Jugé par la cour d'assises spéciale de Paris, le jihadiste toulousain, Jonathan Geffroy a expliqué, durant une semaine de débats, avoir révélé tout ce qu'il savait de l'Etat Islamique et de ces projets. Lundi 23 janvier 2023, le parquet antiterroriste a réclamé 18 ans de prison contre lui.
Jusque dans les dernières heures du procès de Jonathan Geffroy, les interrogations sur le véritable engagement du combattant de l'organisation Etat islamique (EI) ont continué à être posées par la cour d’assises spéciale de Paris.
Lundi 23 janvier 2023, le parquet national antiterroriste a réclamé 18 ans de prison contre lui.
Depuis Raqqa (Syrie) dès novembre 2016, le jihadiste toulousain entre en contact avec les enquêteurs français et décide de collaborer. Il révèle des projets d’attentats de l’EI, donne le nom de Français ayant rejoint l’organisation islamiste. En février 2017, Jonathan Geffroy arrive à fuir la Syrie avec sa famille puis remis, par la Turquie, aux autorités françaises.
"J'ai choisi de partir en Syrie. Amener femme et enfant sur un théâtre de guerre, c'est immonde. À cette époque, j'étais complètement borné", a-t-il déclaré à la cour.
Des révélations minimisées par la DGSI
Pourtant, ces révélations ont été minimisées par les enquêteurs de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) qui ont témoigné cette semaine devant la cour d'assises. A contrario, tous les experts qui ont vu Jonathan Geffroy en prison ont relevé un "réel travail d'introspection de l'accusé qui encourt 30 ans de réclusion criminelle" comme le rapporte l’AFP.
Sa conversion à l'islam, par amour pour une femme musulmane, l'a conduit sur le chemin de la radicalisation."Je n'y connaissais rien. J'ai été aveuglé par des gens qui avaient une lecture littérale" du Coran.
À Toulouse d'où il est originaire, il fréquente la mosquée salafiste Basso Cambo. De nombreux futurs jihadistes de l'EI comme Quentin Lebrun, alias Abou Oussama, Chahid Tahiri, alias Abou Ishak, sont passés par cette mosquée. Il croisera également le chemin de l’Albigeois Thomas Barnouin et tous ceux qui constituent la filière d’Artigat. Il séjournera plusieurs fois en Egypte, où il fait la connaissance d’un certain Mohamed Merah.
Puis en 2015, c’est le départ pour la Syrie avec sa femme et son fils de quelques mois. C'est "le copain toulousain" Chahid Tahiri qui l'incitera à se rendre en Syrie. Les Toulousains Fabien et Jean-Michel Clain, deux responsables de la propagande de l'EI qui revendiqueront les attentats du 13 novembre 2015 à Paris et Saint-Denis, s’y trouvent déjà.
"Fier et content" de porter l'uniforme de l'EI
"S'il partait sans moi, cela voulait dire revenir au Maroc en mère célibataire avec mon enfant. Je n'ai pas eu la force d'affronter les conséquences d'un tel choix", explique au cours de l’audience Latifa Chadli, 40 ans, veste rose pâle et jupe imprimée, qui comparaît, libre sous contrôle judiciaire, pour association de malfaiteurs terroriste.
Dès son arrivée en Syrie, Latifa Chadli n'a qu'une obsession : en partir. Le cheminement est plus long pour Jonathan Geffroy qui reconnaît avoir d'abord été "fier et content" de porter l'uniforme de l'EI. Mais il déchante lui aussi après ses premiers combats près d'un aéroport dans la région d'Alep.
"Je ne voulais pas combattre", dit-il. "Comment osez-vous dire cela à la cour ?", s'emporte l'avocate générale du parquet national antiterroriste. "Peut-être que vous n'aviez pas reçu les avantages que vous attendiez", lance-t-elle.
Un "aveuglement" lié à l'endoctrinement
"Je suis parti pour aider les Syriens et je n'ai pu les aider", dit Jonathan Geffroy. "Je ne vous le fais pas dire", rebondit le président Christophe Petiteau.
"On a l'impression d'être face à un « jihadiste malgré lui ». On peut l'entendre, mais peut-être est-ce une manière de se dédouaner", insiste le président.
Jonathan Geffroy n'a pas de mots assez durs pour qualifier son "aveuglement" et son "endoctrinement". Il raconte son dégoût face aux exactions dont il est témoin. "J'ai accepté des choses que naturellement, je n'accepterais pas", reconnaît-il. L'attentat de Nice, le 14 juillet 2016, une "horreur", agit sur lui comme un révélateur et marque sa rupture avec l'EI. "J'étais déshumanisé", affirme celui qui aspire à "retrouver (sa) vie".
(Avec AFP)