54 objets fabriqués en os de baleine ont été identifiés au nord de l’Espagne, âgés de 18000 ans pour les plus anciens. Une découverte scientifique révélée dans une étude menée par des chercheurs français et espagnols dont le laboratoire TRACES-CNRS de l’Université Toulouse Jean-Jaurès.
Autour du Golfe de Gascogne, les hommes préhistoriques n'étaient apparemment pas que des chasseurs-cueilleurs. C’est ce que révèle, en partie, l’étude menée par des chercheurs français et espagnols, dont le laboratoire TRACES-CNRS(Travaux de Recherches Archéologiques sur les Cultures et les Espaces et les Sociétés) de l’Université Toulouse Jean-Jaurès. Le projet nommé "Paleocet" dirigé par le chercheur toulousain Jean-Marc Pétillon, qui a fait appel à une quinzaine de scientifiques et archéologues internationaux, a été financé par l’agence nationale de la recherche française(ANR).
L’étude signale la découverte de 54 artefacts (objets façonnés par l'homme et découverts à l'occasion de fouilles archéologiques) fabriqués en os de baleine, vieux de 18 000 ans pour les plus anciens. Des objets identifiés dans les collections archéologiques de la côte nord atlantique de la Péninsule ibérique.
Il s’agit des plus anciens objets fabriqués en os de baleine retrouvés dans la Péninsule ibérique. Cette découverte réaffirme, l’importance des ressources marines dans la subsistance de ces populations nomades et à travers la circulation de ces objets dans la région Pyrénéo-cantabrique, l’étude confirme l’existence de vastes réseaux de communication autour du Golfe de Gascogne"
précise Alexandre Lefebvre, archéologue associé au projet.
18 000 ans : découverte des plus anciens objets fabriqués en os de baleine
Une étude qui relance l’hypothèse d’une "antériorité des premières économies littorales dans cette partie de l’Europe à la fin de la dernière glaciation", explique Alexandre Lefebvre
Dans l’esprit commun, les hommes préhistoriques étaient des chasseurs-cueilleurs qui vivaient de l’exploitation des ressources terrestres. Cette étude, publiée dans revue Quaternary Science Reviews, démontre que les Magdaléniens avaient aussi une vie littorale.
Les sites archéologiques côtiers à l’époque de l’exploitation des baleines par les chasseurs-collecteurs magdaléniens sont sous l’eau aujourd’hui, les objets ont été retrouvés dans des collections archéologiques qui proviennent de grottes situées à plusieurs kilomètres du paléo-rivage. De nombreuses collections archéologiques conservées dans les musées ont été analysées par cette équipe pluridisciplinaire. "Des objets qui provenaient de fouilles anciennes. Il a d’abord fallu identifier la nature de la matière première de ces objets qui avaient été jusque-là identifiée comme bois de cervidé ou comme os de mammifère terrestre", précise l’archéologue.
Dans l’esprit commun, les premières relations entre les hommes et les baleines remontent généralement aux premières traces de chasse à la baleine, en particulier en Corée du sud il y a plus ou moins 7000 ans. "Nous ne sommes en revanche pas sûr que les Magdaléniens la chassaient il y a 18 000 ans. On a peu de données, on tâtonne encore, on sait qu’ils exploitaient et fréquentaient le milieu marin mais on n’a pas de trace de chasse à la baleine ".
Afin de savoir si cette utilisation ancienne des os de baleine comme matière première est un phénomène qui s’est limité au massif pyrénéen, ou s’il fut plus amplement partagé par l’ensemble des communautés atlantiques, les chercheurs ont pisté la présence d’objets fabriqués en os de baleine dans les Cantabres au nord de l’Espagne. C’est ainsi que les 54 objets ont pu être identifiés.
Affiner la datation
L’âge des objets identifiés est estimé selon l’âge des couches archéologiques dans lesquels ils ont été trouvés.
Lorsque l'on a récupéré toutes les dates on a estimé l’âge dans une fourchette de 17 8OO ans à 15 500 ans. La prochaine étape du projet est d’affiner l’âge de ces objets, et préciser nos estimations. Pour se faire, nous sommes en train de mener une campagne de datation en laboratoire ciblée sur certains des objets qui seront datés directement.
Une première partie du projet a donc consisté à dater les pièces dans les laboratoires.
Identification des espèces de baleines
Les hommes préhistoriques, plus précisément les Magdaléniens, exploitaient les os de baleine "on en est sûr mais on ne sait pas quelles espèces vivaient à cette période dans le Golfe de Gascogne", précise l'archéologue. La troisième phase du projet consistera à prélever des échantillons osseux sur les objets pour identifier les espèces de baleine. "Les résultats vont permettre de déterminer l’évolution naturelle des espèces dans le Golfe de Gascogne et quelles sont les espèces que les hommes préhistoriques ont connues et exploitées".
Les baleines ont des modes de vies différents selon leurs espèces, certaines peuvent vivre en pleine mer, quand d’autres fréquentent provisoirement la côte pour se nourrir ou se reproduire. L’analyse permettra de donner des informations sur d’éventuelles chasses à cette période ancienne.
Déplacement dans le golfe de Gascogne il y a 18 000 ans
L’étude confirme des liens existants entre les sites français et Espagnols. "Il y a eu circulation des objets dans la région Pyrénéo-cantabrique", on ne sait pas si ce sont les hommes préhistoriques qui ont bougé ou si ce sont les objets qui ont circulé mais dans tous les cas "l’étude confirme l’existence de vastes réseaux de communication structurés autour du golfe de Gascogne", conclue Alexandre Lefebvre.