Erreurs médicales : Raphaël, 1 mois et demi, mort comme beaucoup d'autres dans une omerta hospitalière

Le livre “Hôpital, tant qu’il n’y a pas de plainte…” vient de paraître aux éditions Robert Laffont. Dans cet ouvrage, la journaliste et ancienne infirmière Nora Sahara regroupe plusieurs cas d’erreurs médicales. L’une d’elle a conduit à la mort d’un bébé en 2019. Les hôpitaux de Perpignan et Toulouse Purpan ont tous deux été reconnus coupables.

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Raphaël est né à l’été 2019. Il est venu au monde avec un laparoschisis (une absence de fermeture de la paroi abdominale). Opéré à la naissance au CHU de Toulouse, le bébé rentre ensuite avec ses parents à Perpignan. Il décède un mois et demi plus tard, suite à une succession d’erreurs médicales. 

Des erreurs médicales reconnues après 4 ans de combat

Les hôpitaux de Toulouse et de Perpignan ont tous deux été reconnus responsables de la mort de Raphaël en juillet 2022. 75% de responsabilité pour Perpignan et 25% pour Toulouse. Mais ni l’administration, ni la pédiatre n'ont reconnu la faute ou présenté des excuses. 

A lire aussi : une suite d'erreurs médicales entraine la mort d'un bébé de 40 jours, les hôpitaux de Perpignan et Toulouse condamnés

Elle n’a jamais reconnu son erreur et c’est ce qui me hante, car mon fils n’est plus là.

Aimeline Vialet, mère de Raphaël

Des médecins froids, inhumains, une administration méprisante, c’est ce que dénonce Aimeline, la maman du petit Raphaël. Lorsqu’elle demande “pourquoi ?”  au médecin venu lui annoncer que son fils est condamné, ce dernier ne répond pas et quitte la pièce. La maman demandera ensuite des réponses : un vrai parcours du combattant l’attend. 

Après un premier courrier à l’hôpital de Perpignan, le couple est convié à une réunion mais sans la présence du médecin. “J’ai pris cela comme un affront”, se souvient-t-elle. Elle contacte la presse et dénonce alors les mensonges de l’hôpital qui assure avoir diligentée une enquête interne et une autre de l’ARS (l’Agence Régionale de Santé), ce qui est réfutée par cette dernière. 

Le couple ne souhaitait pas faire appel à la justice mais assure y avoir été contraint face au silence de l’administration. "Le communiqué (...) précise aussi que nous n’avions pas porté plainte, et que donc aucune procédure de notre part était en cours. Tant qu’il n’y a pas de plainte, c’est un non sujet pour eux.”

Un exemple d’erreurs médicales parmi tant d’autres

Des récits d’erreurs médicales comme celles qui ont conduit au décès du petit Raphaël, l’ancienne infirmière et auteur Nora Sahara en a écouté des dizaines. Les plus marquants, elle les compile dans son deuxième livre, Hôpital, tant qu’il n’y a pas de plaintes. Chaque fois, les familles dressent le même constat : un manque de considération de la part des médecins, le silence et des mensonges de la part de l’administration hospitalière. 

La théorie de l’auteur, recoupée par les soignants, est que tout est fait pour couvrir ces erreurs médicales. “Et lorsqu’il n’est plus possible de les nier, tout est fait pour décourager les patients et leurs familles d’engager des poursuites contre les responsables” , écrit-elle. Nora Sahara pointe du doigt le manque de considération du corps médical dans ces affaires et leur manque de transparence. “Les erreurs de diagnostic, le manque de prise en charge aux urgences, les difficultés de coordination entre hôpitaux et le dénigrement, le mépris des parents lorsqu’ils cherchent des réponses... L’histoire de Raphaël et Aimeline englobe beaucoup de situations rencontrées dans d’autres faits d’erreurs médicales”, analyse l'auteur. “S’ils n’avaient pas mené ce combat, il n’y aurait jamais eu de vérité. C’est représentatif de ce que vivent des milliers de familles.” 

La culture de l’omerta

En 2021, en France, la Haute Autorité de santé a recensé 1874 EIGS (Evénements Indésirables Graves associés aux Soins). Mais pour les associations, le nombre de ces erreurs médicales s'élèverait à 450 000 et 60 000 décès. Pourquoi un tel écart ? En raison de la culture de l’omerta qui règne dans ce domaine. Le silence est la règle. “Il n’y aura jamais de vrais chiffres sur les erreurs médicales”, argue Philippe, un chirurgien interrogé dans le livre. “Il y a des enjeux qui nous dépassent et qui sont médico-économiques. Vous pensez que le bien des patients est la priorité pour les hôpitaux ? Il est secondaire. Il y a une logique de rentabilité avant tout, et avec elle, une stratégie : pas de vague.”

Le tabou est culturel dans le monde médical.  

Nora Sahara, auteur de "Hôpital, tant qu'il n'y a pas de plainte"

“Il y a un silence révoltant des hôpitaux face aux familles qui se retrouvent abandonnées”, dénonce Nora Sahara. “Tant qu’il n’a pas de plainte, c’est silence radio. On met la poussière sous le tapis.” 

Une posture confirmée par les soignants dans ce livre, avec des témoignages d’infirmiers convoqués par leur administration pour leur ordonner de se taire ou de falsifier des dossiers. “Quand un dossier disparaît, on sait tous que c’est parce qu’il y a des erreurs à cacher”, insiste Jean, infirmier dans une clinique privée qui raconte avoir couvert une erreur ayant conduit au décès du patient. “Nous n’avions rien dit. On savait que parler c’était être poussé vers la sortie.”

Ce livre raconte des erreurs de plus en plus nombreuses et de plus en plus graves. Mais elles sont systématiquement niées, et donc, rien n’est mis en place pour éviter qu’elles ne se reproduisent. En France, des réunions de mortalité sont rarement organisées. La formation continue des médecins n’est pas obligatoire alors que la science évolue en continue. Mettre des moyens pour filmer les opérations et financer les formations des médecins permettrait de réduire ces erreurs médicales.   

Un système hospitalier à bout de souffle

Autre aspect commun à l’ensemble des témoignages des patients et des soignants : la description d’un système hospitalier en bout de course, parasité par le manque de personnel et de moyens. Des manques sources de stress et d’erreurs comme l’a expérimenté Aimeline Vialet lors de son accouchement à Toulouse. “Il y avait un manque de personnel tel que je ne me sentais pas vraiment en sécurité”, se souvient-elle. “Je me souviens avoir parfois attendu des heures pour un biberon car il n’y avait personne pour m’apporter mon lait. Je n’en veux pas aux équipes, elles ont fait ce qu’elles ont pu avec le peu de moyens dont elles disposaient.” 

Des difficultés auxquelles la maman a de nouveau été confrontée lors de son arrivée aux urgences de l’hôpital de Perpignan. “On nous précise que c’est une période particulière, l’été à l’hôpital, et que la prise en charge ne sera pas optimale car il manque beaucoup de personnel soignant, souffrant ou en vacances.” 

Faut-il en finir avec l’Ordre des médecins ?

En France, le Conseil national de l’Ordre des médecins est chargé de la “régulation déontologique de la profession”. Mais elle est particulièrement décriée à la fois par les soignants et les patients. Accusé de confraternité, de complaisance envers les médecins et d’avoir pour rôle d'étouffer les affaires. 

Nous, familles, nous aimerions savoir que des choses ont changées, que nos enfants ne sont pas morts ou n’ont pas été mutilé pour rien.”

Aimeline Vialet, mère de Raphaël

Après la condamnation des deux hôpitaux pour la mort de son fils, Aimeline Vialet a décidé avec son compagnon de saisir l’Ordre des médecins concernant la pédiatre des urgences de Perpignan. “Cette pédiatre, le Dr.A n’exerçait plus aux urgences, mais en consultation pédiatrique classique”, explique-t-elle. “Elle n’a jamais eu à rendre de comptes personnellement quant à son erreur de diagnostic.” 

Le couple obtient un rendez-vous en décembre dernier pour une confrontation devant l’ordre départemental. Ce dernier doit statuer si l’affaire mérite de passer ensuite en chambre disciplinaire. “Nous avons alors appris que la pédiatre n’avait jamais été inquiétée de quoique ce soit et n’avait même jamais eu vent de nos procédures”, s’indigne Aimeline Vialet. La médecin aurait appris la condamnation de son hôpital en lisant notre article en juillet dernier.

La confrontation dure une heure. “Elle s’est finalement excusée mais a refusé toute responsabilité alors que c’est elle qui a commis toutes ces erreurs”, se souvient la jeune femme. “Un membre de l’ordre était un ancien médecin de l’hôpital de Perpignan, il prenait systématiquement la défense de la pédiatre.” La décision arrivera finalement plus tard par courrier : “le conseil a décidé de ne pas saisir la chambre disciplinaire régionale à l’encontre du Dr A…” La famille est bouleversée par ce qu’elle vit comme une nouvelle injustice.

En mars 2021, 26 syndicats et associations signaient une tribune pour demander la dissolution de l’Ordre des médecins.  

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