La prostitution des mineures en voie de "banalisation", un phénomène mis en lumière après la mort par balle d'un adolescent de 15 ans

Un jeune garçon de 15 ans a été tué par balle à Toulouse sur fond de prostituton adolescente. Une prostitution en recrudesence dont les associations se sont saisies depuis plusieurs années. A l'image de "Nos ados oubliés" à Toulouse, une association crée par Jennifer Pailhé qui a découvert sur les réseaux sociaux que sa fille se prostituait.

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La mort par balle d'un adolescent, qui "protégeait" une fille de 16 ans vendant son corps à Toulouse (Haute-Garonne), jette une lumière crue sur une prostitution des mineures en voie de "banalisation", selon des sources policières et associatives. Ce garçon de 15 ans a succombé à un coup de feu tiré en pleine tête le 6 janvier par un client âgé d'un an de plus, qui voulait s'emparer de l'argent de l'adolescente. À Valenciennes (Nord), douze hommes ont comparu le 11 pour avoir eu des relations sexuelles avec une collégienne de 13 ans, qui se prostituait via Snapchat et le site de rencontres et de prostitution coco.fr. Si la jeunesse des protagonistes de ces dossiers interpelle, les services d'enquête ou les associations ne s'en étonnent plus. "Depuis une dizaine d'années", explique sous couvert d'anonymat un policier engagé dans la lutte contre le proxénétisme en Occitanie, il y a une "banalisation de cette pratique dans une jeunesse qui cherche à satisfaire immédiatement ses besoins de consommation".

"D'abord, je me suis sentie tellement seule au monde", raconte Jennifer Pailhé, dont la fille a commencé à se prostituer à l'âge de 14 ans. "Et puis j'ai eu un contact avec une, deux, puis trois mamans, etc. et je me suis dit: Mais m..., y a pas que moi !", raconte cette femme qui a créé l'association "Nos ados oubliés" afin de leur venir en aide dans la région toulousaine.

Une autre association, "Agir contre la prostitution des enfants" (ACPE), basée à Paris, estime à au moins 20 000 le nombre de victimes, "même si", affirme sa déléguée générale Anne Labastire, "on est sûr d'être en-deçà de la réalité du phénomène". Pour Jennifer Pailhé, le cauchemar a débuté quand sa fille a "rencontré ce garçon en colonie de vacances". Pour le rejoindre, "elle a fugué sur Paris, dans le 9-5" (Val d'Oise).La mère retrouve la trace de son enfant sur des sites d'escorting.

J'ai vu les premières annonces, j'ai cliqué. J'ai pas pu être dans le déni, c'était sa photo, son corps, c'était elle

Jennifer Pailhé

Environ six ans plus tard, le garçon - le "lover boy", comme on l'appelle dans ces affaires où des jeunes filles tombent sous l'emprise de celui dont elles sont amoureuses - est en prison. Et la fille de Jennifer tente de prendre un nouveau départ. Les victimes sont issues de tous les milieux, mais ont souvent pour point commun d'avoir vécu un traumatisme (harcèlement scolaire, viol, inceste, etc.). "Elles sont un peu endoctrinées par tout ce qui est réseaux sociaux, téléréalité, leurs égéries auxquelles elles ont envie de ressembler, l'argent facile", analyse Jennifer Pailhé.

"Glamourisation" 

L'immaturité liée à leur jeune âge les empêche ensuite de "reconnaître ce qu'elles vivent", explique Sophie Antoine, responsable juridique de l'ACPE. Un déni accentué par une "glamourisation" du vocabulaire ("escort", "michetonneuse", etc.), ajoute-t-elle. Le policier confirme que "dans la grande majorité des cas, les victimes sont consentantes, et n'ont aucun recul sur le fait que ce qu'elles font aura des répercussions sur leur psychisme". Quant aux proxénètes, complète-t-il, ce sont "la plupart du temps des garçons ayant échoué à s'implanter dans le trafic de drogue, qui transfèrent leur savoir-faire criminel".

Réseaux sociaux et location de logements

Le phénomène utilise tous les atouts du numérique, dans une "ubérisation" qui complique les investigations. Les proxénètes recourent ainsi à la location de logements de courte durée via les plateformes dédiées, comme dans l'affaire de Toulouse et "énormément de situations", précise l'ACPE.
Cela a conduit la mission interministérielle pour la protection des femmes et contre la traite (MIPROF) à se mettre en relation avec les acteurs du secteur, notamment Airbnb. Car, précise une porte-parole de la mission, "nous avons bien identifié qu'il y avait des risques qui pouvaient être accrus, notamment dans la perspective des JO, avec l'explosion du nombre de locations". Plus globalement, les associations attendent avec impatience un Plan de lutte contre la prostitution, prévu pour fin janvier et qui doit contenir un volet dédié aux mineur(e)s. 

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