Témoignage. "Je ne peux plus courir seule" les joggeuses face aux agressions et aux défis de la course en solitaire

Publié le Mis à jour le Écrit par Cécile Frechinos

Le phénomène n'est pas nouveau mais il inquiète toujours autant. Chaque année livre son lot de faits divers liés à des agressions physiques et sexuelles sur des joggeuses. Ces dernières semaines les cas se sont multipliés à Toulouse (Haute-Garonne). Certaines sportives prennent des dispositions pour assurer au maximum leur sécurité. Explications.

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Ce 16 décembre 2023, Mathilde* chausse ses baskets, place ses écouteurs sur ses oreilles et file en direction des berges du Touch. C'est ici, entre Toulouse et Tournefeuille (Haute-Garonne) qu'elle a ses habitudes de joggeuse depuis des années. 

"J'ai vu arriver une ombre derrière moi à toute vitesse. J'ai pensé que c'était un coureur qui sprintait, je me suis écartée. C'est à ce moment-là que j'ai reçu un coup d'une violence inouïe dans le bas du dos et les fesses", se souvient, émue, la Toulousaine. 

Six affaires d'agression dans le même secteur 

La joggeuse hurle, se débat, insulte son agresseur. Ce dernier finit par prendre la fuite à l'approche d'un promeneur. Mathilde, elle, garde son sang-froid et téléphone à son mari. 

" Mon époux est venu tout de suite à ma rencontre en scooter, je lui ai fait une description de l'homme et lui ai indiqué dans quelle direction il était parti ", explique-t-elle. 

Son mari prend alors en chasse l'agresseur. Quelques centaines de mètres plus loin, il l'identifie et relève sa plaque d'immatriculation. Grâce à la réactivité du couple, cinq autres affaires d'agressions sur joggeuses dans le même secteur ont pu être élucidées. 

L'homme est en effet interpellé 24 heures après les faits, puis formellement identifié par six victimes dont Mathilde. Désormais placé en détention provisoire, il sera jugé en comparution immédiate le 25 janvier prochain. 

Une issue satisfaisante pour les enquêteurs et pour la justice. Mais pour Mathilde, il y aura désormais un avant et un après agression. 

J'ai eu la peur de ma vie. Je ne peux plus courir seule. Désormais je fais du jogging sur mon tapis de course, seule dans mon garage

Mathilde, joggeuse agressée

Comme elle, de nombreuses runneuses craignent pour leur sécurité. Selon un sondage réalisé au printemps dernier par la marque Adidas, 92% des femmes se sentent en insécurité lorsqu'elles font du sport en extérieur. 

C'est le cas d'Eloïse Sallet. Cette Toulousaine de 18 ans s'est inscrite dans un club de running pour assurer sa pratique en toute sécurité. 

" La question de la sécurité lorsqu'on est joggeuse est très préoccupante. C'est toujours à l'esprit lorsqu'on court seule. Courir en groupe c'est courir l'esprit libéré" reconnaît la jeune femme. 

Les rares fois où Eloïse s'élance seule dans les rues de Toulouse, la jeune sportive prévient une personne de confiance. "J'appelle un ami, je lui indique dans quel secteur je pars courir et pour combien de temps" souligne-t-elle.

À ces indications, Eloïse ajoute la géolocalisation active de son téléphone portable en cas de disparition.

Facteurs aggravants 

Des précautions qu'elle n'est pas prête d'abandonner. Car l'actualité n'est pas toujours rassurante. Mardi 2 janvier une joggeuse a été violemment agressée par un homme qui tentait de la violer dans le parc du Barry, près du Zenith de Toulouse. Fort heureusement l'intervention d'un témoin a fait fuir son agresseur. 

" Les agressions de joggeuses ne sont pas nouvelles. Mais le phénomène n'est pas en augmentation", constate Geoffrey Mourgues. Ce policier et délégué syndical chez Alliance reconnaît cependant qu'il y a des facteurs récurrents dans ces affaires d'agressions. 

Les bords de canal ou de rivières, les parcs sont des lieux privilégiés des prédateurs. Mieux vaut donc les éviter. Il est aussi conseillé d'avoir une pratique sportive en journée plutôt qu'à la nuit tombée.

Geoffrey Mourgues, délégué syndical Alliance

Des conseils de bon sens mais qui ne sont toujours faciles à appliquer. Alors pour assurer leur sécurité, certains sportifs sortent désormais équipés d'outils censés assurer leur défense. 

Il y a d'abord la traditionnelle bombe au poivre. En spray ou en gel. 

"C'est un produit qui se vend parfaitement chez les sportifs. Environ 10% des achats de bombes lacrymo sont réalisés par des joggeuses ou même joggeurs ", reconnaît Jean-Marc Clot, gérant d'une armurerie en périphérie de Toulouse.

Taser de poche et matraque télescopique

Dans les rayons de Liberty Chasse, un magasin spécialisé à Portet-sur-Garonne, d'autres articles sont plébiscités par les sportifs. 

" Nous vendons de plus en plus de shocker électriques et de matraques télescopiques", souligne Patrice Menardi, employé chez Liberty Chasse. 

Le shocker électrique ? Il s'agit d'un petit taser de poche qui permet de neutraliser son agresseur à condition qu'il soit à portée de main immédiat. 

Sortir armée, un pas que beaucoup de joggeuses n'ont heureusement pas envie de franchir. 

Pour celles-ci il y a la solution du porte-clé ou du bracelet anti-agression. "Beaucoup de mes amies ont investi dans ce type d'objet", indique Eloïse Sallet. Un gadget peu coûteux (prix de départ 20 euros) et simple d'utilisation qui permet de déclencher une alarme très vive en cas d'attaque.

Seul ou en groupe, en journée ou à la nuit tombée, équipé ou non, il y aurait en France 13 millions de coureurs réguliers.

Quelle que soit la formule choisie, une chose est sûre mieux vaut poursuivre cette pratique, car ses effets bénéfiques sont multiples et scientifiquement prouvés !

Mathilde* : le prénom a été modifié

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