L'exposition "Cathares" ouvre ses portes le 5 avril 2024, au musée Saint-Raymond et au Couvent des Jacobins, à Toulouse (Haut-Garonne). L'occasion de se plonger dans une croisade passionnante, dans laquelle batailles historiques et historiographiques se mêlent, incarnées par des objets venus d'Occitanie.
Ce n'est pas moins de 300 objets, archives, pièces archéologiques qui retracent une croisade datant du XIIIe siècle. Au musée Saint-Raymond et au Couvent des Jacobins, les "Cathares" sont mis à l'honneur. Les guillemets choisis par les organisateurs sont importants, car le terme lui-même et ce qu'il désigne divise aujourd'hui profondément les historiens.
On appelle catharisme un mouvement religieux chrétien médiéval européen en dissidence avec l'Église catholique romaine.
La période est "fascinante, selon Laure Barthet, commissaire de l'exposition, parce qu'elle mêle tous les ingrédients dont se sont saisis artistes et auteurs, notamment dans la pop culture : c'est l'histoire d'une croisade avec des rebondissements militaires dignes de la série Game of Thrones. C'est aussi, dans sa caricature, la lutte d'une communauté persécutée contre un pouvoir aveugle et sourd, celui de l'Inquisition et du roi de France".
Une hérésie remise en question
L'exposition nous plonge dans cette expédition militaire menée de 1208 à 1229. On découvre ses protagonistes ainsi qu'une dizaine de boucliers portant leurs armoiries. On pénètre dans la vie de Toulouse médiévale, trois fois assiégée, entre 1211 et 1219, mais jamais prise.
"La question de l'hérésie dite "cathare" est âprement débattue par les historiens depuis plus de 20 ans", explique Laure Barthet. Le débat réside "sur sa consistance même, sur sa nature". L'exposition propose de donner à voir les termes de ce débat actuel. "Il faut garder l'esprit ouvert : vous pensez tout savoir sur ce qu'on a appelé les Cathares et le catharisme, mais certains historiens vous offrent une autre lecture", souligne la commissaire de l'exposition.
Un terme prétexte
Le terme "cathares" est en réalité contemporain. Il n'a jamais été utilisé dans le Midi à l'époque médiévale. Ce "mot-valise" s'est "imposé seulement parce que certains historiens
l'ont choisi" au XIXe siècle, raconte Laure Barthet.
Quant à l'existence de l'hérésie elle-même, elle est aujourd'hui remise en cause par une majorité d'historiens. "Le mot hérésie a été utilisé comme prétexte", explique Alessia Trivellone, enseignante-chercheuse au Centre d'études médiévales de l'université de Montpellier 3. Elle décrit la volonté d'un "meilleur contrôle" religieux de ce territoire "par le pape et les cisterciens", puis son désir d'"annexion" par le roi de France. "Les sources sont trop biaisées pour être considérées comme des preuves certaines de l'existence de communautés hérétiques dans le Midi", affirme-t-elle.
Une exposition fournie
Pourtant, d'autres historiens persistent à voir l'existence d'une "véritable dissidence chrétienne médiévale" avec "son propre clergé" dans le Midi de la France. C'est le cas de Pilar Jimenez, autrice de l'ouvrage Les catharismes, modèles dissidents du christianisme médiéval, qui regrette "une lecture sélective des sources" par ses collègues.
L'exposition est la première du genre à donner une vue aussi complète de cette période de l'histoire. Il a fallu deux ans et demi de préparation : tous les costumes sont faits entièrement à la main, certains ont demandé plusieurs années de confection, et surtout, 96% de la collection provient d'Occitanie. Pierre Esplugas-Labatut, maire adjoint en charge des musées déclare : "Nous sommes soucieux de valoriser l'identité de la ville, celle de la région et clairement les Cathares participent de cette identité". Il désigne les "traces" de cette identité cathare comme le "réflexe un petit peu anti-jacobin" des Toulousains, "de rébellion par rapport à la capitale".
L'exposition ouvre ses portes le 5 avril 2024.