C'est le plus gros avion commercial du monde. L'A380 a fait la fierté d'Airbus pendant 15 ans. Le géant des airs est victime de son principal atout : sa taille, et subit un atterrissage forcé avec la crise du Coronavirus. Le dernier exemplaire assemblé à Toulouse sortira des hangars en 2021.
Il est le plus gros avion commercial au monde et peut-être également le plus médiatisé. L’A380 est né dans les bureaux d’Airbus à Toulouse. Un rêve industriel européen qui devait emporter dans le ciel à moindre coût, des milliers de passagers.
Il prend son envol officiel le 27 avril 2005 devant 50000 spectateurs, réunis pour voir s’élever dans le ciel les 500 tonnes de ce paquebot des airs.
Un avion hors norme
Le super-jumbo fascine les amoureux de l’aviation et les spécialistes de l’aéronautique. Avec ses 73 mètres de long et ses 80 mètres d’envergure, il doit révolutionner le transport aérien. Il peut faire voyager de 575 à 850 passagers, grâce aux 550 m2 de sa cabine. A l’époque l’avenir est aux échanges commerciaux et au trafic aérien, les gros porteurs sont un atout industriel.
Au passage l’A380 prend l’ascendant sur son principal concurrent, le mythique 747, produit par l’américain Boeing.
Un fleuron de l’industrie Européenne
Le quadriréacteur est plébiscité par les compagnies aériennes. 251 Avions seront commandés au cours de ses années d’exploitation : Singapore Airlines et Air France seront parmi les premiers clients, suivront Emirates Lufthansa, Qantas et des compagnies chinoises. L’avion est assemblé à Blagnac, mais sa construction est européenne, les différentes pièces sont usinées dans 4 pays : la France, l’Espagne, le Royaume-Uni et l’Allemagne.
2 ans plus tard, en octobre 2007, Le premier vol commercial de l’A380 sous la bannière de la Singapore Airlines est un évènement et un succès. L’avion relie Singapour à Sydney en moins de 8 heures. La notoriété d’Airbus et son savoir-faire européen sont un exemple. Chaque compagnie va médiatiser à sa façon le vol de son premier Super Jumbo.
Un géant fragile
Mais son atout principal, son gigantisme nuit à sa flexibilité. L'appareil ne peut pas se poser n'importe où. Avec ses deux ponts, il requiert des installations aéroportuaires spécifiques pour l'embarquement et le débarquement des passagers.
L'A380 offre le meilleur coût par siège du marché à condition d'être rempli à 100%, selon Sébastien Maire, expert aéronautique au cabinet Kea & Partners. Ce qui était loin d'être évident sur de nombreuses liaisons en dépit de la congestion d'aéroports comme Londres ou Los Angeles.
En lançant le projet d'A380, Airbus avait misé sur le développement des "hubs" des mégapoles, desservis par un avion de très grande capacité. Un pari raté pour l'avionneur européen dans un marché des gros-porteurs qui était déjà en surcapacité avant la crise.
Airbus, enfin, n'avait pas vu venir le tournant des biréacteurs long-courrier de moyenne capacité, comme le B787 "Dreamliner" de Boeing qui mise alors sur le développement du point-à-point, c'est-à-dire des liaisons directes. L’avionneur européen a depuis répliqué avec succès grâce à son A350.
La crise sanitaire porte le coup de grâce à l’A380
Le mois de mars va finir d’assombrir l’avenir de l’appareil. La crise, due au coronavirus, met les compagnies aériennes à genoux. Avec leurs flottes clouées au sol, elles voient leurs revenus chuter de 55% en 2020 par rapport à 2019, selon l'Association internationale du transport aérien (Iata). Et le trafic ne devrait pas retrouver son niveau d'avant-crise avant deux à trois ans, estime le patron de Boeing, David Calhoun. Autant de perspectives qui les conduisent à revoir leurs futurs programmes de vols.
Le plus gros avion du monde qu'elles jugent peu rentable est le premier à en subir les conséquences. Tandis que fin avril, Airbus dévoile une perte nette de 481 millions, l'A380, son vaisseau amiral, dont la fin de la production avait été annoncée en février 2019, est touché de plein fouet par la pandémie et l'effondrement du trafic.
Les compagnies le clouent au sol
Après la compagnie allemande Lufthansa qui explique début avril qu'elle compte retirer de sa flotte ses six A380, c'est au tour d'Air-France KLM d'annoncer le 20 mai dernier l’arrêt de l'exploitation de ses neuf appareils. Le transporteur franco-néerlandais ne fait alors que confirmer ce qu’il avait expliqué en juillet 2019 : le géant des airs, gourmand en kérosène et plus polluant que les dernières générations d’avions long-courriers n’est pas assez rentable, il allait cesser de le faire voler fin 2022.
Seul le plus important exploitant du "Super Jumbo" la compagnie Emirates, a assuré qu'il comptait faire voler à nouveau l’intégralité de sa flotte. L’annonce était attendue. Ses 115 A380 seront progressivement remis en service jusqu’en 2022. Heureux renversement de son président Tim Clark qui avait affirmé il y a quelques semaines, qu'avec la pandémie l'A380 était "fini".
Un fleuron européen, et un échec commercial
Le dernier A380 sortira des hangars d’Airbus en 2021. Un véritable pincement au cœur pour ses admirateurs, mais surtout, un futur défi économique et social pour Airbus. Le programme emploie 700 personnes, rien qu’à Toulouse, sans compter les sous-traitants.
Le dernier convoi de l’A380 devrait arriver à Blagnac entre le 22 et le 25 juin. Les derniers tronçons de l’A380 sont partis de Saint Nazaire ce lundi.
Depuis le démarrage du programme 251 exemplaires ont été commandés par 14 clients. Le Super Jumbo reste un avion spectaculaire, un fleuron industriel apprécié par les passagers pour son confort.
L’avion, dont les coûts de développement ont représenté plus de 18 milliards de dollars, était vendu à 445,6 millions de dollars au prix catalogue 2018, le dernier publié par Airbus.
L’avionneur le reconnait, l’A380 a été un échec commercial : « mais cela nous a beaucoup appris sur l'A350 et nous a permis de changer de stature internationale sur le long-courrier" face à Boeing, expliquait le président exécutif d'Airbus, Guillaume Faury, devant les sénateurs français début mars.
"Le marché des très gros porteurs long-courriers tels que l'A380 est probablement derrière nous", avait-il ajouté. On s'oriente selon lui "vers des avions plus petits, plus efficaces d'un point de vue environnemental et plus adaptés à la cyclicité du remplissage des avions".