Plus d’un an après le début de l’épidémie, les connaissances sur le Covid du grand public comme du corps médical évoluent en permanence. Mais cela suffit-il à justifier certaines fausses informations ? Y compris véhiculées par des médecins eux-mêmes ? Des spécialistes nous répondent.
« Il est difficile pour la population de se faire une idée dans toutes les infos qui circulent sur le Covid. Pour les médecins, c’est la même chose » pose en préambule le docteur Jean Thevenot. « La première chose est de savoir où regarder pour avoir les bonnes infos : Haute Autorité de Santé, Agence Régionale de Santé, collèges des différentes spécialités » développe le président du conseil de l’ordre d’Occitanie.
Des croyances contre les faits
« Parmi les médecins comme dans la population en général, il y a certaines personnes plus dogmatiques que scientifiques, c’est-à-dire qui se basent plus sur des croyances que sur des faits » poursuit le gynécologue. « Mais attention, nous avons une obligation déontologique de donner des informations fiables aux patients, c’est l’article 13 qui le dit ».
Lorsque le médecin participe à une action d’information du public à caractère éducatif, scientifique ou sanitaire, quel qu’en soit le moyen de diffusion, il ne fait état que de données confirmées, fait preuve de prudence et a le souci des répercussions de ses propos auprès du public. Il ne vise pas à tirer profit de son intervention dans le cadre de son activité professionnelle, ni à en faire bénéficier des organismes au sein desquels il exerce ou auxquels il prête son concours, ni à promouvoir une cause qui ne soit pas d’intérêt général.
Mais le code de déontologie, comme le code de la route, s’oublie parfois au fond d’un tiroir.
Voici ce que raconte une urgentiste du CHU de Toulouse dans les colonnes de Libération : « Quand vous emmenez directement un grand-père en réanimation et que la famille brisée vous dit : « Ah bon, carrément une intubation ? Mais le docteur X à la télé disait que le virus n’était pas dangereux ». Ça fait très mal ».
La vérité du terrain
« La parole des médecins n’est pas anodine » explique Julie Oudet dans le quotidien national. « Derrière ce sont de vrai gens qui sont malades pour de vrai, hospitalisés pour de vrai et morts pour de vrai » confie l’urgentiste à Anaïs Moran.
Jérôme Marty partage cette colère. Ce généraliste, aussi responsable de clinique en banlieue toulousaine fulmine. « Quand je vois certains confrères se pavaner sur les plateaux télé… Nous on essaie de soigner, on rame. Ces gens-là, eux, ne sont jamais passés par la maladie. Ils n’ont jamais vu de patients basculer en deux minutes ! » s’emporte le président de l’Union Française pour une Médecine Libre.
Des préconisations qui peuvent changer
Et puis parfois, au fil des connaissances sur le virus, les préconisations des sociétés savantes changent. « Moi par exemple, je suis gynécologue resitue Jean Thevenot. En l’absence d’études, j’évitais de vacciner les femmes enceintes. Aujourd’hui j’ai des recommandations nouvelles, je vais donc leur préconiser la vaccination. Il y a deux mois je leur disais « on ne sait pas ».
Le « fantasme vaccinal », comme le qualifie le docteur Vincent Bounes, reste sans doute le plus actif actuellement. Un fantasme qui fonctionne d’ailleurs dans les deux sens. « Je vois arriver certaines personnes de 20 ou 30 ans parce que leur médecin leur a dit « allez au grand centre, là-bas ils vous vaccineront » raconte le chef du SAMU toulousain qui œuvre actuellement au vaccinodrome de l’ile du Ramier.
Quand je lui ai demandé pourquoi il ne se faisait pas vacciner, il m’a répondu que son médecin lui avait dit de se méfier
« Mais ce matin, j’avais aussi un accompagnant qui cochait toutes les cases pour développer une forme grave de Covid. Et quand je lui ai demandé pourquoi il ne se faisait pas vacciner, il m’a répondu que son médecin lui avait dit de se méfier » soupire l’urgentiste. « Et encore nous avons la chance d’être un centre qui vaccine au Pfizzer, et ça c’est un grand confort ! »
Le médecin fait référence à la polémique qui entoure encore le vaccin Astra Zenecca, autorisé, puis retiré, puis ré-autorisé finalement que sur une certaine catégorie d’âge. « D’abord c’est extrêmement difficile de comprendre ce qu’est un vaccin à ARN messager, y compris pour nous médecins. Ensuite, quand on ne sait pas, il faut dire qu’on ne sait pas. Enfin, il faut reconnaître que les critères d’accès à la vaccination du gouvernement ne sont pas toujours claires» explique Vincent Bounes.
On peut faire des erreurs mais avec plus de 16 mois de recul sur cette épidémie, je doute de la bonne foi de certains
« On peut faire des erreurs mais avec plus de 16 mois de recul sur cette épidémie, je doute de la bonne foi de certains. Sur les réseaux sociaux, il y a une influence importante sur le doute vaccinal comme celle menée par Louis Fouché » affirme Jérôme Marty. « Ces gens-là ont une responsabilité qu’il faudra traduire un jour » prévient le médecin de Fronton qui évoque aussi « des pseudos-traitements » recommandés par des « gourous ».
Et parfois le doute s’insinue. « Une des situations emblématiques, c’est celle de Didier Raoult » expose Jean Thevenot. « Je suis sûr que certains médecins ont prescrit de l’hydrochlorochine en toute bonne foi. Mais à partir du moment où il n’y a qu’un centre qui travaille dessus et que ce n’est pas recommandé mieux vaut s’abstenir ».
Et le président du conseil de l’ordre des médecins d’Occitanie de se référer à un autre article du code de déontologie :
ARTICLE R.4127-32
Dès lors qu’il a accepté de répondre à une demande, le médecin s’engage à assurer personnellement au patient des soins consciencieux, dévoués et fondés sur les données acquises de la science, en faisant appel, s’il y a lieu, à l’aide de tiers compétents.
Jérôme Marty, lui, n’en démord pas : « certains ont pactisé avec l’ennemi. Il faudra analyser leurs prises de positions et les sanctionner » assure-t-il. Avant de rajouter : « Et ceux-là, mieux vaut qu’on ne me les mette pas en face sur un plateau télé, sinon je leur dirai ce qu’il faut ». A bon entendeur.