Le militant pour l'aide aux migrants présentera "Libre" le film qui raconte sa vie, ce soir à l'American Cosmograph de Toulouse et demain à l'Utopia de Tournefeuille. Le paysan de la vallée de La Roya va aussi rencontrer des mineurs isolés et visiter des lieux où la solidarité s'organise.
Quelle est l'intention du film "Libre" que vous venez présenter à Toulouse ?
C'est l'histoire de ma vie, de celle d'un paysan qui a réagi face à la détresse des migrants en les accueillant chez lui. Vous savez, j'habite dans une vallée franco-italienne. Le bas de la vallée est en Italie, le haut en France. Chacun réagit comme il peut. Dans un village voisin du mien, Saorge, vit Michel Toesca, le réalisateur du film. Son premier réflexe à lui, a été de prendre sa caméra dès que tout ça a commencé. Ce film, c'est la caméra embarquée de ce qu'il s'est passé dans la vallée de la Roya. C'est un film politique et pas un film militant. L'Etat français nous fait croire qu'il ferme la frontière franco-italienne contre le terrorisme alors qu'il la ferme tout simplement contre l'immigration.
Ce mercredi à Toulouse, vous allez rencontrer des mineurs isolés qui sont aidés par des associations. Que vous apporte ce type de visites ?De façon générale aujourd'hui, on essaie de nous montrer une France raciste, refermée sur elle-même"
Tout d'abord de me rendre compte que les Alpes-Maritimes c'est la préhistoire des droits humains. De façon générale aujourd'hui, on essaie de nous montrer une France raciste, refermée sur elle-même. Mais il y a aussi une France qui accueille. Le but du film est d'y sensibiliser aussi la plus grande majorité. Il faut bien faire la distinction entre le nationaliste et le patriote. Le nationaliste est celui qui se recroqueville et se referme. Le patriote est celui qui est bien chez lui mais avec ses valeurs que sont la liberté, l'égalité et surtout la fraternité.
Vous vous mobiliserez également aux côtés de Resf Toulouse (Réseau Education Sans Frontières). Est-ce que de votre point de vue, la situation se tend de plus en plus, notamment pour les enfants étrangers ?
Ça se tend surtout du côté des politiques qui fédèrent par la peur. La politique est devenue une profession plus qu'un don de soi. Actuellement les procédures de demande d'asile sont bâclées. Certaines personnes vont donc rester dix ou vingt ans en situation irrégulière. Comment on envisage la société de demain si ces enfants ne peuvent pas être scolarisés ? Et qu'est-ce qu'on montre à nos propres enfants ? Que voulez-vous qu'un enfant issu de cette immigration actuelle comprenne, dans quelques années, quand ses parents vont lui raconter qu'ils ont été accueillis par des cordons de CRS et des fumigènes alors que lui, à l'école, en instruction civique, on lui apprenait que le racisme était interdit ? On parle de terrorisme sur notre propre sol, de gamins entre deux mondes dont l'intégration ne s'est pas bien faite. Mais on reproduit la situation contre laquelle on est censé se prémunir. Et sous ce prétexte, on continue à fermer nos frontières.
Ce mardi matin à Paris le Conseil Constitutionnel examine un recours que vous leur avez soumis. De quoi s'agit-il ?N'est-on pas hors-la-loi quand on n'intervient pas pour aider une personne en danger ?"
C'est une Question Prioritaire de Constitutionnalité. il s'agit de savoir si la loi sur le "délit de solidarité" est constitutionnelle par rapport à notre devise : Liberté, Egalité, Fraternité. La question a été posée. Elle a été prise en considération par les sages. Après qu'en feront-ils ? Vous savez, il y a un moment dans la vie où on oublie la notion de fraternité. Moi-même, je l'avais oublié jusqu'à ce qu'elle reprenne tout son sens comme aujourd'hui. Quand on voit un noir au bord de la route, est-ce qu'on doit se demander s'il a des papiers ? On court le risque que des personnes aidantes n'interviennent plus parce qu'elles ont un doute. Or n'est-ce pas là qu'on est hors-la-loi, quand on ne vient pas au secours de quelqu'un qui est en danger ?
Vous habitez donc à la frontière italienne. Quel regard portez-vous sur l'évolution politique de ce pays et ses prises de positions récentes face aux migrants ?Je ne pense pas que les français aient envie de la mort de certains hommes"
La question de l'Italie, on l'a créée. On l'a abandonnée. On s'est servi de l'Italie pour faire une barrière. Donc voilà comment elle réagit maintenant. Mais j'espère surtout que l'Europe va réagir positivement. Il n'y a qu'à son échelle que la question se réglera. Que le débat s'ouvre ! Et puis il ne faut pas oublier que 96% des migrants africains sont gérés par des pays africains. Chez moi, j'ai des soudanais, des érythréens qui n'ont jamais demandé à venir ici. Ils y ont été obligés. Enfin, quel que soit leur opinion ou leur parti politique, je ne pense pas que les français aient envie de la mort de certains hommes.
Où en êtes-vous des procédures judiciaires que vous a valu votre aide aux migrants ?
J'ai une procédure actuellement en cassation d'où la QPC évoquée plus haut. On m'a également signifié une mise en examen le 23 juillet dernier dont j'attends les suites. Enfin, j'ai appris qu'Eric Ciotti (NDLR : Président LR du Conseil Départemental des Alpes Maritimes) aurait porté plainte contre moi. Quoi qu'il en soit, je n'ai plus le droit d'approcher les gares SNCF ou de sortir du pays.