Accusé d’abus sexuel, de corruption de mineur et de viol, un ancien directeur d’un lycée catholique aveyronnais écarté par sa direction, a été muté dans un établissement privé de Toulouse, en tant qu’enseignant. Une décision qui suscite l’inquiétude de la famille du plaignant.
Pour les parents de Simon*, c’est l’incompréhension. Ces habitants d’une commune du nord de l’Aveyron ne cachent pas leur inquiétude, depuis qu’ils ont appris que Monsieur B., 39 ans, a été réaffecté par le rectorat de Toulouse dans la Ville rose comme enseignant d’histoire géographie au lycée privé Emilie de Rodat, à la rentrée. En février dernier, la famille de Simon a porté plainte contre cet ancien directeur du collège-lycée aveyronnais de l’Immaculée conception à Espalion qu’il dirigeait depuis 2017, pour des faits présumés d'« abus sexuel », et de « corruption de mineur ».
L'enseignement privé secoué
Simon, alors élève de seconde et âgé de 16 ans au moment des faits présumés, a lui aussi porté plainte en son nom, quelques semaines plus tard. L’affaire avait secoué le monde de l’enseignement privé au printemps dernier lorsque la direction diocésaine de l’enseignement catholique avait expliqué, dans une lettre adressée aux parents d’élèves révélée par Centre Presse et Midi Libre, pourquoi le directeur de l’Immaculée Conception ne reviendrait pas.
Absent de ses fonctions depuis le retour des vacances d’hiver suite au dépôt de la plainte le 28 février 2023, la Direction diocésaine par la voix de son directeur Nicolas Sènes, avait choisi de prendre "des mesures conservatoires". Une rupture conventionnelle avait alors été actée alors que le parquet de Rodez venait d’ouvrir une enquête préliminaire.
À ce jour, celle-ci n’est toujours pas close, ce que confirme à France 3 Occitanie, le procureur, Nicolas Rigot-Muller. Elle s’apprête à franchir une nouvelle étape avant la fin de l'année. Les gendarmes, qui l'ont en charge, ont en effet, récemment analysé les données du téléphone portable et de l’ordinateur du mis en cause, après avoir aussi examiné celles du portable du plaignant, au début de leurs investigations. Les résultats de cette analyse technique, prochainement transmis pour étude au parquet, sont donc déterminants pour la confirmation et la caractérisation des faits, ou non, reprochés à M. B.
90 000 messages entre le directeur et l'élève
Pour Marie*, la mère de Simon, ils ne font aucun doute. « Quand les gendarmes ont analysé le téléphone de Simon, ils y ont découvert 90 000 messages en 11 mois ! 90 000 ! En gros M. B., tenait notre fils sous sa coupe toute la journée. Il l’appelait même avant de s’endormir. Il lui disait qu’il l’aimait, qu’il voulait l’épouser ! Pour nous, cela relève d’une véritable emprise. »
Selon Simon, ces relations sexuelles qui n'auraient pas été consenties ont eu lieu à partir de septembre 2022, quelques mois après la multiplication des SMS. Selon sa mère Marie, Mathieu B., ami de la famille, qui lui avait même trouvé un travail, utilisait toutes les occasions pour se rapprocher de lui. Au bout de plusieurs mois, Simon, qui avait changé d’établissement, révèlera son lourd secret à ses sœurs. Ces dernières en informeront immédiatement leurs parents. "Avant de porter plainte, nous avions discuté avec notre fils pour savoir s’il s’agissait d’une relation consentie, s’il était homosexuel. Ce n’est pas le cas", affirme encore Marie.
Plainte pour viol
Aucune poursuite judiciaire actée à ce jour, ni en septembre dernier, "Monsieur B. a donc participé au mouvement en qualité d’enseignant et, à ce titre, a obtenu une affectation au lycée Emilie de Rodat à la rentrée scolaire 2023", confirme le rectorat pour expliquer sa mutation. "Mais pourquoi ne pas le laisser dans un bureau sans contact avec des élèves ?", s’inquiète Marie, qui après lecture de la dernière déposition de son fils, a elle aussi porté plainte pour viol, cette fois, en juin dernier.
Pour mettre en place des mesures de sûreté, "il faut soit l’ouverture d’une information judiciaire, ou qu’on saisisse le tribunal et que l’on demande, à un juge des libertés, le placement sous contrôle judiciaire avec interdiction d’interaction avec les mineurs", précise à nouveau le procureur. Il en est de même quant à la communication à un établissement, ajoute Nicolas Rigot-Muller : "On doit informer les établissements scolaires, lorsqu’il y a une mise en examen ou lorsqu’il y a une convocation en justice. Ce qui n’est pas le cas à ce jour, déclare encore le procureur, qui estime que l’affaire n’est pas si simple. Nous sommes dans le cadre d’une enquête qui est un petit peu complexe, on essaie qu’elle soit la plus complète possible pour décider", conclut-il. Mathieu B. est toujours présumé innocent. Dans la presse locale, l'ancien directeur a contesté à plusieurs reprises la version de son ancien élève. Joint par France 3 occitanie, son avocat, Me Maxime Bessière, se refuse à tout commentaire.
(*Les prénoms ont été modifiés)