fusillade".
Confronté à des messages antérieurs à la première opération du 12 janvier 2020, il lâche aussi du lest: "La première fusillade, j'en ai pas le souvenir, mais peut-être que j'ai été logisticien". "Ces modifications de versions donnent le sentiment que vous n'êtes pas franc", lui oppose alors un assesseur.
A ces aveux surprise ont répondu mercredi les contestations déterminées de Nadir Hadjal, 29 ans, suspecté par l'accusation d'être le puissant patron du point de vente du Mas de Mingue, une autre cité nîmoise, et d'avoir été le relais extérieur de Pierre Guest.
Le réseau du Mas de Mingue a été mis en cause mi-novembre par le procureur de la République de Marseille comme pouvant être impliqué dans la mort de Fayed et dans l'exécution d'un jeune homme de 18 ans, toujours à Pissevin, 48 heures plus tard.
Écrit avec l'AFP.