Féminicides. Refus de la séparation, addiction à la violence, suicide, mimétisme : ces possibles mécanismes d'une tragique série

En l'espace d'une semaine, la région de Toulouse (Gers, Ariège, Haute-Garonne) a connu trois féminicides, le suicide d'un conjoint violent et la tentative d'un autre. Une succession mortelle, qui interroge sur l'influence du passage à l'acte dans ces affaires.

Un enchaînement macabre. En l'intervalle de 5 jours, 3 féminicides ont été recensés en Occitanie. Le 3 août dernier, une femme était écrasée par son ex-conjoint dans le Gers, deux jours plus tard dans l'Arriège, un homme tirait sur sa femme et sur le collègue de celle-ci. Lundi 7 août, une femme était poignardée par son conjoint dans leur appartement à Toulouse.

L'effet de Werther ?

Cette succession mortelle fait penser à l'effet de Werther. Un phénomène de mimétisme mis en évidence par le sociologue américain David Philipps qui s'est intéressé à la hausse du nombre de suicide, corrélée avec les parutions médiatiques sur le sujet. "Une contagion suicidaire", effet dont le nom est tiré du livre de Goethe paru en 1774, qui raconte les déconvenues amoureuses d'un personnage qui finit par se suicider.

Selon, Liliane Daligand, professeur émérite de médecine légale, psychiatre experte de justice à Lyon, cet effet pourrait s'appliquer aussi au féminicide, même s'il est loin d'être l'unique cause. Elle se souvient d'un épisode similaire dans le département du Rhône où trois féminicides se sont ensuivis sur une période très courte. Les parutions médiatiques, la connaissance d'un féminicide qui vient de survenir "sont comme un modèle qui pourrait être suivi par d'autres auteurs violents, qui peuvent se dire que c'est possible et le frein qui pouvait les retenir de passer à l'acte peut alors céder", explique-t-elle.

La séparation premier facteur de risque

Mais ce n'est pas le seul "motif" de passage à l'acte pour les conjoints violents. Deux des féminicides survenus dans la région toulousaine ont eu lieu à un moment charnière pour la victime et le conjoint violent : la séparation.

"Ils sont dans l'impossibilité d'imaginer et d'accepter le départ de leur femme, qui est leur bien, leur chose."

Liliane Daligand

Une grande partie des féminicides sont déclenchés par le départ de la femme. Dans l'Ariège, l'époux de 72 ans était en instance de divorce avec sa femme de 57 ans. Dans le Gers, c'est un ex-conjoint qui a donné la mort à son ex-épouse. 

« La période la plus à risque c'est la séparation, dans les 6 à 12 mois qui suivent. C’est une perte de contrôle pour l’auteur violent qui va chercher à rétablir ce contrôle sur elle par tous les moyens », complète Andrea Gruev-Vintila, Maîtresse de conférences en psychologie sociale à l'université Paris-Nanterre. Un contrôle qu'elle caractérise de "coercitif", qui désigne l'ensemble des comportements d'un conjoint ou ex pour obtenir l'obéissance et asservissement de la conjointe.

Ce concept qui est actuellement toujours en discussion n'est pas encore incriminant. "Il permettrait d'incriminer ce comportement global par lequel les auteurs privent les victimes de leur liberté", ajoute la psychologue sociale.

Une addiction à la violence

Et s'il n'y a pas de "profil type" et que tous les milieux sociaux sont concernés pour les auteurs de violences, l'âge des deux hommes qui ont assassiné leurs épouses peut paraître "surprenant" : 72 et 73 ans. Selon Liliane Daligand qui a expertisé pas moins de 700 conjoints violents, dans la majeure partie des cas ils ont entre 30 et 50 ans selon elle.

 "Des traits de caractère ressortent : immaturité et égocentrisme. Ils sont des hommes infantiles pour qui la femme prend le rôle maternel"

Liliane Daligand

La psychiatre experte de justice et présidente de l'association Viffil à Lyon constate aussi une grande difficulté de parole et de langage chez ces hommes violents. "La violence vient à la place des paroles, ils sont infirmes de la parole".

Ce déchaînement de violence à l'encontre de leurs femmes ou ex-femmes est parfois un modèle qui est reproduit. Une grande partie des auteurs violents expertisés par Liliane Daligand ont été témoins ou victimes de violence conjugale. La violence est aussi une véritable addiction, " pour l'assouvir il se shoote à la violence et ça peut se traduire par le tabassage de sa compagne" ajoute-t-elle.

Les crimes possessionnels du Gers et de l'Ariège concernent tous deux un couple avec un écart d'âge important. Les deux victimes avaient 57 et 58 ans et des maris ou ex-maris septuagénaires. " Cette différence d'âge peut être un facteur de violence. Le conjoint violent se sent moins apte à la relation, à moins de force musculaire, aux rapports sexuels, comme s’il ne valait plus rien pour son épouse", ajoute Liliane Daligand.

30% des hommes violents se suicident

Les points communs entre ces deux féminicides ne s'arrêtent pas là. Dans les deux cas les hommes violents ont tenté de se suicider par la suite. L'un des deux a survécu et est toujours hospitalisé. Cet acte du suicide ou de la tentative survient dans 40% des cas de féminicide.

Les assassinats des épouses ou ex-épouses sont souvent préparés, choix de l'arme, du mode opératoire... Après avoir donné la mort certains retournent l'arme contre eux. "Cela s'explique par le fait qu'ils sont incapables d'accepter le manque de leur femme ou ex-femme. Ils sont dans un raisonnement : si je la tue, je me tue aussi, elle ne peut pas m'échapper", indique Liliane Daligand. Trois enquêtes sont en cours pour ces trois féminicides.

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