REPORTAGE. Jambon avec ou sans nitrites ? Les charcutiers et les consommateurs ne sont pas prêts à trancher la question

L’Assemblée nationale a examiné jeudi 6 avril 2023 une proposition de loi visant à "mieux manger". L'un des objectifs est de limiter les risques sanitaires liés aux substances chimiques contenues dans les aliments, comme les nitrites présents notamment dans le jambon. Mais ce conservateur, reconnu cancérigène, est loin d'inquiéter tous les consommateurs de Toulouse.

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Vous êtes vous déjà posé la question si vous préférez un jambon dit "ordinaire" ou un jambon sans sel de nitrite ? "Mettez moi deux tranches de jambon classique". Pour Yvan, retraité et fidèle depuis plus de 30 ans à son charcutier du marché Victor Hugo, la réponse est simple. "Il y a trop de variétés, moi je prends toujours la même chose. Je ne m'embête pas". Pourtant, faire attention au taux de nitrite, c'est avant tout protéger sa santé.

En juillet 2022, l'Anses (l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail) a confirmé le lien entre risque de cancer et exposition aux additifs nitrés, ces conservateurs qui permettent d'augmenter la durée de conservation de la charcuterie. L'association Foodwatch, la Ligue contre le cancer réclament alors leur interdiction complète.

Depuis le gouvernement a présenté un plan d'action destiné à réduire l'utilisation des nitrites dans la charcuterie, sous l'impulsion du député du Loiret Richard Ramos (MODEM).

A compter de fin avril 2023, les jambons cuits et lardons, qui représentent 50% des produits de charcuterie consommés en France, vont voir les doses d'additifs nitrés diminuer d'environ 20%.

Alors pourquoi chez les charcutiers, le jambon sans nitrate reste-t-il boudé ?

L'esthétique et le goût avant la santé

Au coeur du marché Victor Hugo, la file d'attente des clients ne désemplit pas devant la charcuterie de Jean-Pierre Noëll. Chaque matin avant l'ouverture, il soigne son étal. "Je coupe tous les jours environ 500g de charcuterie que je jette. J'enlève la partie qui a séché, qui a perdu de sa couleur. C'est purement esthétique". Le charcutier explique l'importance que les acheteurs accordent à l'esthétisme de ses produits. Alors selon lui, le jambon sans nitrate, naturellement grisâtre, "bien moins joli que le jambon blanc que l'on connait", n'attire pas les foules. 

"Il y a très peu de demande de ce jambon sans conservateur. En plus de l'aspect, ils préfèrent le goût authentique. Les nitrates sont souvent remplacés par du céleri et franchement, ça n'a pas la même saveur", explique Jean-Pierre Noëll.

Et selon lui ce n'est pas la différence de prix qui éloignent ses acheteurs. Le jambon blanc à l'étouffée est vendu 25,80 euros le kilo. Le jambon sans nitrate est un euro plus cher. Une différence très faible comparé aux prix pratiqués en grande surface.  

Si on écoute tout ce qu'on entend, on devrait se priver de tout.

Anne-Marie, cliente

Christiane est venue spécialement au marché pour acheter du jambon. "Je viens ici car je sais que c'est de la bonne qualité, mais je n'achèterais pas de la charcuterie avec nitrate en grand surface. Ça c'est hors de question". 

Un peu plus loin, un charcutier confie à demi-mot être contre les interdictions des nitrates dans ses produits. "Nous les producteurs on en utilise une quantité infinitésimale alors que les industriels, eux en abusent. Et ensuite les débats nous mettent en porte-à-faux", soupire-t-il. 

Au marché des Carmes, même son de cloche. Il est même difficile de trouver du jambon sans nitrite sur les étals. "Car il n'y a pas de demande", souffle un professionnel. 

Une question de génération

Et si ces habitudes de consommation étaient simplement générationnelles ? Pour Jean-Pierre Noëll c'est une évidence.

Inès a 32 ans, elle a l'habitude de faire ses courses exclusivement au marché. "Ce qui me plaît, c'est d'avoir des produits frais et les plus sains possibles. Alors si j'ai le choix, bien sûr, je choisis le jambon sans conservateur, surtout quand on sait maintenant que les nitrites sont cancérigènes."

Parmi les alternatives aux nitrites, le polyphénols apparaît souvent dans le débat, soufflé par une récente étude de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement, mise en avant par le ministère. Mais dans une interview accordée à nos confrères de Libération, Richard Ramos député à l'initiative de la proposition de loi, affirme que "les travaux de ce laboratoire sont financés par le lobby de la viande". Difficile donc de comprendre ce que l'on met dans notre assiette quand chaque bouffée à un arrière goût de politique. 

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