Au deuxième jour du procès AZF à Paris, les avocats de la défense et des parties civiles se sont juridiquement opposés sur la question de la citation au procès de la société Total, propriétaire de Grande Paroisse et d'AZF, et de Thierry Desmarets son ancien PDG. Il sera entendu le 27 avril.
Comme lors des deux premiers procès, en 2009 et 2012, l'ombre du groupe Total a plané sur l'audience du troisième procès AZF, qui se tient depuis mardi à la Cour d'appel de Paris : au deuxième jour du procès, la Cour a examiné la demande de citation directe au procès de Total et de son PDG de l'époque, Thierry Desmarets, déposée par plusieurs parties civiles.
"Marion et Nina avaient 5 ans en 2001 et jouaient dans la cour de leur école, a raconté Maître Simon Cohen, lyrique, quand cette cour a été bombardée. A cet âge, elle savaient dire Total mais ne savaient pas prononcer Grande Paroisse".
On juge des leurres !
Pour l'avocat, l'un de ceux à l'origine de cette citation de Total et de Thierry Desmarets, en jugeant la filiale Grande Paroisse et le directeur de l'usine de Toulouse Serge Biechlin, "on juge des leurres". "L'affaire est marquée du sceau de Total. Si l'on doit se contenter de juger un leurre, on dit aux victimes que le droit n'existe plus parce qu'il se dérobe devant la puissance".
Ce sont des poupées russes !
"Grande Paroisse c'est Total", s'exclame Maître Stella Bisseuil, avocate de l'association des familles endeuillées, qui s'est jointe à cette demande de citation directe. "Ce sont des poupées russes. La question est de savoir à quel étage de la fusée se prenaient les décisions".
"Personne ne comprendra demain comment nous avons pu juger cette affaire à trois reprises, renchérit son confrère Maître Thierry Carrère, avocat de l'association des sinistrés du 21 septembre, en mettant hors de cause l’entité économique qui commande. Chaque fois que l’on soulève une pierre on trouve Total : dans les prises de décisions stratégiques et même dans les crédits retirés ou retenus pour améliorer la sécurité de ses usines, particulièrement celle de Toulouse".
Une enquête interne menée sur place par Total
Maître Agnès Casero, qui représente plusieurs centaines de parties civiles individuelles, rappelle devant la Cour que les ingénieurs de Total étaient sur place avant les enquêteurs juste après l'explosion et que le groupe Total a mené sa propre enquête, interrogé les témoins.Tous ces avocats rappellent aussi que c'est Total qui a indemnisé les victimes. Une manière de reconnaître sa responsabilité.
Total a acquis Grande Paroisse quelques mois seulement avant l'explosion
Pour l'avocat de Total, Maître Jean Veil, "Total a conscience du drame qu'ont traversé les victimes". Mais il se réfère notamment au principe de l'autorité de la chose jugée estimant que l'instruction n'a pas mis en cause Total et son dirigeant de l'époque et que l'ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel en 2008 est explicite sur ce sujet. "Total a acquis Grande Paroisse quelques mois seulement avant l'explosion d'AZF et ne peut avoir de responsabilité pénale dans ce dossier". La défense a donc demandé l'irrecevabilité de cette citation directe et une décision, en ce sens, immédiate de la Cour d'appel de Paris.
De son côté le ministère public a dit comprendre la démarche des parties civiles : "Le parquet général s'incline devant cette intention de faire citer Total et son représentant de l'époque. Mais cette intention présente des faiblesses juridiques". Le parquet général demande donc à la cour de "joindre l'incident au fond".