L'observatoire toulousain des pratiques policières a rendu un rapport dans le cadre des oppositions qui concerne le chantier de l'autoroute Castres-Toulouse. Pascal Gassiot de la fondation Copernic dénonce une entrave au travail d'observateur et raconte le durcissement du recours à la force.
L’Observatoire toulousain des Pratiques Policières (OPP) vient de rendre public son quatrième rapport après ceux de 2019, 2021 et 2023. Depuis 7 ans, l’OPP observe, documente et analyse les pratiques policières lors des manifestations.
Ce quatrième rapport concerne l'action de la gendarmerie et de la police dans le cadre des mobilisations contre l'autoroute A69 entre Castres et Toulouse.
A 69 : un contexte particulier
Durant six semaines d’observation, l’OPP s’est intéressé à la façon dont les forces de police et de gendarmerie géraient ce mouvement d'opposition. Pascal Gassiot de la fondation Copernic, l’une des trois composantes de l’OPP avec la Ligue des droits de l’homme et le Syndicat des avocats de France explique :
"La première raison est sans doute la proximité et la nature très particulière sur ce qui s’est passé autour de l’A69. On a une quinzaine de personnes qui occupent des arbres pour s’opposer à leurs abattages. Face à ça, les premières informations qui nous remontent, c’est un déploiement de policiers de plus en plus notable et fort. On avait déjà couvert les manifestations de l’A69 sur place, donc à partir de là, on s’est dit qu’il fallait que l’on aille voir ce qu'il se passe dans ce bois de la Crémade et ce déploiement de policiers dont on nous fait part."
Un durcissement des forces de l'ordre
Pascal Gassiot poursuit : "Dans un premier temps, les manifestations n'étaient pas énormes en nombre, nous avons constaté le déploiement policier sans vraiment une différence de ce que l’on constate habituellement."
Mais tout a basculé au moment de l’évacuation, ce 15 février, les policiers sont intervenus avec violence pour dégager l’ensemble des soutiens au sol.
Pascal Gassiot, fondation Copernic
Avant ce 15 février 2024, l'OPP observait relativement librement ce qui se passait sur ce petit territoire. "Mais à partir du 15 février on nous a systématiquement interdit de nous approcher de près ou de loin du dispositif que les policiers avaient mis en place", révèle Pascal Gassiot. "Au début, on pouvait se rapprocher relativement près et après on était parqué comme les journalistes et l’ensemble des personnes qui étaient présentes derrière le passage à niveau."
On a vu systématiquement les policiers et les gendarmes, qui étaient présents massivement, nous empêcher de nous approcher, de documenter et de pouvoir discuter, on était une entrave.
Pascal Gassiot, fondation Copernic
Le plus significatif "était la militarisation du maintien de l’ordre et du déploiement de gendarmerie et de policier, le déploiement de blindés, d’unités de gendarmerie de toute nature, de compagnie de CRS mais aussi l’utilisation de l’ensemble de l’armement à la disposition de la police française et de la gendarmerie", souligne l'observateur. Et Pascal Gassiot ajoute : "Ils ont fait un usage absolument immodéré et absolument non proportionnel de la force et de tous les moyens militaires qu’ils ont en œuvre."
On a vu utiliser les lanceurs de balles de défense, les grenades explosives, les grenades à fragmentation.
Pascal Gassiot, fondation Copernic
Entrave au travail des observateurs
Voilà 7 ans que l’observatoire des pratiques policières existe et Pascal Gassiot constate que des paliers successifs sont franchis dans ce qu'ils appellent "la militarisation du maintien de l’ordre en France".
"Mais la caractérisation supplémentaire c’est la notion d’entrave à l’observation. On nous a empêchés comme pour les journalistes de faire notre travail de documentation, d’observation et d'analyse en tant qu’observatoire citoyen des libertés publiques".
De manière très symbolique, Pascal Gassiot indique que lors de la visite de Michel Forst, rapporteur spécial de l’ONU sur les défenseurs de l’environnement, "les forces de l’ordre ont procédé à une évacuation d’un écureuil manu militari, de l’air de dire à ce représentant spécial de l’ONU, les chiens aboient la caravane passe". "En clair, vous venez, vous constatez, ce n’est pas notre problème, on continue nos opérations de police et de gendarmerie peu importe si l’ONU est présente ou pas."
Michel Forst, rapporteur spécial de l’ONU sur les défenseurs de l’environnement est allé au contact de l’Etat et des forces de police en demandant à pouvoir rencontrer les personnes qui occupaient les arbres.
Il a aussi dénoncé deux choses :
- Le traitement inhumain qui a été réservé aux occupants des arbres, ils ont été affamés, privés d’eau, empêchés d’être soutenus pas les gens qui étaient sur place qui avaient une attitude de résistance civile non violente.
- Les entraves à l’observation tant au niveau des journalistes qu’au niveau des observateurs alors que le droit international reconnaît un droit de liberté de circulation et de liberté d’observation.
Et Pascal Gassiot de conclure : "Il y a derrière ça une notion de mépris de la part des forces de police et de gendarmerie mais aussi des représentants de l’Etat, le préfet en particulier, de se comporter de tel manière lorsqu’un représentant spécial de l’ONU vient constater sur le terrain la répression qu’il y a contre les militants écologistes."