Après deux récits à la fois historiques et sociaux, Pascal Dessaint revient à la nouvelle. Il signe son troisième recueil du type chez « la déviation ». Et ses fans y retrouveront tout ce qu’ils aiment chez lui : le roman noir, le désespoir mais aussi la contemplation et l’amour des oiseaux.
L’art de la nouvelle n’est hélas pas suffisamment reconnu. Et pourtant… Raconter une histoire en une page recto verso, comme le fait Dessaint dans « la banalité d’un écrivain » ou dans « la peur de l’inconnu », relève sans aucun doute de la prouesse littéraire. Le tout étant de ne pas rester sur sa faim (ou sur sa fin).
Au-delà de la forme, l’auteur toulousain nous tient évidemment par ses histoires et son ton. Qui n’a jamais eu envie de se quereller avec un voisin tout autant que de s’en faire un ami pour la vie ? La frontière est parfois ténue…
Rire contre le désespoir
Pour tous ceux qui contemplent, impuissants, la bétonnisation de leur quartier livré par la mairie aux promoteurs immobiliers, lisez la « lettre d’un vieux naturaliste ». Faute de vous consoler, cela vous fera sourire.
Tu me demandes mon aide. Qu’est-ce que je peux faire concrètement, camarade ? Signer une pétition ? Écrire à ton député ? Me fendre d’une nouvelle ? me suspendre à un arbre ? Faire du saut à l’élastique, tout nu, dans le Vercors ? Casser la gueule des méchants ? N’importe quoi plutôt que ne rien faire. Retroussons nos manches, maintenant et partout !
Mais Dessaint fait passer des messages. C’est pour ça qu’« il faudrait prendre les écrivains au sérieux » aussi parfois. Surtout quand ils racontent que « nous avions atteint les derniers jours » et que « la planète commençait à manquer de tout sauf d’êtres humains ». Nous n’en sommes pas si loin même si « le malheur prend son temps » comme nous le rappelle le titre d’une nouvelle et du recueil lui-même.
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Alors quel est ce « dernier fil » qui nous retient à la vie ? Les oiseaux et leur contemplation ? Les documentaires animaliers qui bientôt seront retirés de nos programmes télévisés de nuit ? Oui peut-être mais attention « la beauté peut rendre malheureux » nous prévient Dessaint.
A la fin, ce qu’il désirait, c’était ressentir les dernières vibrations d’un monde qu’il savait déjà perdu.
Quant aux nostalgiques des romans noirs écrits par le lauréat (entre autres) du grand prix de la littérature policière, « l’hommage à Depardon » devrait vous faire patienter jusqu’au prochain. Enfin, comme on en voit pas mal en ce moment, le lecteur sera prévenu dans les ultimes pages du livre, il ne regardera plus jamais un écureuil comme avant.
« Le malheur prend son temps » Pascal Dessaint, « La déviation »