Interdiction de la corrida : près de Toulouse, la tradition taurine a déjà été mise à mort

La dernière novillada en Haute-Garonne a eu lieu en 2015 à Rieumes (31). Depuis, aucun événement taurin n'est survenu dans le département. Quelle que soit l'issue de la proposition de loi discutée aujourd'hui à l'Assemblée Nationale, la tradition taurine s'est éteinte en Haute-Garonne pour d'autres raisons.

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28 juin 2015, les derniers taureaux et toréadors foulent le sable des arènes de Rieumes (Haute-Garonne). On ne le sait pas encore mais ce sera la dernière corrida (plus exactement novillada car les taureaux ont moins de 4 ans) dans la région toulousaine, là où pourtant, la tradition taurine était bien vivace. Les arènes du soleil d'or à Toulouse, où un lycée a été construit à sa place, ont durant 25 ans symbolisé cette passion des aficionados.

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Les arènes du soleil d'or à Toulouse à sa grande époque. ©INA

Si aujourd'hui les députés débattent de la proposition de loi d'Aymeric Caron pour interdire la corrida, du côté de Toulouse la justice avait permis d'organiser férias, novilladas et corrida. Si aujourd'hui il n'y a plus rien, c'est pour d'autres raisons. 

Rieumes, dernier événement taurin en Haute-Garonne

Nous sommes en 2015. Le club taurin de Rieumes organise sa traditionnelle novillada. Des milliers de personnes (aficionados ou pas) suivent cet événement qui commence le vendredi par un spectacle grand public (le groupe occitan "Nadau", le "Duo des non") et se termine le dimanche toujours dans les arènes avec toréadors et toros. 

Les arènes démontables ont une capacité de 2300 places. Elles ne sont pas toujours pleines lors des corridas mais il peut aussi y avoir 4 000 personnes certains jours. Un succès populaire et économique que vient souvent contrarier la justice. "Nous avons eu 14 procès et nous avons gagné les 14, souligne Jean-Jacques Joaniquet, le président du club taurin de Rieumes. Sur les dernières éditions, on nous annonçait près de 2 000 opposants. Ils n'ont finalement été que 150."

La feria existe à Rieumes depuis 2 000. Le moment où la justice a permis l'organisation de tels événements dans les lieux où il existe une "tradition culturelle ininterrompue". Rieumes a été pionnier en la matière et le retour des taureaux en Haute-Garonne a fait jurisprudence. Mais après 2015, rideau, fin de l'aventure. "Nous nous sommes arrêtés pour 2 raisons. D'abord nous étions sur un terrain de 4 hectares qui nous était prêté par un privé. Pour 2016, il nous demandait de payer 10 000€ pour la location du terrain. Impossible. La deuxième raison, c'est à cause des autorités. Nous avions de bonnes relations avec le sous-préfet. Puis est arrivé un lieutenant-colonel à la gendarmerie. Il nous a imposé des normes de sécurité à coût de grands frais. Avec l'incertitude d'autoriser ou pas la manifestation. 2 jours avant l'édition 2015, nous n'avions pas encore le feu vert. Comme il y a toujours des opposants, ils invoquent les troubles à l'ordre public pour suspendre une telle manifestation. Donc les contraintes plus les incertitudes ne nous ont pas permis de survivre."

Jean-Jacques Joaniquet a dû se rendre à la raison : le club taurin survit à Rieumes mais il doit s'exiler pour voir de la tauromachie. 

Une forte tradition dans la Haute-Garonne

Comme le disait le poète, "Est ce l'Espagne en toi qui pousse un peu sa corne" ? En tous cas, Toulouse et ses environs ne sont pas indifférents aux toros et picadors. Il y avait des arènes aux Amidonniers, sur les allées de Barcelone, au Busca et à Balma. L'actuel "Lycée des arènes" était pendant longtemps le temple de la tauromachie toulousaine. Les Arènes du Soleil d’Or ont vu défiler les plus grandes "figuras" depuis 1953. Elles accueillent jusqu'à 10 000 aficionados. Dans ces années là, il y avait plus de corridas qu'à Nîmes. En 1976 c'est la dernière corrida toulousaine. Quelques années plus tard en 1989, elles ont été détruites pour laisser place au lycée. 

Après des décisions favorables en justice, Toulouse n'avait plus ses arènes mais le spectacle taurin a trouvé place à Rieumes donc pendant 16 ans mais aussi à Fenouillet toujours en Haute-Garonne. En 2003, la première feria voit le jour, sous l'impulsion de l'ancien rugbyman et président du Stade Toulousain Didier Lacroix. 2008, la nouvelle maire siffle la fin de partie. Les nuisances d'une telle manifestation dans une petite ville de 5 000 habitants, les menaces et les actions des anti-corridas ont aussi pesé dans la balance. 

La tauromachie c'est désormais fini à Toulouse, Fenouillet et donc Rieumes. La tradition taurine continue dans le Gers avec notamment la feria de Vic-Fezensac.

Fin des corridas dans le Toulousain ?

Après la justice, les espoirs des anti-corridas sont désormais concentrés dans la proposition de loi du député NUPES Aymeric Caron. "C'est un débat très politicien. Aymeric Caron est un antispéciste, il veut mettre l'animal au même niveau que l'homme. Il veut mettre tout le monde au plie et interdire la viande, la chasse, le foie gras. Ces gens veulent nous imposer un nouveau mode de vie. C’est un extrémiste, un véritable ayatollah", insiste Jean-Jacques Joaniquet. 

Comme d'autres, il pense que cette proposition de loi interdisant la corrida n'aboutira pas. Les politiques, pas plus que la justice, ne semblent en mesures de mettre fin aux traditions taurines. A Toulouse, un groupe de personne a longtemps réfléchi sur un hypothétique retour des taureaux dans la ville rose. Pour le président du club taurin de Rieumes, l'heure est un peu au fatalisme. "C'est quasi impossible de revoir des taureaux en terre toulousaine. A Rieumes comme ailleurs, les clubs taurins sont vieillissants. Et puis côté organisation, c'est désormais très compliqué avec les contraintes de sécurité et le côté médical qui exige sur place : un chirurgien, un anesthésiste, et 3 infirmières réanimatrices entr'autres. Mais bon, on ne désespère pas". 

Loin de l'Assemblée Nationale, en dépit de certaines décisions de justice favorables, la tradition taurine est en train de s'éteindre à Toulouse...presque naturellement. 

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