« Toulouse Noir » est un recueil de nouvelles qui nous dévoile la métropole sous un autre jour. Fins connaisseurs de la ville comme néo-Toulousains y découvriront, plus qu’un enchaînement d’histoires quartier par quartier, les dessous pas toujours reluisants d’une cité en pleine mutation. Mais « quelle que soit l’extension des villes, la nature tente de reprendre ses droits » prévient en Charles-Henri Lavielle qui a dirigé l’ouvrage.
Toulouse n’a pas seulement pour attraits ceux qu’on retrouve dans les guides touristiques. Cet ouvrage imprime ici un autre trajet, un itinéraire bis d’une cité à la fois familière mais aussi équivoque. Rajoutez à ce constat la littérature noire ou « de polar » qui laisse souvent la part belle aux écorchés vifs, à l’image du héros de « ploc-ploc » de Nicolas Rouillé.
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Il a trouvé dans le quartier de la gare son havre de paix avant d’en être chassé par la spéculation et l’urbanisme moderne. « Mais comment leur faire comprendre que cette vie, même si elle est devenue plutôt merdique, il m’a fallu de l’énergie pour me la construire et il m’en faut pour la vivre au jour le jour » se justifie-t-il.
Au XVIIIème siècle, des castrats ont intenté des procès à l’église catholique pour avoir le droit de se marier, la gentrification n’a de nouveau que le nom, les extensions chaotiques des villes, la chasse aux artistes, la place de la nature dans la cité, les crapuleries des notables, la détestation des étrangers et les violences sexuelles ne sont pas des questions nouvelles que nous aurions à traiter, comme autant d’étapes d’une humanité en route vers un futur fixé d’avance.
Charles-Henri LavielleToulouse Noir
« Toulouse Noir » feuillette à travers ses pages des destins interrompus, des avenirs fauchés en plein vol. Il y a Armand qui étudiait la botanique et qui erre maintenant dans le jardin des Plantes ou sur la L9. Il y a Yasmina qui « n’a qu’une licence en droit » et se fait embaucher dans un sex-shop supermarché à Blagnac. Chacun d’eux a ses cicatrices, forcément douloureuses.
Et la noirceur n’exclut pas la violence : celle d’Airbncul, « nouveau marché du proxénétisme en ligne » le long du canal, celle de Daniel victime de notables magouilleurs qui nous rappelle que la vengeance est un plat qui se mange froid rue de la Colombette ou ailleurs, ou encore celle d’une meute de femmes au sein de laquelle une « meuf enragée » laissera un cadavre à la Garonnette.
Chère fiction
Évidemment « toute ressemblance avec des faits réels ou des personnages ayant existé », etc… La fiction a cela de beau qu’elle laisse toute liberté dans le récit. À l’image de celui de cette metteure en scène du Pavillon Mazar, éphémère résidence culturelle, qui habille la mairie pour l’hiver lors d’une interview vérité.
La ville de Toulouse n’a jamais aimé ses artistes – ou alors quand ils ont fait la fortune d’autres villes : regardez La Rosière ou Maguy Marin, ils ont fait la fortune de Nantes ou de Lyon avant d’être réinvités à Toulouse pour faire beaucoup moins bien.
Sarah Grall"L'ours caillassé"-"Toulouse Noir"
La richesse de « Toulouse Noir » réside enfin dans la diversité de ses auteurs (et donc des styles). Charles-Henri Lavielle qui a donné naissance à ce recueil n’a qu’un seul regret. Il porte sur les quartiers populaires. « J’ai cherché et demandé à des personnes susceptibles d’écrire sur ces quartiers de le faire. Aucune d’elles ne l’a souhaité ou ne s’y est sentie autorisée. Je ne peux que le regretter et m’en vouloir de ne pas avoir assez insisté ». Peut-être une piste pour un tome 2 ?
"Toulouse Noir" présenté par Charles-Henri Lavielle, Asphalte.